Plus de cinq mois se sont écoulés depuis que Abdelilah Benkirane a été chargé par le Souverain de former son gouvernement, mais sans que le chef de gouvernement puisse former sa majorité. Cette situation porte préjudice au Royaume sur les plans économique et politique.
L’incapacité pour le SG du PJD de former sa majorité se fait de plus en plus sentir. Cette situation de blocage, qui n’a que trop duré, participe au blocage de la machine économique du pays et empêche les institutions de fonctionner normalement. D’où l’arbitrage royal que tout le monde attend, à commencer par le chef de gouvernement désigné, lui-même.
L’économie à la traîne
Bien que le Maroc ait réussi à dépasser les obstacles causés par le retard concernant la formation du nouveau gouvernement, en ouvrant par décret les crédits nécessaires à la marche des services publics, la loi de Finances 2017 n’a pas encore été adoptée, ni même discutée au Parlement; alors que le mois de mars tend vers sa fin. Ce retard donne lieu au blocage de plusieurs chantiers économiques, à leur tête l’emploi qui nécessite le déblocage des budgets nécessaires, pour le recrutement dans la Fonction publique. De l’avis de nombreux économistes, le gouvernement doit être formé dans les plus brefs délais. A défaut, l’économie nationale continuera de fonctionner à un rythme de tortue.
Concernant les Investissements directs étrangers (IDE), en l’absence d’un gouvernement solide et opérationnel, ils accusent eux aussi un coup dur. Les investisseurs étrangers montrent depuis quelques temps une réelle impatience. Tous hésitent à placer leurs fonds au Maroc, tellement l’horizon est opaque et incertain, en raison de la passivité et de la rigidité avec laquelle le chef de gouvernement se comporte avec ses interlocuteurs, dans le cadre des négociations pour la formation de la majorité.
Le gouvernement en mode pilotage automatique
Sur le plan politique, la situation est également insoutenable. Les ministres ne prennent aucune décision, tant qu’ils ne seront pas eux-mêmes fixés sur leur sort. En effet, aucun ministre n’est certain d’être reconduit au même poste dans le prochain gouvernement. D’où cette atmosphère d’hésitation et l’absence d’initiatives de leur part. C’est ce qu’explique Hassan Tariq, Professeur en droit constitutionnel, en affirmant que le gouvernement, dans sa configuration actuelle, n’est chargé que de la gestion des affaires courantes et donc, aucun ministre ne peut prendre de vraies décisions. Et c’est ce que soutiennent aussi plusieurs autres politologues qui vont même jusqu’à dire que le gouvernement est aujourd’hui en mode pilotage automatique, en attendant l’arbitrage du Souverain, seul habilité par la Constitution à trancher, face au blocage des négociations que mène Abdelilah Benkirane pour la formation d’une majorité.
De l’avis de certains PJDistes, il n’y a pas péril en la demeure. Ils estiment que ce n’est pas la première fois que le Maroc est sans gouvernement pendant plusieurs semaines, allusion faite au gouvernement d’alternance de Abderrahmane Youssoufi. Il est vrai qu’en 1997, Youssoufi, à l’époque Premier ministre, avait pris quelques semaines pour former sa majorité. Mais les circonstances étaient différentes et le Maroc était menacé d’une «crise cardiaque». Aujourd’hui, la Constitution accorde une place importance au chef de gouvernement en vue de mener, aux côtés du Souverain, le pays à bon port. Or, beaucoup d’observateurs constatent qu’au moment où le Souverain construit l’avenir du Royaume, Benkirane, à cause de sa réticence, risque de tout défaire sans s’en apercevoir.
Mohcine Lourhzal