Devant la pression du mouvement populaire de protestation inédit “Hirak” et alors que les observateurs et les acteurs politiques s’attendaient à un fléchissement dans la position des nouveaux tenants du pouvoir en Algérie et à des mesures d’apaisement pour enclencher un processus de règlement de la crise multidimensionnelle dont s’engouffre le pays, c’est le contraire qui s’est produit.
Poursuite en justice des “têtes d’affiche” du “Hirak”, arrestations en masse, contrôle judiciaire, procès en cascade et condamnations de journalistes, de blogueurs et de militants, qui iront grossir les rangs des détenus politiques, la répression pleut sur toutes les voix dissidentes, surtout en ces temps de pandémie rampante du coronavirus qui continue à faire des ravages en Algérie.
Force est de constater que depuis mars dernier, date de l’annonce des premiers cas actifs du covid-19 en Algérie, le pouvoir est passé à la vitesse supérieure dans sa chasse aux hirakistes. C’est ainsi que la pandémie est mise à profit par les autorités pour durcir la répression et tenter de “confiner” le mouvement de contestation qui dérange le système et ses laudateurs.
Des centaines de personnes, dont des activistes, des journalistes ou encore de simples citoyens ont été ainsi arrêtées à leurs domiciles pendant le confinement, essentiellement pour des opinions ou des propos qui déplaisent au pouvoir. Ce dernier saisit l’argument inéluctable de la propagation de la pandémie du coronavirus comme on s’accroche à une bouée de sauvetage pour finir avec les revendications des protestataires.
Mais c’est sans compter sur la volonté sourde des hirakistes de hâter le come-back de leur mouvement salutaire et de le mener à bon port pour une nouvelle ère en Algérie. Un sentiment qui se trouve naturellement attisé par l’attitude arrogante d’un pouvoir politico-sécuritaire habitué à gérer les revendications sociales par la bastonnade, les arrestations arbitraires et les procès en plein confinement et ce, à contrario du droit et des conventions internationales.
Les prémices de reprise encore plus massive des manifestations populaires s’affichent chaque jour et affolent un sérail aux abois. Malgré la répression de tout genre, les hirakistes sont décidés de réoccuper la rue en tant que ferment de la contestation et de faire pression sur le système pour l’obliger à lâcher du lest.
Plusieurs villes algériennes, telles que Kherrata, Bouira, Alger, Tizi Ouzou et Tigzirt ont vibré ces derniers temps au rythme de contestations et de manifestations par lesquelles elles signent la fin de leur “confinement politique”.
Dans cet élan de contestation et de dénonciation des pratiques autoritaires du pouvoir, d’aucuns mettent en garde les nouveaux tenants du pouvoir contre la tentative de recomposition du système et de vouloir mettre à profit la crise épidémiologique afin de durcir la répression et la traque des militants politiques et des hirakistes.
Nombreux sont, en effet, les ONG et les personnalités politiques, qui ont condamné vigoureusement cette répression, la qualifiant d’atteinte caractérisée aux principes fondamentaux des droits de l’Homme, dont le droit à la liberté d’expression et de rassemblement pacifique.
Ces organisations estiment que la crise politique dont patauge le pays et qui est marquée par un déficit de confiance entre les citoyens et le pouvoir en place n’est pas soluble dans les commissariats, les tribunaux et les prisons.
C’est le cas de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) qui s’alarme d’une “situation grave et dangereuse où l’on fait jouer à la justice un rôle qui n’est pas le sien”.
En effet, les craintes exprimées par les défenseurs des droits de l’Homme après la présentation, en mars dernier, du projet de loi sur “la discrimination et le discours haineux” s’avèrent finalement justifiées.
Depuis son entrée en vigueur, le texte a servi plutôt de prétexte pour déceler “la moindre preuve” nécessaire pour justifier l’arrestation et l’emprisonnement des activistes, regrettent-ils.
Le Collectif des amis du Manifeste pour l’Algérie nouvelle (CAMAN) est également de cet avis. Pour lui, “le rejet populaire de l’agenda de restauration du système autoritaire se confirme plus que jamais, en plein confinement, notamment à travers les réseaux sociaux”.
Le Collectif fait, à cet égard, constater qu’”au lieu de profiter de la suspension des manifestations populaires pour enclencher une dynamique de détente politique, le pouvoir use et abuse du fait accompli pour imposer sa démarche unilatérale brutale”.
Face à l’acharnement des tenants du pouvoir, aux arrestations et à l’arbitraire judiciaire, qui se conjuguent avec l’instrumentalisation de la crise sanitaire du coronavirus, dans le vain espoir d’enrayer le mouvement populaire de contestations, d’aucuns rappellent la tragédie du “Printemps noir” de 2001 qui a causé la mort de 126 jeunes en Kabylie et des dizaines d’handicapés.
Relevant que cette tragédie n’était pas le résultat d’un concours d’événements, mais plutôt l’expression d’un système politique bâti contre la souveraineté et l’intérêt général, les activistes du mouvement issu de l’insurrection pacifique du 22 février 2019 estiment que l’issue salvatrice est dans la mobilisation pacifique afin que les Algériennes et les Algériens récupèrent leur souveraineté entière et puissent vivre libres et construire durablement leur pays.
Ils préconisent, à ce propos, un dialogue sérieux sur les revendications citoyennes portées par le “Hirak”, lequel doit être précédé par l’arrêt des atteintes aux libertés qui créent un surcroît de tension. Un dialogue qui est à même de faire sortir le pays de la dangereuse impasse dans laquelle il s’est délibérément engouffré.
LR/MAP