Le Bureau de l’Assemblée parlementaire de la francophonie a tenu ses assises au siège du parlement à Rabat.
Créée en 1967 comme forum d’une simple amicale de parlementaires, sous le nom d’Association internationale des parlementaires de langue française, puis en 1989 sous le nom d’Assemblée, elle s’est transformée en 1998 en Assemblée parlementaire de la francophonie (APF)e. Elle s’est vu ensuite reconnaître par la Charte de la francophonie.
Même si son statut d’Assemblée consultative n’a pas été clairement défini, puisqu’aucun texte n’établit précisément les éléments sur lesquels l’APF peut être amenée à se prononcer, cette dernière a réussi à créer un espace vivant d’échanges et de dialogue entre parlementaires francophones et à promouvoir les principales valeurs de la francophonie.
Dans le document de travail pour l’élaboration d’un cadre stratégique pour l’APF (2013-2017), Pascal Terrasse, Secrétaire général de l’APF, a appelé «à construire une troisième francophonie que nous voulons, a-t-il souligné, porteuse d’une vision et de valeurs qui intéressent le monde hors espace francophone et capable de rassembler des peuples aux cultures différentes, à l’image de l’élan senghorien des pères fondateurs». La secrétaire générale de l’APF a ajouté: «Le projet présenté s’inscrit dans cette continuité, mais part du présupposé qu’il est possible de mieux faire entendre la voix de l’APF tant à l’international qu’auprès des pays francophones».
M. Nafaa
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La Francophonie se barricade! Les journalistes ne se sont pas bousculés au portillon de la célèbre salle «Al Maghribiya» de la Chambre des représentants pour assister à la réunion du Bureau de l’Assemblée parlementaire de la francophonie; non pas parce qu’ils ont boudé l’événement, mais tout simplement parce que, deux jours durant et mis à part la courte séance d’ouverture, les réunions se sont tenues à huis clos. Les journalistes qui se sont hasardés à entrer dans la salle Al Maghribiya se sont vu courtoisement priés de quitter la salle. Aussi les médias nationaux ont-ils suivi cette réunion à partir de leurs ordis et devant une tasse de café. Interrogé, un participant à la réunion (sénateur) a expliqué le huis clos par le souci d’éviter que les résultats des travaux ne filtrent avant la déclaration finale. |
Pascal Terrasse, Secrétaire général parlementaire de l’APF Une communication tournée vers l’extérieur «L’APF ambitionne de développer sa communication en la tournant davantage vers l’extérieur et en accordant toute sa place aux divers réseaux sociaux. De même, elle s’emploie à accroître sa visibilité et à faire de ses moyens de communication un véritable outil de dialogue entre les parlementaires francophones, voire avec la société civile. Par ailleurs, il faudrait encourager les parlementaires participant à des émissions de télévision à évoquer la francophonie. Face à une pensée unique dominante, jusque-là sans contradiction, un effet de visibilité est indispensable». |
Entretien avec Champagne Andrée, présidente internationale de l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF)
«La francophonie vit, mais dans la diversité»
Pour Champagne Andrée, sénatrice du Canada et présidente internationale de l’APF, la francophonie n’est pas menacée; elle est bien en vie, mais dans la diversité.
Interview
Lors de votre prise de fonctions en tant que présidente de l’APF, vous avez affirmé: «Notre voix, celle de l’APF, peut non seulement porter, mais doit porter». Qu’entendiez-vous par là?
Je suis membre de l’APF depuis 1986. Alors, j’en ai vu venir et passer. J’ai vu aussi qu’on ne donnait pas à l’APF du crédit pour toutes les choses que nous faisons.
A qui la faute?
C’était notre faute. Nous ne nous vantions pas assez souvent de ce que nous réalisions. Nous ne faisions pas non plus savoir au monde ce que l’APF faisait. Comme celle-ci est une assemblée consultative, souvent on avait l’impression que notre avis, que nous soumettons aux chefs d’Etats et de gouvernements, n’avait que très peu de poids. Quand j’ai accédé à la présidence (de l’APF), nous avions eu aussi un nouveau secrétaire général parlementaire et un nouveau secrétaire général administratif. Nous avons donc su que le temps d’en profiter était arrivé, pour changer quelques petites choses dans notre façon de faire. C’est ce que j’ai annoncé et ce que nous faisons.
Quelle est alors la stratégie pour l’Assemblée parlementaire de la francophonie et quelles sont ses différents axes?
Je crois que nous voulons d’abord nous faire connaître davantage, au lieu de laisser les gens croire que nous ne sommes là que pour faire des voyages de tourisme dans divers pays du monde. Evidemment, ce sont nos pays respectifs qui nous permettent de voyager.
M. Pascal Terrasse, secrétaire général parlementaire, nous a présenté un plan stratégique que toutes les commissions et toutes les sections ont étudié à nouveau. Nous avons eu un débat très fructueux qui a duré presque trois bonnes heures. Tout le monde a décortiqué le texte de 20 pages et a fait des suggestions.
A quelles exigences répond cette stratégie?
C’est, vraiment, de faire connaître l’APF avec tout ce que nous faisons au niveau de la démocratie et du réseau des femmes pour essayer d’arriver à l’égalité et à la parité.
