CGI-Bourse : Une sortie inquiétante

Cgi siege rabat

Sur demande du ministère de l’Economie et des Finances, la Compagnie Générale Immobilière (CGI) a entériné sa décision de radier ses titres de la Bourse de Casablanca. Décryptage.

Plus de 7 ans après la cotation de la CGI, son Conseil d’administration a décidé de procéder à la radiation de ses titres de la Bourse. Le ministre de l’Economie et des Finances a donné plus de détails concernant le retrait de la CGI de la Bourse. Selon Mohamed Boussaid, cette opération a été effectuée afin de protéger les petits porteurs qui détiennent 5% du flottant de la compagnie générale immobilière «se trouvant actuellement dans une situation à risque ». De même, il a affirmé que cette compagnie va se diriger vers davantage de service public. Le ministre évoque un manque de liquidité chronique sur la valeur. CDG Développement et RMA Watanya possèdent respectivement 76,1% et 8,5% du tour de table. Les deux entités devraient de concert déposer une offre publique de retrait (OPR) sur les titres non détenus. Après le dépôt de l’offre, le CDVM disposera de 10 jours pour déclarer sa recevabilité.
Cette sortie n’a pas manqué de provoquer un petit séisme à la Bourse. Il faut dire que le retrait de la CGI est une grosse perte. La Compagnie immobilière pèse plus de 13 milliards de dirhams (MMDH) de capitalisation, soit 3% de la valorisation totale du marché. C’est la neuvième plus importante société sur le marché. La sortie de la CGI est bien évidemment préoccupante pour la place casablancaise qui a plutôt besoin de nouvelles recrues pour regagner en dynamisme.

Suite à l’affaire…

Cette décision intervient suite à l’affaire concernant le projet Madinat Badis d’El Hoceima. Deux mois après les instructions de SM Mohammed VI concernant ce projet immobilier, plusieurs responsables de la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) ont été convoqués par la magistrature de la Cour d’appel de Fès, le 15 octobre dernier. Ils ont été auditionnés, plusieurs heures durant, par Fahmi Bouziane, procureur général du Roi et trois de ses substituts, avant de passer devant le Juge d’instruction de la Chambre des crimes et délits financiers, Mohamed Touileb. Parmi la vingtaine de prévenus livrés par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) figurent le directeur général de la CDG, Anas Houir Alami et celui de la Compagnie générale immobilière (CGI), Ali Ghannam, ainsi que d’autres responsables des filiales de la CDG. Les chefs d’inculpation retenus à leur encontre sont lourds, à savoir dilapidation de biens publics, escroquerie, faux et usage de faux et constitution de bande criminelle. Pour rappel, l’affaire CGI a débuté lorsque le Roi a ordonné, le 23 août dernier, aux ministères des Finances et de l’Intérieur de trouver «des solutions immédiates aux problèmes des bénéficiaires d’un lotissement à El Hoceima». Les travaux ont été entamés sur une base participative et consultative. Finalement, la défense a indiqué que la prochaine audience aura lieu le 13 novembre.

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Les petits porteurs sont inquiets

La majorité des porteurs des titres de la CGI avait acheté au moment de l’euphorie. En effet, les gens croyaient en la Bourse et c’était une entreprise étatique. Ils pensaient pouvoir faire confiance. Ces derniers mois, le cours remontait, parce que les grands projets ont commencé à être livrés. Puis, il y a eu le scandale cet été. Le dernier cours de l’action était de 725 dirhams. Maintenant, les petits porteurs attendent impatiemment de savoir à combien ils pourront revendre leurs actions. Ces investisseurs craignent de payer le prix de la mauvaise gouvernance dont ils ne sont pas responsables. Il faut savoir que l’offre publique de retrait (OPR) n’oblige pas les petits porteurs à vendre; ils peuvent rester actionnaires. Normalement, si RMA Watanya reste dans le tour de table, la gouvernance va rester figée entre actionnaires privés et publics. Les petits porteurs s’organisent et échangent leurs informations sur un forum. Plusieurs parlent même de poursuite judiciaire, même s’ils n’ont aucun recours pour dénoncer le prix qui sera fixé. Pour l’heure, la fixation d’un prix de l’action défavorable à tous les porteurs n’est encore qu’une crainte et rien ne prouve que ce sera le cas. Cependant, ceux qui ont acheté l’action à un prix avoisinant les 2.000 dirhams accuseront indéniablement une perte. Les porteurs voient ainsi s’éloigner l’espoir que l’action s’apprécie et qu’ils puissent récupérer leur investissement. Cette sortie de la Bourse risque de dissuader des investisseurs nationaux et étrangers.

Quelle lecture pour cette décision?

La CDG devait corriger une anomalie relative à la non-réalisation du business plan de la CGI annoncé lors de son introduction en Bourse ou lors de l’émission obligataire de fin 2010. En 2013, la CGI a dégagé un résultat net part du groupe de 367 MDH. Lors de son introduction en Bourse en 2007, elle prévoyait un résultat net part de groupe supérieur à 1 MMDH en 2010 et d’environ 2 MMDH en 2011. Toutefois, les réalisations effectives de la compagnie n’ont atteint que 390 MDH en 2010 et 376 MDH en 2011. Ainsi, le taux de réalisation du business plan n’a été ainsi que de 37,2% en 2010 et de 20,3% en 2011. De même, dans le business plan revu et annoncé lors de l’émission obligataire de fin 2010, la CGI prévoyait un résultat net part de groupe de 567 MDH en 2011 et de 881 MDH en 2012, contre des réalisations effectives de 376 MDH en 2011 et de 316 MDH en 2012. De nouveau, le taux de réalisation du business plan a été faible et n’a atteint que 66,3%% en 2011 et 35,8% en 2012. D’ailleurs, le marché a déjà sanctionné le titre CGI au cours actuel de 725 DH, présentant une baisse de 73% par rapport au plus haut de 2007. De même, le cours actuel est inférieur de 24% par rapport au cours d’introduction en Bourse en juillet 2007. Aussi, le niveau actuel présente-t-il une baisse de 63% par rapport au prix d’achat des 8,5% du capital de la CGI par RMA Watanya.
En outre, l’audit des projets CGI au nord présente un double risque financier pour la CGI. Le premier concerne les surcoûts de réparation des logements, objet de l’enquête, en cas de confirmation de la faute de la CGI. Le deuxième est de nature commerciale, lié aux difficultés potentielles de ventes sur plan de projets similaires. Ces risques pourraient grever les résultats financiers de la CGI, ce qui handicaperait son parcours boursier et léserait davantage les petits porteurs.
Ensuite, le Conseil d’administration de la CGI a annoncé que le ministère de l’Economie et des Finances a demandé à la CGI d’infléchir ses orientations stratégiques. Cette demande conforte l’analyse dans l’opposition entre le caractère coté d’une société et la mission d’intérêt général qu’on pourrait lui demander. En particulier, la cotation est théoriquement synonyme de maximisation des profits dans l’intérêt quasi-exclusif des actionnaires. La décision de radier la valeur de la Bourse est donc compréhensible vu ces éléments. Le prix de l’OPR constitue la principale inconnue permettant de se prononcer sur l’opération de radiation de la CGI.

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Anas Hassy

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