Ils sont jeunes, issus pour la plupart d’entre eux de milieux défavorisés. Ce sont les délinquants qui commettent des vols à l’arraché et des agressions en pleine rue… Des actes dont ils font leur principale activité. Quel impact du code pénal, de la prison…?
Pourquoi des jeunes, à la fleur de l’âge, préfèrent-ils semer la terreur parmi les citoyens, alors qu’ils auraient très bien pu mettre la main à la pâte et contribuer à l’édification du Maroc de demain? La réponse à cette question nécessite de se pencher sur les facteurs qui contribuent à l’éclosion d’une nouvelle génération de «caïds», que certains qualifient de mauvais jetons à neutraliser.
L’approche sécuritaire remise en question
Afin de limiter la prolifération des agressions sur la voie publique, il faut certes frapper d’une main de fer quiconque se permettrait de terroriser la population. Grâce aux opérations proactives visant à faire face aux menaces sécuritaires qui pèsent sur la société marocaine, plusieurs arrestations sont réalisées dans les milieux criminels. Toutefois, ces interpellations ne parviennent pas, à elles-seules, à dissuader les agresseurs de récidiver. Dans ce contexte, les citoyens s’interrogent sur l’efficacité du tout sécuritaire face à l’augmentation des cas d’agressions rapportés par l’opinion publique nationale. Sur ce point précis, les spécialistes des questions sociales, considèrent que la multiplication des actes de violences dans toutes les villes marocaines est un signal d’alarme qui renseigne sur le malaise social, accentué par l’absence d’encadrement et le manque de perspectives pour une jeunesse marocaine en perdition.
On ne naît pas délinquant, on le devient
Les études réalisées dans le but de cerner les facteurs déclenchant et aggravants du phénomène des agressions, convergent vers la même conclusion: on ne naît pas agresseur, on le devient! Indépendamment d’une catégorie de délinquants pour qui, agresser et terroriser des citoyens innocents est une manière d’être et une façon de s’affranchir de toute sorte d’autorité familiale ou étatique, il existe une autre catégorie d’agresseurs qui commettent ce type de délits malgré-eux. L’expérience a montré que le climat familial influe sur la construction de la personnalité. Une personne qui a évolué dans une atmosphère familiale équilibrée aura beaucoup moins de risques de sombrer dans la délinquance, qu’une autre qui a baigné dès sa plus tendre enfance, dans la précarité et l’exclusion. Au cours de leurs interrogatoires, la plupart des individus poursuivis dans des affaires de vols à l’arraché, justifient leurs actes par leurs conditions sociales difficiles. D’où, les appels à un traitement approfondi de ce phénomène de société.
Repenser la place des jeunes dans la société
En lançant l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), le Maroc a voulu donner aux jeunes défavorisés, une chance d’intégrer le tissu productif national. Malheureusement, cet objectif n’a pas été totalement atteint. Plusieurs raisons expliquent cela, dont les difficultés qui ont accompagné les opérations de ciblage des bénéficiaires. Conscient de la nécessité de remédier aux lacunes qui ont entravé les deux premières phases de ladite initiative, le Maroc a lancé, en décembre 2018, la troisième phase de l’INDH. En outre, un nouveau modèle de développement verra bientôt le jour. Objectif, permettre à toutes les franges de la société, y compris les jeunes, de profiter des fruits de la croissance. L’espoir est donc permis, d’une nouvelle jeunesse pleine d’espoirs et attachée aux principes de la citoyenneté constructive, et non aux idées destructrices.
Mettre à jour les textes juridiques
Le volet légal est également pointé du doigt pour expliquer l’accroissement des agressions dans les espaces publics. Dans ce cadre, les juristes appellent à la révision du code pénal marocain, dans sa partie consacrée à la définition de la légitime défense et les cas où il est permis d’en faire usage. Contrairement à d’autres pays comme les Etats-Unis, la légitime défense n’est pas clairement définie par le code pénal marocain, ce qui encourage les agresseurs à persister dans leurs comportements criminels. De l’avis des robes noires, le code pénal est tout simplement caduc. En effet, si l’article 400 du Code pénal stipule: «Quiconque, volontairement, fait des blessures ou porte des coups à autrui ou commet toutes autres violences ou voies de fait est puni d’un emprisonnement d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de 120 à 500 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement. Lorsqu’il y a eu préméditation, ou guet-apens, ou emploi d’une arme, la peine est l’emprisonnement de six mois à deux ans et l’amende de 120 à 1.000 dirhams», l’application de cet article pose problème, sachant que les juges se montrent cléments envers les accusés, ce qui n’arrange rien à la situation.
Et repenser l’incarcération
Du point de vue des victimes d’agressions dans les espaces publics, le premier élément sur lequel les autorités doivent se pencher, se rapporte aux conditions de détention des prévenus dans des affaires d’agressions accompagnées de vols sous la menace à l’arme blanche. De nos jours, au Maroc, il est établi que purger une peine d’emprisonnement est synonyme de vacances pour un grand nombre de délinquants. A l’intérieur des établissements pénitentiaires, les détenus bénéficient de conditions de confort optimales, ce qui n’était pas le cas pour leurs ancêtres. De quoi interpeler les autorités afin qu’elles repensent le concept-même de l’incarcération surtout face à des criminels récidivistes. A l’ère des droits de l’Homme, il est certes difficile de durcir les conditions d’incarcération des détenus. Toutefois, les juges doivent faire preuve de davantage d’intransigeance, en prononçant des peines lourdes contre les agresseurs.
En attendant de trouver une solution définitive au phénomène des agressions, les citoyens sont appelés à prendre leur mal en patience, en espérant des lendemains plus sûrs.
Mohcine Lourhzal