Salaheddine Mezouar a entamé sa deuxième année d’exercice à la tête du patronat, étape qu’il a choisi de baptiser «Acte II». Un acte, lancé jeudi 5 septembre par une grande réunion des membres de la confédération et l’occasion pour rouvrir des dossiers dont certains sont classés «urgents» compte tenu de la conjoncture et du contexte politique et économique actuels…
Des ambitions, des projets, des nécessités, tout est sur la table et le début, tout comme la mission, ne semblent pas aisés!
En effet, la confédération doit se pencher sur la Loi de finances 2020, sur le code du travail, la formation, les CRI… Mais avec le spectre d’un remaniement ministériel qui plane, avec persistance, à l’horizon, les attentes, tout comme les espoirs et les ambitions risquent d’être bouleversés.
Le président de la CGEM, qui parlait, la veille des vacances, des impératifs de son «Acte II», avait plutôt omis de relever les imprévus! Ces derniers qui ont ressurgi lors de cette réunion du 5 septembre où il a été surtout question d’insister sur les axes de la stratégie enclenchée compte tenu des priorités du moment.
Ainsi, l’appel à une mobilisation de tous, pour des prises de décision conformément à la rentrée politique et économique, a été lancé… L’agenda du patron des patrons est plutôt chargé surtout qu’il est dans le devoir, aujourd’hui, d’appuyer la volonté de la plus Haute autorité à l’aboutissement d’un nouveau modèle de développement économique.
Les champs de réflexion, objet de la réunion, ont été clairement énumérés. Au menu, des réformes et des projets de loi pour ne citer que la réforme fiscale, le projet de Loi de Finances, celui lié à la réforme du code du travail ou encore celui qui traite du droit des grèves. La liste est encore longue… Le nouveau dispositif de formation professionnelle a également été cité parmi les urgences à traiter dans le cadre des nouvelles directives royales.
Le PLF en premier lieu
Cette rencontre de la CGEM est intervenue dans un contexte spécial. Elle s’est tenue un peu plus d’un mois après le Discours royal qui a déclenché, tant pour le gouvernement que pour le privé, un processus et une action ciblés. Si habituellement, à la rentrée on consacrait les réunions aux priorités du monde des affaires, cette année l’orientation a été toute autre, notamment pour ce qui est des propositions pour le projet de Loi de finances. Un chantier relativement bloqué et nul n’est en mesure de proposer des mesures fiscales alors qu’aucune des premières moutures de la Loi-cadre sur la fiscalité 2020-2024 n’a été communiquée à la CGEM! Le texte devrait en principe contenir les premières mesures fiscales à mettre en œuvre à partir de la Loi de finances 2020, suite à la tenue des 3ème assises de la fiscalité.
Dans la perspective de l’élaboration du PLF 2020, la CGEM souhaite quand même que la grille de l’IR soit revue afin d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés et relancer, par là-même, la consommation. Une telle mesure, permettrait, selon le patronat, de booster les recrutements et d’améliorer le taux d’encadrement des entreprises. La CGEM souhaite également une révision du taux de la cotisation minimale, qui avait été relevé à 0.75% en 2019. L’objectif étant de le ramener à 0.50% à partir de 2020, la cotisation minimale étant un impôt sur le chiffre d’affaires que l’entreprise est obligée de payer, même si elle est déficitaire.
Encore faut-il que cette proposition soit prise en considération et que le projet de Loi-cadre soit prêt avant la rentrée parlementaire du vendredi 11 octobre. Le chemin paraît ainsi long pour si peu de temps. A supposer que le texte soit prêt, il va falloir le valider en Conseil de gouvernement, puis en Conseil des ministres et le transmettre à la Chambre des représentants… Ce qui nécessiterait une session extraordinaire.
D’autre part, le retard de la Loi-cadre sur la fiscalité n’est pas le seul facteur qui empêche la CGEM d’avoir de la visibilité et de formuler de manière objective des propositions fiscales pour le PLF 2020. Il y a aussi la charte de l’investissement qui tarde. Là encore, les raisons du retard demeurent inconnues et le ministre en charge de l’élaboration du projet de charte de l’investissement, en l’occurrence Moulay Hafid Elalamy, mise tout sur l’industrie qu’il met en tête d’un ensemble de mesures toujours à l’état embryonnaire.
Et d’autres urgences…
La mise en œuvre de la réforme des CRI fait également partie des points abordés lors de la réunion du jeudi 5 septembre. Il est question de transformer ces structures en établissements publics, d’instituer des commissions régionales d’investissement pour statuer sur les projets.
En cas de rejet, c’est la commission interministérielle qui doit statuer. Les CRI new look seront dotés d’un conseil d’administration composé de tous les intervenants dans l’acte d’investir, dont le patronat. Aucune de ces structures n’a été créée à ce jour. Difficile dans ces conditions d’effectuer des suggestions sur le cadre incitatif de l’investissement.
La tenue de la réunion de la CGEM précède également l’installation de la Commission spéciale qui sera chargée de concevoir le nouveau modèle de développement. Ce dernier devrait tenir largement compte des orientations du discours royal à l’occasion de la Fête du Trône. A savoir les grandes orientations enclenchées dans l’enseignement, la santé, l’agriculture, l’investissement, le système fiscal. La Commission spéciale devrait être mise en place incessamment. Et sur ce plan aussi, côté patronat, c’est encore le manque de visibilité.
D’autre part, inscrit à l’ordre du jour de cette réunion marquant la rentrée économique, la formation professionnelle et continue a fait l’objet de débat. Par ailleurs, et depuis sa promulgation, le patronat a réclamé la révision du code du travail, particulièrement l’allègement des procédures disciplinaires, le cumul des indemnités, la durée de l’intérim (article 16 du code du travail)… Celle-ci constitue le seul point sur lequel le patronat et le gouvernement ont été d’accord. Les deux parties sont en train de négocier un projet de décret définissant la durée de travail dans certaines activités saisonnières (tourisme, hôtellerie, textile, agriculture…). L’objectif étant de rendre possible le fait d’aligner la durée du travail intérimaire sur celle du contrat à durée déterminée, qui est de deux ans. L’accord signé le 25 avril dernier entre le gouvernement et les partenaires sociaux, dans le cadre du dialogue social, prévoit la publication dudit décret avant fin 2019.
En somme, il s’agit, cette année, d’une rentrée particulière, marquée par plusieurs chantiers importants, notamment le projet de loi de Finances, le projet de la Loi-cadre sur la réforme fiscale, mais aussi et surtout, le nouveau modèle de développement… Ainsi, dans tous ces chantiers, tous les acteurs et parties prenantes, notamment la CGEM, sont invités à jouer un rôle et à participer au débat, le but étant de se transformer en une véritable force de proposition. Un statut auquel le patronat devra d’ores et déjà se préparer.
H. Dades