Les récentes annonces et décisions politiques en Algérie font partie d’une stratégie visant à étouffer le mouvement de contestation populaire, le Hirak ; mais les Algériens ne sont pas dupes et cela ne les empêchera pas de continuer à sortir dans la rue, affirme Farida Souiah, politologue, chercheuse associée au Laboratoire méditerranée de sociologie de l’Université Aix-Marseille.
Les annonces du régime sont « assez spectaculaires » (dissolution du Parlement, remaniement ministériel, libération de quelques détenus du Hirak..). Mais, « je pense que l’un des premiers objectifs est de calmer la contestation », alors que les Algériens commémorent le 2ème anniversaire du Hirak, souligne Farida Souiah, docteure en Sciences politiques du CERI Sciences Po, dans un entretien au site d’information Ouest-France.
Cependant, assure-t-elle, « cette tentative du régime n’empêchera pas les Algériens de sortir dans la rue. Personne n’est dupe ».
Et d’expliquer que « dans l’histoire contemporaine de l’Algérie, réforme de libéralisation politique n’est pas équivalent à démocratisation. Ce sont des mesures qui agissent comme soupape de sûreté pour essayer d’abaisser la pression et de maintenir le régime ».
A propos de la réforme de la Constitution, l’experte estime que « le régime politique cherche une sorte d’assentiment populaire. Or la réforme de la Constitution a été votée avec un taux de participation très bas, environ 23 %. De plus, parfois, certains points d’une Constitution ne sont pas mis en place ou sont modifiés après ».
« L’Algérie a déjà eu la limitation de deux mandats présidentiels. Ça n’a pas empêché (pour autant) Bouteflika d’en faire quatre. En tant que tel, ce n’est pas gage de démocratie », a-t-elle dit.
Priée d’expliquer pourquoi le Hirak n’a pas abouti à une « structuration », la politologue souligne qu’en effet « beaucoup de gens reprochent au Hirak de ne pas s’être structuré, mais il y a des raisons à cela : dans un pays où il y a eu tellement de captations de la légitimité, il n’est pas facile de faire confiance à des leaders politiques. Quant à l’éventualité de présenter des candidats, ce serait, pour certains activistes, crédibiliser le processus alors que l’élection est d’ores et déjà à moitié perdue ».
Pour l’heure, décrypte-t-elle, « le régime s’est adapté à cette réalité de contestation populaire et massive. Beaucoup de stratégies sont mises en œuvre pour reprendre le contrôle. Le discours du président algérien en fait partie ».
Néanmoins, souligne la politologue, « un acquis indéniable » de ce Hirak aura été « une reprise de l’espace public et la capacité à se mobiliser».
Le Hirak est venu démentir ceux qui prétendaient que les « Algériens étaient politiquement apathiques », conclut-elle.
LR/MAP