Cannabis à usage médical et scientifique | Les nouveautés qu’apporte le projet de loi 13.21

Le projet de loi 13.21, relatif à l’utilisation du cannabis à usage thérapeutique et industriel, a été discuté le 25 février 2021 en Conseil de gouvernement. Une première au Maroc.

Le texte dont Le Reporter détient copie, met en place un cadre légal permettant l’exploitation et l’utilisation de cette plante (Chanvre indien), à des fins autres que récréatives.

Le Maroc se conforme au contexte international

Dans la note de présentation dudit projet de loi, élaboré et présenté par le ministère de l’Intérieur, il est rappelé que le Royaume a été l’un des premiers pays à avoir instauré un cadre légal pour l’utilisation de certaines substances classées comme stupéfiants, à des fins médicinales. Il s’agit du dahir du 2 décembre 1922 portant règlement sur l’importation, le commerce, la détention et l’usage des substances vénéneuses. Ce dahir est resté en vigueur 25 ans avant son abrogation et son remplacement par un nouveau Dahir en date du 24 avril 1957. Ce dernier a strictement interdit l’utilisation du chanvre indien.

Les vertus des plantes médicinales du cannabis sont bel et bien réelles. Partant de cette réalité scientifique, de nombreux pays ont reconsidéré leur approche légale vis-à-vis de cette plante herbacée. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a même recommandé la suppression du cannabis du tableau IV de la Convention de 1961 des Nations Unies sur les stupéfiants. Suppression qui a été officiellement actée fin 2020 après avoir reçu le vote favorable de plusieurs Etats dont le Maroc. Le tableau IV de ladite Convention liste toutes les substances ayant un potentiel d’abus fort et des effets nocifs importants, sans valeur thérapeutique importante.  

En conformité avec les engagements internationaux du Maroc, le projet de loi 13.21 est venu avec un ensemble de dispositions. Il s’agit, primo, de la soumission de toute activité liée à la culture, la commercialisation ou l’exportation du chanvre indien à un système d’autorisation des plus stricts. Secundo, la création d’une Agence nationale de réglementation des activités relatives à cette culture, tertio, permettre aux cultivateurs de cannabis de se regrouper en coopératives et quarto, la mise en place de sanctions intransigeantes contre les contrevenants.  

Un cadre juridique spécifique et une Agence de réglementation

En vertu du projet de loi sur l’usage licite du chanvre indien, une Agence nationale de réglementation des activités liées à cette plante doit voir le jour. Une institution publique dotée de la personnalité juridique et de l’indépendance financière. Son siège sera situé à Rabat. Toutefois, des antennes régionales et provinciales pourraient être créées par décision de son Conseil d’administration. L’Agence nationale de réglementation de l’usage du cannabis sera soumise à la tutelle et au contrôle financier de l’Etat. À charge pour ladite Agence de déployer la stratégie nationale en termes de culture du chanvre indien, sa transformation, sa commercialisation, son exportation ou son importation pour des besoins médicaux, pharmaceutiques ou industriels. Par ailleurs, cette structure sera la seule compétente pour délivrer ou retirer les autorisations de cultiver cette plante. Elle seule pourra mener des missions d’inspection et même prendre des sanctions contre ceux qui violeront la future législation. En outre, l’Agence sera la principale interlocutrice des organismes internationaux.

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Le projet de loi 13.21 propose l’instauration d’un cadre spécifique à la culture du cannabis au Maroc. Ainsi, une autorisation spéciale pourra être délivrée dans ce sens, exclusivement dans certaines provinces dont la liste sera fixée par décret. Aussi, cette autorisation sera-t-elle limitée aux quantités jugées nécessaires pour satisfaire les besoins de la production, à condition qu’elle soit utilisée exclusivement dans les domaines médicaux, pharmaceutiques et industrielles. Le projet de loi fixe les conditions préalables pour bénéficier d’une autorisation de culture et de production du chanvre indien. Parmi ces conditions, on peut citer la nécessité d’adhérer à des coopératives spécialisées dans la commercialisation du chanvre indien. Ces coopératives doivent se lier d’un contrat avec une ou plusieurs sociétés spécialisées dans la transformation ou d’exportation de cannabis. La livraison de la production à la société acheteuse doit s’effectuer en présence d’une commission locale mixte.

En outre et conformément au projet de loi 13.21 sur l’usage légal du chanvre indien, tout demandeur d’autorisation de culture de cette plante doit être majeur, de nationalité marocaine et propriétaire de la parcelle de terrain où le cannabis est cultivé. Tout dommage ayant touché les récoltes, est à signaler dans un délai ne dépassant pas les 3 jours.

