L’adhésion imminente du Maroc à la CEDEAO ne laisse personne indifférent. Certains l’accueillent avec bienveillance et enthousiasme, tandis que d’autres s’en méfient et s’y opposent. C’est le cas de certains acteurs du secteur privé sénégalais qui n’ont pas fait mystère de leur scepticisme. Les détails.
C’est officiel depuis fin août, l’intégration du Maroc à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) devrait être actée le 16 décembre prochain à Lomé (capitale du Togo). L’annonce en a été faite par Marcel Alain de Souza, président de la Commission de ladite Communauté, et l’arrivée du Maroc a été applaudie par tous les membres du groupement régional. Un enthousiasme réitéré récemment d’ailleurs, en l’occurrence le 9 novembre dernier à Tanger, où les participants au workshop «Union Africaine et CEDEAO», conviés à l’occasion de la tenue du MEDays Business Summit 2017, ont souligné le caractère «bénéfique» que revêt cette adhésion, tout en mettant en exergue l’importance des projets sur lesquels le royaume et les pays membres de la CEDEAO sont mobilisés. Toutefois, le secteur privé sénégalais ne voit pas du même œil cette adhésion. Il pointe du doigt les diverses insuffisances dont souffrent plusieurs secteurs d’activité au Sénégal et dans lesquels le Maroc, lui, excelle. C’est ainsi que plusieurs membres d’organisations patronales et professionnelles, syndicats des travailleurs, universitaires et associations de la société civile ont formé une espèce d’opposition à l’accueil du royaume au sein du Comité d’initiative pour le suivi de l’intégration (CISI). Le président de ce dernier, Zator Kane Diallo, a expliqué que si certains se mobilisent ainsi contre ladite adhésion, c’est parce que «l’économie marocaine est très compétitive et n’épargne aucun secteur». Une position confirmée par Mor Tall Kane, directeur exécutif de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES), qui soutient que «le tissu industriel du Sénégal et des autres pays de l’Union économique et monétaire ouest africaine-UEMOA ne va pas s’en remettre». Et de poursuivre: «Nous n’avons pas les moyens de faire face aux entreprises marocaines. Tous nos secteurs seront perdants car nous n’avons pas d’offre à faire pour le marché marocain». Pour autant, même si l’opposition à l’adhésion du Maroc se résume à ces quelques voix, les raisons invoquées ont immédiatement été invalidées par les homologues africains des organisations précitées, ainsi que par plusieurs des représentants des Etats-membres de la CEDEAO. Le Maroc, qui accèdera à un marché de 320 millions d’habitants, fera profiter les autres Etats de son expertise en matière d’infrastructures, d’agriculture & agroalimentaire, de pharmaceutique et d’énergie. D’un autre côté, l’adhésion du Maroc, forte de son retour à l’Union Africaine, renforcera davantage l’intégration locale et continentale de l’Afrique de l’Ouest et pèsera en faveur d’un rééquilibrage des rapports avec l’Union Européenne avec laquelle le royaume a des liens privilégiés. Par ailleurs, les différents accords de libre-échange que le Maroc a signés avec des pays à très fort potentiel commercial, tels que les Etats-Unis et la Turquie, offriront aux pays-membres de cette communauté des débouchés supplémentaires qui feront un grand bien à certaines balances commerciales déficitaires et ce, par voies de reconfigurations logistiques actuellement à l’étude. Notons également que le royaume mobilise, en termes d’investissements directs étrangers (IDE) dans la région, 90% de ses ressources à destination du Mali, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. Un investissement accompagné de la forte présence de grands opérateurs économiques nationaux et de groupes financiers et bancaires, à même de développer les activités du royaume dans ces pays et ce, en étroite collaboration avec les acteurs locaux, friands d’opportunités d’affaires et de positionnements sur des chantiers structurants, qui s’en voient ainsi revigorés. Au final, l’«opposition» a fait long feu et les nombreux bénéfices de l’adhésion du Maroc ont été reconfirmés. Il ne reste désormais plus qu’à attendre la tenue du 52ème sommet de la CEDEAO pour célébrer…
Mehdi Mouttalib