La majorité gouvernementale, après avoir été chapitrée, dimanche 25 juin, par le Roi pour la «non-exécution», dans les délais, des projets prévus pour la région d’Al Hoceima, enchaine les réunions, depuis mardi, pour mettre fin à la crise dans le Rif.
Les manifestations du «Hirak» du Rif se poursuivent dans un climat de vive tension sociale. Lundi et mardi, jours les plus violents depuis le début des protestations dans le nord, les forces de l’ordre ont à nouveau dispersé des manifestations à Al Hoceima et à Imzouren. Des jeunes encagoulés ont procédé à des jets de pierres contre les forces de l’ordre. Les événements de ces derniers jours ont fait plusieurs blessés parmi les manifestants et les forces de l’ordre. Alors que, ce mercredi, aucun bilan n’était encore disponible du côté des protestataires, un responsable de la ville d’Al Hoceima a déclaré que près d’une centaine de policiers ont été blessés dans des affrontements avec de jeunes manifestants encagoulés. 29 autres policiers ont été blessés dans des heurts à Imzouren et ont été transférés à l’hôpital pour y recevoir les soins nécessaires, apprend-on des autorités locales. Selon nos sources sur place, les manifestants tentaient, lundi (jour de la fête), de rejoindre un rassemblement à Al Hoceima, mais les éléments des forces de l’ordre ont fermé les accès à cette ville et dispersé les protestataires. Dans ce climat tendu, qui inquiète les ONG locales et nationales, les manifestants continuent de réclamer, sans relâche, la libération des prisonniers du «Hirak». Ces derniers sont accusés d’avoir commis «des actes contraires à la loi et punis par le Code pénal». Ainsi, les violents événements de la fête de Aid Al Fitr interviennent à un moment où la colère dans la région d’Al Hoceima a atteint son paroxysme et où les contestations prennent toujours une tournure plus sociale et politique dans cette région. Des observateurs approchés par Le Reporter redoutent que, sans un dialogue direct avec les jeunes du «Hirak», il ne soit pas possible d’instaurer le calme et la paix indispensables à l’aboutissement des projets prévus pour la région». Comme l’a, d’ailleurs, exprimé le Chef de gouvernement, ce mercredi 28 juin, dans une déclaration à la presse. «Nous devons mutualiser nos efforts pour asseoir un climat positif à Al Hoceima», a jugé Saad Eddine El Othmani. Celui-ci, jusqu’à ce mercredi soir, n’avait fait aucune sortie médiatique pour calmer les esprits dans la ville d’Al Hoceima, laquelle était en ébullition depuis la mort du poissonnier Mohcine Fikri, broyé accidentellement par un camion-benne.
Huit mois après cette tragédie, la majorité gouvernementale, après avoir été rappelée à l’ordre, dimanche dernier, par le Souverain pour la «non-exécution» dans les délais des projets prévus pour la région d’Al Hoceima, enchaine les réunions pour mettre fin à la crise dans le Rif. Le Chef de gouvernement, Saad Eddine El Othmani a, d’abord, assuré que la loi sera respectée dans le traitement des protestations, à Al Hoceima, ajoutant qu’une enquête sera lancée pour tout abus ou torture présumée à l’encontre des détenus du «Hirak».
«Concernant les décisions que SM le Roi a prises, lors du dernier conseil de ministres, au sujet des projets prévus dans la province d’Al Hoceima, le gouvernement est mobilisé pour concrétiser les décisions royales et mener à bien le suivi de leur exécution», a assuré le chef de l’exécutif. Pour cela, précise-t-il, une batterie de mesures d’urgence sont prises, dont la convocation des partis de la majorité, pour examiner les doléances – qui restent légitimes- exprimées par les populations rifaines. Chacun des départements concernés devra élaborer un rapport détaillé sur l’état d’avancement de ces projets et sur les difficultés rencontrées. «Le gouvernement fera tout le nécessaire pour régler les problématiques liées au financement, à l’assiette foncière, à la coordination entre le département et au suivi», a précisé Saad Eddine El Othmani.
L’Exécutif –resté muet pendant près de huit mois- réussira-t-il à rétablir la confiance avec les populations rifaines en colère? Le Chef de gouvernement se veut en tout cas rassurant. Dans sa déclaration à la presse, ce mercredi, il a appelé les membres de l’Exécutif à «asseoir une communication active et de proximité avec l’ensemble des acteurs concernés par ces projets, au niveau local et régional, en impliquant les instances élues et la société civile dans le suivi et l’évaluation des projets en question». Des propos qui ne satisferont guère certains observateurs de la chose publique. «Les expériences avec les gouvernements précédents ont montré un fossé entre les paroles et la réalité sur le terrain», a-t-on commenté.
Naîma Cherii