Vous êtes la deuxième femme qui accède à la présidence de l’APF. Quels sont vos projets?
Effectivement, je suis seulement la deuxième femme qui accède à la présidence de l’APF et je n’y resterai qu’une année, malheureusement. La loi au Canada me force à la retraite au mois de juillet 2014.
L’APF dispose-t-elle d’une stratégie de communication tournée davantage vers l’extérieur?
Elle existe, mais nous voulons l’améliorer. Nous avons un site internet qui mérite cependant un bon petit ménage pour être plus à la pointe de ce qui se fait aujourd’hui dans ce domaine. Mais nous n’avons pas toujours le personnel pour cela et la même chose pour les réseaux sociaux, pour que les gens sachent ce que nous faisons. Pour moi, c’est très important.
Quelle place de l’APF à l’international?
Entre les membres -qui sont membres de plein droit-, les membres associés et les observateurs, nous sommes actuellement 77 pays. On touche donc tous les coins du monde. Nous sommes la seule organisation interparlementaire qui a des membres sur tous les continents.
Qu’est-ce qui a conduit, à votre avis, à cette transformation d’Amicale en Assemblée parlementaire de la francophonie?
Avec 77 pays, j’estime que nous sommes une Assemblée qui peut vraiment arriver à forcer nos gouvernements respectifs à faire des pas en avant et c’est ce que nous faisons.
Vous voulez que l’APF soit porteuse de valeurs. Lesquelles, en priorité?
L’APF est tout d’abord porteuse de démocratie, de diversité et d’égalité hommes-femmes. Ce sont là les grands axes, comme le suggéraient Léopold Sédar Senghor et Aimé César qui ont vraiment été les instigateurs de ce qui s’appelait à l’époque, quand je m’y suis jointe, l’Assemblée Internationale des Parlementaires. Nous sommes devenus plus tard l’Assemblée parlementaire de la francophonie. C’est plus court et ça dit la même chose.
La diplomatie parlementaire, est-elle une réalité aujourd’hui?
Absolument. C’est une réalité. Moi, je sais qu’avant d’aller dans un pays, je passe un bon moment avec notre ministre des Affaires étrangères (Canada) et avec la personne en charge de la francophonie, pour savoir quelles seraient les petites choses qui pourraient accrocher une région ou une autre.
Quel rôle de l’APF dans les crises en pays francophones?
Une chose dont on a longuement débattu durant cette rencontre de Rabat, c’est de voir les crises venir. Et si la crise a lieu, il faudrait essayer de faire le maximum pour aider les pays concernés à se reformer.
Un exemple?
C’est ce que nous avons fait récemment avec la Côte d’Ivoire, avec de l’aide particulièrement financière. Nous avons parmi nous des experts qui peuvent aider les pays qui sortent de crise à bien reformer un parlement démocratique.
Et en Afrique subsaharienne?
Là, nous avons parlé de la crise en Centrafrique, au Mali, etc.
Comment susciter de nouvelles adhésions?
Nous avons eu récemment de nouveaux membres. La Moldavie et là; le français est quand même une langue connue. Nous avons maintenant des pays en Asie pacifique: le Cambodge, le Vietnam et la Thaïlande où il y a des gens francophones. Ils sont maintenant membres de l’APF. Je vais vous dire une chose: plus nous sommes nombreux, plus nous pouvons agir.
Quelle est aujourd’hui l’état de la francophonie? On la dit en perte de vitesse, voire de terrain, un peu partout où elle régnait en maître. On parle de régression due aux nationalismes et à la crise économique et financière de l’Hexagone…
Je ne crois pas que la francophonie soit menacée. Et moi qui suis nord-américaine (Canada), je vis dans un monde où prendre soin de sa langue est très important, parce que nous sommes entourés d’anglophones avec les Etats Unis d’Amérique au Sud et tout le reste du Canada. Donc, quand on vit dans la région de la province du Québec, comme c’est mon cas, même si je siège au gouvernement fédéral, c’est très important, à mon avis, de prendre bien soin de la francophonie. Je pense que tous les efforts que nous avons déployés portent leurs fruits et en porteront d’autres.
Est-ce que le budget alloué au développement et aussi à l’ancrage de la francophonie peut aider dans ce sens?
Mais est-ce que nous avons l’argent nécessaire pour nos ambitions? Je dirais que plus les pays membres à l’APF sont nombreux, plus nous avons de l’argent.
Sous quelle forme?
Nous avons des contributions qui viennent d’ici et de là.
De quel ordre?
Nous ne sommes pas riches. Par exemple, au Canada, le Québec a délégué des fonctionnaires à l’APF et continue de payer leurs salaires. C’est quand même un don assez important!
Qu’attendez-vous de cette rencontre de Rabat?
Mme Michèle André, de la Commission politique, nous a fait le bilan de tout ce qui se passe dans les pays que nous avons dû suspendre, ceux que nous voudrions réintégrer. Je pense qu’on se rend compte de plus en plus que la francophonie est bien en vie, mais dans la diversité. Ce sont les raisons qui nous laissent heureux et optimistes quant à l’avenir de la francophonie et aussi pour tenir cette session (5-6 février) au Maroc.
Interview réalisée par Mohammed Nafaa