Invité ce mercredi par l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) de Benguérir, Edgar Morin, tour à tour philosophe, sociologue et essayiste français, a abordé en long et en large la notion de la “complexité”.
Quasi-centenaire, l’auteur de l’ouvrage à succès “les souvenirs viennent à ma rencontre” a, de prime abord, opposé la notion de complication à celle de complexité. Selon lui, cette dernière “n’a au départ aucune valeur explicative et l’on n’en retient qu’incertitude et choses mêlées”.
L’inventeur de la sociologie du présent, qui intervenait dans le cadre d’une conférence en format hybride sur la thématique des “défis de la pensée dans un monde complexe”, a expliqué qu’une chose peut être compliquée mais en même temps très simple.
En revanche, le véritable ennemi de la complexité est, selon lui, “la simplification à laquelle on peut arriver progressivement”.
L’auteur de plus de 100 livres (traduits en 28 langues) va plus loin dans l’analyse et précise que la complexité est dans tout système, lequel est “un ensemble d’éléments associés aux uns et aux autres dans une organisation qui produit” ce qu’il a finement qualifié de “tout organisé”.
“Le monstre sacré de la philosophie”, comme le décrivent les médias français, rembobine et décrit ce “tout organisé” comme un système producteur de qualité, relevant que “l’être vivant, grâce à la complexité de sa structure, est capable de s’auto-organiser”.
Cette auto-organisation est, d’après M. Morin, postérieure à “la dégradation de l’énergie, non seulement par notre activité physique, mais aussi par nos besoins récurrents (ex: alimentation)”, car “nous dépendons intégralement du lieu où nous sommes”.
Effleurant le phénomène de “complexité vivante”, le philosophe vulgarise et compare le mode de vie des bactéries par rapport à celui des individus. “Les premières se nourrissent et se défendent selon un principe égocentrique et, en même temps, communiquent avec leurs semblables et quand elles sont en mauvaise situation, elles se rassemblent et font front ensemble”.
Ce mode de vie est à une exception près identique à celui de l’Homme, car au delà de l’égocentrisme, l’être humain a aussi besoin de l’amour, de la tendresse et de l’amitié, soit “des besoins complémentaires”.
“La société n’existe que par des interactions entre individus, un tout qui a des qualités propres à lui même et que l’individu n’a pas”, a-t-il explicité, ajoutant que “les individus sont aussi produits par la société, car ont besoin d’éducation, de culture et de langage”.
Somme toute, tout être complexe dépend de son environnement, avance l’essayiste prolifique, donnant comme exemple le “mot qui ne prend son sens que dans le contexte de la phrase”.
Saisissant cette occasion, M. Morin a jugé utile d’enseigner les concepts fondamentaux de la complexité pour améliorer “nos décisions et actions dans le monde”.
Interrogé in fine par la salle sur “ses attentes de l’humanité en 2021” , Edgar Morin répond que “la crise que nous subissons est une occasion de susciter une volonté de changer de voie. Aujourd’hui cette volonté est minoritaire (…) mais la possibilité de changer cette voie s’oriente vers l’intégration de l’alimentation, de la pollution, de la qualité de la vie, etc” dans la prise de décision.
LR/MAP