«Ce sont des actes graves et le Parquet doit se prononcer»
Des attaques ont eu lieu dernièrement contre le domicile de certains responsables publics, d’un Procureur du Roi et autres magistrats et même d’un membre du gouvernement. Que pensez-vous de tout cela?
La question qui se pose, c’est de savoir si c’est un acte normal ou un acte qui n’est pas normal? Si on considère qu’il s’agit d’un acte anormal, il faut d’abord qu’on le qualifie, s’il est politique ou si c’est un crime organisé, ce qui est un autre volet du problème. Mais, pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer, ou de dire quels sont les indicateurs que nous avons pour qualifier ces actes. Jusqu’à présent, nous n’avons aucune information judiciaire émanant du Parquet à ce sujet.
Le Parquet a normalement la charge de vérifier et de rassembler les éléments de l’enquête. Je pense que ce sera prématuré de ma part de qualifier les actes qui ont eu lieu dernièrement. Les gens concernés par ces incidents sont des personnes politiques publiques ayant des postes à certains niveaux administratifs. Mais je ne pense pas que nous soyons en mesure de qualifier ces actes et de dire si ce sont des actes individuels ordinaires ou des crimes organisés?
Comment qualifiez-vous l’affaire du ministre de la Santé dont la famille a été menacée, ou encore celle de Hamid Chabat dont le domicile aurait dernièrement été saccagé par des individus non identifiés?
Je le répète, jusqu’à maintenant, on n’a pas assez de données et d’éléments pour qualifier ces deux actes. Parce que, encore une fois, l’organisme qui est en charge d’enquêter sur tout cela ne s’est pas encore prononcé. Et du fait que le Parquet ne se s’est pas encore prononcé, ce serait une aventure de ma part de me prononcer sur l’ampleur de ces actes. La qualification de l’acte m’échappe. Mais je dois souligner que ce qui s’est passé dernièrement est grave. C’est grave de menacer des gens qui ont une responsabilité politique ou administrative.
De tels actes sont commis contre des personnes publiques dont un membre du gouvernement. Sommes-nous là devant un phénomène nouveau au Maroc?
Lorsqu’on parle de phénomène nouveau, cela veut dire que nous avons déjà fait un recensement de ce qui s’est passé avant. Or, de par le passé, il y avait des actes, mais personne ne pouvait en parler. Aujourd’hui, il y a des gens qui en parlent et on commence à avoir l’écho de ce qui se passe dans notre société. Personne n’est en mesure de dire si les mêmes actes existaient avant ou non. On n’avait pas de moyens de vérification. Mais vu l’espace médiatique et la dimension de la liberté d’expression qu’il y a actuellement, on est au courant, au fur et à mesure, de tous les actes de vandalisme qui s’opèrent dans la société marocaine. Cependant, il reste difficile de dire que nous avons aujourd’hui plus d’attaques qu’hier.
Quelle réaction doit-on normalement adopter dans de telles situations?
Il est clair que ce sont là des actes graves et le Parquet doit se prononcer. Car l’opinion publique est inquiète et il faut qu’on sache exactement de quoi il s’agit. Dans d’autres pays, lorsque des actes de ce genre sont commis contre des personnalités publiques, il y a toujours un responsable qui fait une déclaration au sujet de ces actes. Cela rassure les citoyens. Mais au Maroc, on est malheureusement devant un silence total du Parquet, ce qui est anormal, vu l’importance des gens qui ont été attaqués et vu la multiplication de tels actes. Attaquer le domicile d’un responsable, en vouloir à sa famille et à ses enfants, c’est très grave. Les Marocains attendent des explications à tout cela. Sinon, certaines analyses vont commencer à parler d’actes qui seraient conduits par des inconnus, comme cela se passe dans d’autres pays tels l’Algérie ou l’Egypte, par exemple. Or, il ne faut pas qu’on en arrive là. Il ne faut pas qu’on soit hâtif et qu’on anticipe. On ne peut anticiper que lorsqu’on a des moyens et des éléments pour faire une comparaison. En tant que simples citoyens, nous avons peur de ce manque d’éléments. Le Parquet doit se prononcer sur tous ces actes, dont l’affaire du SG du Parti de l’Istiqlal, Hamid Chabat et celle du ministre de la Santé, El Houssaine Louardi, lesquels ne sont pas des citoyens ordinaires. Certes, chaque jour, il y a des agressions. Mais ce sont souvent des actes individuels, puisqu’il y a des intérêts entre deux personnes, tandis que là, on s’attaque à un responsable politique et un responsable de l’administration. Et il faut que le Parquet et le gouvernement réagissent. Sinon, cela sèmera la panique dans la société.
Qu’en sera-t-il sur le plan légal, s’il s’avère que ces actes ont été réellement commis à des fins politiques?
Vous partez d’une supposition… Le Code pénal ne reconnaît que deux sortes de crimes: le crime normal, individuel ou collectif, mais qui est normal et le crime terroriste. Mais nous n’avons pas assez d’éléments pour dire que c’est un crime à caractère terroriste.
L’essentiel dans tout cela, c’est comment tranquilliser l’opinion publique. Et, dois-je le souligner, ce n’est pas le rôle des médias. Aujourd’hui, le Maroc entre dans une phase très critique et très complexe. Nous avons un gouvernement et un parlement qui sont en panne et nous n’avons pas réellement de débats politiques. Nous n’avons que des crimes et des problèmes. Lorsque je lis les journaux le soir, je n’arrive pas à dormir parce qu’il n’y a que des crimes, des vols et des viols. En fait, l’opinion publique ne s’intéresse aujourd’hui qu’à des crimes. Or, la mission des médias, c’est d’amener cette opinion publique à s’intéresser à la chose publique et à créer un débat. Aujourd’hui, il n’y a pas de débat politique.