Mais où va donc la Bourse de Casablanca. Dépérissant sous un manque de liquidité et une capitalisation qui se fait de plus en plus maigre, la place financière se maintient difficilement et subit bien des dégâts…
Lors d’une conférence organisée lundi 11 juin, à Casablanca, sous le thème «Bourse de Casablanca : quelle trajectoire de croissance ? Enjeux, modèles et stratégies de développement», les voies d’une croissance sûre ont été discutées à travers un benchmarking dont l’objectif était surtout de démontrer qu’à l’instar de toutes les places mondiales, la Bourse de Casablanca, ne peut que souffrir des effets de la crise.
Ouvrant le bal, le DG de la Bourse de Casablanca, Karim Hajji, a retracé les démarches entreprises depuis un certain temps pour la mise à niveau de la BVC à travers une série de réformes déjà entreprises en étroite collaboration avec le ministère des finances. Ainsi, Hajji a relaté la stratégie de développement du marché boursier en faisant état des projets de réforme en cours, notamment l’adoption d’un cadre réglementaire régissant le marché du prêt/emprunt de titres, la mise en place d’un marché à terme, la création d’une chambre de compensation et le changement de la loi relative à la BVC lui allouant plus de flexibilité dans la gestion de ses différents compartiments. Il a aussi souligné la diversification des instruments financiers à la disposition des émetteurs et des investisseurs (obligations sécurisées, sukuks, fonds immobiliers…), l’amélioration de l’accès des PME au marché des capitaux à travers un compartiment plus adapté à leurs besoins, le développement de nouveaux produits d’épargne, l’intensification des actions d’éducation financière et le renforcement des infrastructures de marché (acquisition en cours d’une nouvelle plateforme de cotation et de surveillance qui va permettre de coter tous les types d’actifs : en plus des actions et obligations, les produits dérivés, les produits à terme sur les devises et également certaines matières premières).
Pour cela, a rappelé Hajji, il faut nécessairement une mobilisation de toutes les parties prenantes, de l’audace, du courage pour ne pas hésiter à mettre en cause un modèle, bien qu’il marche et pour dépasser les réticences au changement.
L’audace d’une annonce
En préambule, Hajji s’était armé de beaucoup d’«audace» et de courage pour annoncer la décision du MSCI (Morgan Stanley Capital International) quant au repositionnement du Maroc de l’indice «Emerging Markets» à celui de «Frontier Markets». Une dégradation. Non pas au sens du DG de la Bourse qui relativisait en annonçant qu’il faut voir le «côté plein du verre» et rassurant que cette sortie du MSCI «n’est pas si grave que ça». Il a estimé qu’il est même meilleur pour le Maroc de se retrouver dans l’indice MSCI Frontier market. Selon lui, ce n’est pas une mauvaise information pour la Bourse de Casablanca, car aujourd’hui notre marché est représenté par 3 valeurs uniquement dans l’indice MSCI Emerging market avec un poids de seulement 0,095%. Par contre, le reclassement dans le Frontier market donnerait plus de visibilité à la place avec une pondération comprise entre 7 et 9% «aller! Mettons 9%» a-t-il soutenu, et une représentation avec 10 valeurs. C’est dire, qu’entre les lignes, il faut comprendre que le Maroc risque de ne pas répondre aux critères quantitatifs lors de la décision du MSCI.
Le marché boursier marocain qui a connu depuis 1993, année de la grande réforme du marché des capitaux, connaît aujourd’hui de rudes difficultés et est principalement affecté par un assèchement de liquidité depuis cinq ans. Raison pour laquelle, il risque sa place parmi les pays émergents au sein du MSCI. Mais, d’un ton rassurant, Hajji a souligné que le Maroc a maintenu sa position parmi les pays émergents au sein de l’autre indice international FTSE Secondary Emerging Markets pour dire que le royaume gagne toujours la confiance d’autres analystes et investisseurs dans le monde.
Avis d’experts
Du coté des experts de Chappuis Halder, Dominique Brutin, ex-directeur général de la Bourse de Paris, a rappelé le rôle historique et important que joue la bourse dans le financement de l’économie, la gestion des capitaux et la création de liquidités.
Bruno Lemière, expert bourses & marchés des capitaux, a mis en avant les pré-requis pour un système boursier solide dont la transparence, une réglementation boursière claire pour protéger les investisseurs, une stabilité dans les règles fiscales et dans le temps pour rassurer les chefs d’entreprises, une éducation du marché à inculquer aux opérateurs pour la bonne compréhension des marchés financiers, l’accompagnement des institutions.
Enfin, Philippe Planchat, associé chez Chappuis Halder & Cie, a proposé des solutions pour la BVC dont l’instauration d’une intelligence collective, c’est-à-dire «la capacité à s’entendre et à trouver des rôles complémentaires pour arriver à financer l’économie» et de travailler la maturité du marché. Il a également avancé les expériences réussies de pays comme la Suisse et Singapour à titre de benchmark dans la recherche de solutions pour dynamiser les mouvements de flux sur leurs marchés respectifs.