Les sociétés demanderesses d’autorisations pour la transformation et l’industrialisation du cannabis, son transport ou son exportation, doivent être soumises au droit marocain, et détenir les autorisations nécessaires à l’exercice de leur nouvelle activité dans le respect du cahier des charges délivré par les autorités compétentes. Ces entreprises industrielles, doivent également posséder des entrepôts sécurisés et surveillés pour stocker les quantités de cannabis qui leur sont livrées par les coopératives. Par ailleurs, il ne peut être procédé à la destruction d’une partie de ces quantités, quelle qu’en soit la raison, qu’en présence d’une commission spécifique. L’exportation et l’importation du cannabis et de ses dérivés, sont limitées à des fins médicales, pharmaceutiques et thérapeutiques, et seront soumises aux dispositions de la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie. A l’instar des industriels, les importateurs-exportateurs de chanvre indien sont tenus de disposer d’enterrons sécurisés et de ne détruire aucune quantité de cannabis sans la présence d’une commission spéciale.

Les autorisations pour cultiver du cannabis sont délivrées aux personnes et sociétés ayant respecté les dispositions précitées et leur octroi sera réglementé par un décret d’application. Selon le projet de loi 13.21, ces autorisations délivrées que par l’Agence nationale de réglementation des activités relatives au chanvre indien,  sont valides pour une durée de 10 ans renouvelables. Pourtant, elles peuvent très bien être retirées à la demande du bénéficiaire ou sur décision de l’Agence si cela est jugé nécessaire.

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Les officiers de la police judiciaire, agents des douanes, des eaux et forêts en plus de ceux de l’Agence de tutelle sont habilités à contrôler les infractions à cette loi. A cet effet, le projet de loi (13.21) énonce: «est punie de l’emprisonnement allant de 3 mois à 2 ans et d’une amende allant de 5.000 à 100.000 dirhams,  toute personne ayant cultivé, transformé, industrialisé, transporté, importé ou exporté le cannabis, ses dérivés, ses graines ou ses semis sans autorisation, ayant continué d’exploiter cette autorisation après la fin de sa durée de validité ou après son retrait. Les mêmes sanctions sont appliquées contre toute personne ayant cultivé le cannabis en dehors des dispositions fixées par sa licence ou en ayant fourni des informations mensongères pour l’obtenir, ou n’ayant pas fourni toute sa récolte aux collectivités concernées». Aussi, «toute personne ne disposant pas d’entrepôts sécurisés et surveillés pour le stockage du cannabis, de ses dérivés, ou de ses graines sera puni d’une amende allant de 20.000 à 100.000 dirhams.  D’autres infractions, comme l’usage de semis ou de graines non accrédités par l’Agence nationale, sont punies d’une amende allant de 5.000 à 50.000 dirhams sont également prévues», précise le texte de loi.

À ce jour, compte tenu de l’évolution des connaissances scientifiques dans le domaine des cannabinoïdes, l’usage médical du cannabis redevient de plus en plus réglementé dans un nombre grandissant de pays.

Mohcine Lourhzal

Légalisation du chanvre indien

Un vieux serpent de mer qui refait surface

En 2013, le Parti de l’Istiqlal (PI) avait déposé une proposition de loi portant sur la légalisation de la culture du cannabis médicinal au Maroc. La proposition prévoyait, en gros, la délimitation de la culture de cette plante à certaines régions comme Al Hoceima, Chaouen, Tétouan, Ouezzane et Taounate. Le PI avait également proposé la création d’une agence étatique chargée de contrôler l’exploitation et la commercialisation du cannabis.   En 2014, le Parti Authenticité et Modernité (PAM) avait déposé un projet de loi visant à légaliser le cannabis et réclamant l’amnistie pour les cultivateurs du Rif arrêtés pour en avoir cultivé. Aujourd’hui, les deux partis de l’opposition (Istiqlal-PAM), promettent de soutenir le projet de loi 13.21 relatif à l’utilisation licite du chanvre indien au Maroc, élaboré et présenté par le ministère de l’Intérieur. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la surface cultivée pour la résine de cannabis au Maroc s’élevait à 47.000 hectares en 2018. Plusieurs professeurs universitaires ont démontré les effets thérapeutiques du cannabis, estimant que les patients souffrant de certaines pathologies pourraient bénéficier de traitements à base de chanvre indien.

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