Plus de 3000 cas de fraudes! 57 arrestations -dont 10 femmes- dans des actes de triche et de fuites! Une épreuve de mathématiques refaite! On parle bien du baccalauréat… Cette rude épreuve qui faisait jadis suer les génies de l’enseignement?
En 2015, le Bac est devenu un vrai concours de tricheurs… Jamais l’examen n’a connu un aussi grand nombre de cas «hors la loi», ni d’adeptes du «moindre effort» et du principe, devenu malheureusement courant chez nous «qui copie passe et qui ne copie pas reste dans sa classe»! Un adage qu’on admettait du fait que la triche, au Bac surtout, est un délit d’adolescent qui n’existe pas que chez nous. Un petit cas par-ci, un autre par-là, ne font de mal qu’à ceux qui y recourent, quand ils sont pris en flagrant délit. Mais, de nos jours, nous assistons à une fraude transformée en crime organisé par des adultes qui en tirent profit! De vraies mafias des examens composées de spécialistes et d’affairistes dont voici la triste histoire.
HD
Des lycéens sont sortis dans la rue criant au scandale. Ce sont des jeunes dont la plupart ont passé l’année à étudier sérieusement, à assister aux cours, à faire et refaire des exercices et à apprendre formules et déductions… Des lycéens qui voulaient aborder une échéance en toute confiance et dont le seul but est de réussir à coup sûr. Car, une année durant (voire plus pour ceux qui ont redoublé) ils ont mis toutes les chances de leur côté et vont donc aborder l’épreuve à chances égales…
Des lycéens pleins d’ambitions et d’espoir qui voient encore en ce «Bac» la clé magique qui leur ouvrira les portes et les horizons de l’enseignement supérieur… Combien, parmi eux, y voient un «visa» salvateur, qui permettra bientôt de renvoyer l’ascenseur à un parent, ou à un tuteur, qui a consacré sa vie à ce moment de réussite et à ce grand passage…
Certes, parmi eux, certains petits malins, comptant plutôt sur leur intuition et leur goût pour l’aventure, pensent autrement et se permettent de glisser, dans le creux de leur col de chemise, ou autour de la mine de leur stylo, un ou deux cours, non préparés, écrits sur une bande de papier… Ou dans le creux de la main… Enfin, toutes ces bonnes vieilles méthodes qui ne servaient en fait que d’aide- mémoire, car jamais un de ces candidats n’avait eu le temps d’aller jusqu’au bout du petit rouleau et dès qu’il voyait le début, il se souvenait de la suite et ne comptait plus que sur sa petite cervelle…
Les bonnes vieilles méthodes
Ce qui faisait frissonner de vieux bacheliers au moment de passer leur examen est devenu aujourd’hui matière à rire… Certains tremblaient rien que du fait de voir quelqu’un, dans une autre rangée, en train de dérouler son minuscule «harz» pour se rappeler un cours… On n’avait pas besoin de tricher, puisque tout était bien fait dès le départ… La clarté et la rigueur marquaient les trois années du Bac et prenaient d’autres dimensions en terminale, car s’y ajoutaient l’intégrité et l’honnêteté…
Le diplôme en question ne marquait pas seulement le passage du secondaire au supérieur, il était aussi la preuve qu’on intégrait l’âge adulte et c’est en «Homme» comblé que cela devait se faire…
Un petit tricheur sur 10.000, ne pourra faire de mal qu’à lui-même. Bien que dans le temps même ce tricheur était récupérable…
Le «Tehraz» était alors l’apogée de la triche… Des leçons entières étaient écrites sur de petits rouleaux de papier collés à un élastique accroché au bouton de la chemise ou du veston et qu’on tirait puis on lâchait une fois l’affaire réglée…
On écrivait aussi sur les manchettes des chemises qu’on maintenait soigneusement retroussées jusqu’à ce qu’on ait besoin d’une petite information… On écrivait sur les mains et sur les avant-bras, ce qu’on cachait encore à l’aide d’un léger pull ou d’une chemise… Les filles, écrivaient carrément sur leurs jambes et relevaient leurs jupes quand elles voulaient copier, sachant que le surveillant n’osera jamais demander à l’une d’elles, même au cas où il douterait de quelque chose, de relever sa jupe!
