Nizar Baraka, ministre de l’Économie et des Finances
Quels sont les efforts déployés par l’Etat pour encourager les investisseurs et renforcer le marché de la dette privée? Quel est le rôle de ce marché dans le financement de l’économie nationale et pourquoi une nouvelle sortie à l’international? Les explications de N. Baraka.
Une telle conférence peut-elle réellement servir de plate-forme à une relance du secteur de la dette privée?
L’objectif est d’abord de faire une évaluation et d’étudier les perspectives pour pouvoir accompagner la croissance du marché national de la dette privée. A ce titre, il y a énormément de voies à suivre pour pouvoir aller de l’avant et renforcer le système, à commencer par l’aspect juridique, en remettant en place un dispositif juridique qui encourage et développe ce type de marché avec la mise en place de système sécurisé à travers le développement du marché interne. Puis, au niveau de la régulation, en transformant le CDVM en autorité de marché, donc plus indépendante et qui a la capacité d’imposer plus de transparence au niveau du marché. Ensuite, en mettant en place et en développant des agences de notation pour assurer cette crédibilité et cette confiance au niveau des papiers qui sont émis par le secteur privé. Enfin, à travers la loi sur le partenariat public-privé (PPP) qui va nous permettre de trouver un moyen de financer un certain nombre d’infrastructures. Il va sans dire que la transparence du marché de la dette passe aussi par une communication financière plus adéquate. Les données des émetteurs mises à la disposition des investisseurs doivent être les plus complètes et les plus sincères possibles.
Quel rôle les investisseurs peuvent-ils donc jouer quant au financement de l’économie?
Les investisseurs institutionnels jouent en effet un rôle central dans le financement de l’économie. Ils constituent aujourd’hui un important levier pour accompagner les politiques du gouvernement, notamment ses stratégies sectorielles. Il est ainsi impératif qu’ils réduisent les asymétries d’information entre dirigeants et actionnaires et élaborent leurs propres évaluations des risques; surtout que l’Etat est fermement attaché au développement de leur rôle au sein de l’économie nationale.
Par quoi se manifeste cet attachement de l’Etat dont vous avez parlé?
En ce temps marqué par un resserrement de la liquidité, il importe d’accélérer les réformes afin de consolider la confiance des investisseurs et de développer le marché de la dette privée, notamment à travers le renforcement de la transparence via la notation des différents émetteurs et la mise en place d’un reporting sur les marchés des capitaux permettant aux intervenants d’apprécier valablement les risques et les opportunités de ce marché. Faut-il rappeler encore les principales mesures et réformes entreprises depuis le début des années 1990, notamment la création des Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), dont l’actif net est passé de 35 MMDH en 2002 à 245 MMDH en 2012? Les émissions sur le marché de la dette privée ont atteint plus de 70 MMDH en 2012, soit 7 fois leur niveau de l’année 2006. L’encours de la dette privée a également progressé fortement pour représenter 20% du PIB, contre à peine 9,5% du PIB en 2008.
Pour ce qui est des récents efforts de l’Etat pour le développement de l’investissement, il y a lieu de souligner, à titre d’exemple, la mise en place du marché d’instruments financiers à terme, dont le projet de loi a été approuvé par la Chambre des représentants en février 2013 et sera prochainement examiné par la Chambre des conseillers. Bien sûr, d’autres instruments verront le jour prochainement et permettront d’élargir la gamme des instruments de financement et d’investissement. Il s’agit de la mise en place d’un cadre législatif régissant les sukuk (obligations islamiques), les fonds indiciels cotés, les fonds immobiliers cotés (OPCI) et les obligations sécurisées.
Le Maroc a conclu avec succès deux émissions d’un montant global de 750 millions de dollars sur les marchés financiers internationaux. Dans quelles circonstances ces émissions interviennent-elles?
En effet, nous avons eu 500 millions de dollars sur 10 ans et 250 millions sur 30 ans. En fait, nous avons fait ce qu’on appelle un Tap, c’est-à-dire qu’on est revenu sur la sortie qu’on avait faite en décembre pour voir si les gens qui avaient émis à l’époque la volonté d’acheter étaient toujours intéressés. C’est essentiellement pour financer le Trésor et non pour pallier un quelconque problème de liquidité parce que, très franchement, nous en avons assez sur le marché. La transaction a pris la forme d’une réouverture des émissions effectuées en décembre 2012. Et tout comme l’émission inaugurale, qui était d’ailleurs une grande réussite comme en ont témoigné les commentateurs internationaux, celle-ci aussi s’est conclue avec succès et a confirmé la confiance à très long terme des marchés internationaux dans notre économie, la stabilité de notre pays et notre capacité de faire face aux défis avoisinants, aussi bien sur le plan régional que sur le plan économique.