Le chef de gouvernement, qui a bravé le RNI pour imposer l’Istiqlal et Chabat dans le prochain gouvernement, s’est vu confier la mission d’éteindre le feu dans les relations maroco-mauritanienes provoqué par le même Chabat. Logiquement, il se devra d’écarter les Istiqlaliens du prochain gouvernement.
Depuis ses déclarations fracassantes où il a donné libre cours à des propos, selon lesquels la Mauritanie serait une terre marocaine, le Secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, Hamid Chabat, a essuyé des tirs nourris et est devenu une cible privilégiée de la classe politique, comme de ses pairs au sein du parti.
La diplomatie condamne Chabat
Le premier coup de canon qui a visé le SG du PI est venu du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération (MAEC) qui a vigoureusement condamné les déclarations du dirigeant istiqlalien, les qualifiant de «dangereuses et irresponsables, au sujet des frontières et de l’intégrité territoriale de la République Islamique de Mauritanie» et qui, de surcroît, «portent atteinte aux relations du Royaume avec un pays voisin, frère et démontrent une méconnaissance profonde des orientations de la diplomatie marocaine».
Manque de retenue
Le communiqué du ministère des Affaires étrangères a fustigé «ce genre de déclarations, qui manquent manifestement de retenue et de maturité». Et d’enfoncer un peu plus le clou: «Le secrétaire général du Parti de l’Istiqlal verse dans la même logique que celle des ennemis de l’intégrité territoriale du Royaume qui combattent son retour légitime (du Maroc) à sa famille institutionnelle africaine».
Désamorcer la bombe
La diplomatie marocaine a vite réagi pour désamorcer la bombe. Une première constatation a été faite par le communiqué du département des Affaires étrangères: «Les déclarations de Hamid Chabat sont dangereuses et irresponsables». Et de colmater les brèches faites par l’Istiqlalien Chabat, en précisant: «Le Maroc déclare officiellement son respect total des frontières connues et reconnues, par le droit international, de la République islamique de Mauritanie et son intégrité territoriale».
La colère des Mauritaniens
Les déclarations de Hamid Chabat ont provoqué le courroux des Mauritaniens. Celui-ci a manifestement mis les pieds dans le plat. «Trop, c’est trop», nous a confié un député du RNI, sûr qu’il était qu’avec ce faux pas, «Hamid Chabat a réussi, sans le vouloir, à éloigner l’Istiqlal du prochain gouvernement. En ce qui le concerne personnellement, il s’est tiré une balle dans la tête», a-t-il souligné. Et, ironie du sort, celui qui a longtemps bataillé et défié le RNI de Aziz Akhannouch pour faire participer le PI au nouveau gouvernement, à savoir le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, a été dépêché lui-même par SM le Roi comme émissaire auprès du Président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, pour réparer le tort chabatien et réitérer la position officielle du Maroc, résumée ainsi: «Le Maroc déclare officiellement son respect total des frontières connues et reconnues, par le droit international, de la République islamique de Mauritanie et son intégrité territoriale».
Baisser la tension
Côté positif du bêtisier chabatien, la mission de Abdelilah Benkirane en Mauritanie a réussi à faire baisser la vive tension qui caractérisait, depuis quelque temps, les relations entre Rabat et Nouakchott. Les Mauritaniens ont enregistré avec satisfaction les propos officiels tenus par le chef de gouvernement marocain après son entretien avec le Président mauritanien. Ils ont salué la position responsable du Royaume, comme l’ont attesté le leader du Rassemblement National pour le Renouveau et la Démocratie (Tawassoul), Mohamed Jemil Ould Mansour et d’autres composantes de la vie politique en Mauritanie.
Les Istiqlaliens divisés
Si la tension a baissé entre Rabat et Nouakchott, suite au communiqué du MEAC qui a mis au pied du mur Hamid Chabat et à la mission du chef de gouvernement en tant qu’émissaire du Roi Mohammed VI, elle a monté d’un cran au sein du Parti de l’Istiqlal. En effet, les Istiqlaliens se sont divisés, entre ceux qui condamnent les propos de Chabat qui, insistent-ils, n’engagent que sa personne et ceux qui ont choisi de prendre leurs distances avec les déclarations du secrétaire général, jugées par ailleurs «graves et dangereuses».
Deux avis opposés
Tawfiq Hjira, président du Conseil National de l’Istiqlal, a vite réagi à l’annonce de la tenue du «parlement» du parti. Il a précisé qu’il considérait illégitime la session extraordinaire du Conseil national, qui s’est tenue samedi 31 décembre2016, faisant savoir qu’il n’avait été ni consulté, ni associé en tant que président de cette session qu’il ne cautionnait pas et aux travaux de laquelle il n’a pas assisté. Mais ses propos ont tout de suite été balayés par Adil Benhamza, porte-parole du parti, qui les a qualifiés d’«ignorance totale des statuts du parti». Benhamza s’est référé à l’article 81 qui stipule que le Conseil national se réunit en avril ou en octobre de chaque année en cas de nécessité, ou sur demande du secrétaire général du parti.
Les détracteurs de Chabat
Auparavant, l’ancien secrétaire général du PI, Abbas El Fassi, avait de son côté vivement critiqué les propos jugés fallacieux de Hamid Chabat. Pour sa part, Rachid Filali (du courant «Bila Hawada») est allé jusqu’à exiger la démission immédiate de Chabat. Il avait même dénoncé, en 2012, la crédibilité de l’élection du secrétaire général du parti, alors que la Chabiba istiqlalienne s’était rangée aux côtés de Chabat. Elle a décidé d’organiser un sit-in national de protestation en solidarité avec lui et contre le communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Mohammed Nafaa