De petits trucs qui n’avaient d’importance ni d’intérêt que pour ceux qui y recouraient et qui se faisaient d’ailleurs rares, très rares, même…
Du coup, même quand quelqu’un se faisait prendre, personne ne descendait dans la rue pour crier au scandale, car en fait ça n’était scandaleux que pour le petit fraudeur…
Petit à petit, les «TIC»…
Loin de nous est aujourd’hui ce temps où même une calculatrice était interdite dans une salle d’examen. Avec l’invasion des nouvelles technologies, le portable a tout remplacé. «On m’interdit la calculette, mais on oublie que sur le portable j’en ai une… Sur ma tablette, j’ai même plus… Un truc qui résout tous les problèmes de maths…», explique un jeune qui a eu son bac, il n’y a pas longtemps et que d’autres plus jeunes trouvent un peu «vieux jeu»… «Ni téléphone ni rien, juste un stylo et on attaque… A la fin on a tout juste…», commente l’un d’eux, en riant… «C’est que peut-être vous êtes doués… Plus doués que moi». «Mais non», rétorque un troisième, «c’est parce que d’autres travaillent pour nous… ça s’appelle la triche en temps réel, mon petit vieux»…
«Triche en temps réel». Voilà qui est devenu, face un système d’enseignement complètement défaillant, et face à une école qui n’a plus de cela que le nom, l’apanage de vraies mafias des examens et particulièrement du Baccalauréat…
Un jeune demande l’autorisation d’aller aux toilettes, il y va et il est accompagné, il se plaint à son accompagnateur de l’épreuve qu’il vient juste de voir… Il revient et au bout de quelques minutes, il a tout résolu et se met à copier tout ce qu’il a gribouillé sur son brouillon… Résultat: tout ou presque est juste… Un vrai génie le jeune homme! Comment, alors qu’un moment avant l’accès à la salle d’examen, il jurait qu’il n’avait rien «pigé» et qu’il n’avait rien préparé… Juste un menteur qui veut éloigner le «mauvais œil» ? Ce dont il doit se préserver, c’est d’une «Mauvaise oreille» plutôt! Car s’il arrivait à notre ami de ne pas bien entendre ce qu’on lui dicte… Bonjour les dégâts! Car il y en aura et de bien couteux ! Notre ami s’était en effet muni d’un «kit» (genre kit mains libres). En parlant au surveillant, il transmettait donc l’épreuve à quelqu’un qui est installé quelque part, qui fait l’exercice et le lui dicte et le tour est joué!
Moyennant la somme de 5.000 à 6.000 DH, ou un peu plus, (y compris les 1.500 DH que coûte le kit), en fonction de la nature de l’épreuve, (Maths, Physique…). Chaque matière a son prix…
Halte aux fraudeurs !
C’est comme ça que les choses ont évolué et c’est comme ça que la fraude est devenue l’apanage de mafias, tapies dans l’ombre et en majorité menées par des ignorants dont le niveau de scolarité n’a jamais été un problème. Le niveau de vie qu’ils mènent est élevé grâce à leurs pratiques frauduleuses et non grâce au peu d’années qu’ils ont passées sur les bancs d’école… D’ailleurs, c’est par cet argument qu’ils arrivent à convaincre leurs clients dont ils détruisent l’avenir…
Un système scolaire en mal de réforme, une école démissionnaire, une société dépassée et toute une génération, voire des générations entières, prises en otage, à cause de l’avidité et de la cupidité de certains fraudeurs qui, semble-t-il, se vengent d’une société qui leur permet pourtant d’émerger, malgré leur flagrante ignorance… Que pourrait-on espérer de tricheurs et de criminels pareils, sinon ce genre de comportement… Comportement que seuls aujourd’hui, ces jeunes lycéens, descendus dans la rue, pour crier au scandale, pourront contrer, car enfin, ils ont eu conscience de ce qu’est l’égalité des chances, une égalité qu’ils se sont engagés à défendre, aux côtés des autorités, convaincus d’aller jusqu’au bout du phénomène et sans complexe.
Hamid Dades