Chakib Alj, Président de la CGEM | «Il faut sauver l’entreprise…»

Suite à la conférence de presse virtuelle organisée par la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) le 27 mai 2020, au sujet des moyens à-même de relancer l’économie nationale, le Président de la CGEM a bien voulu répondre aux questions du Reporter au sujet de l’après-Covid-19. Entretien…

Chakib Alj, Président de la CGEM | «Il faut sauver l’entreprise…»

L’activité économique reprend petit à petit après plus de deux mois d’arrêt presque total à cause de la pandémie du nouveau Coronavirus (Covid-19). Quel regard portez-vous sur cette reprise tant attendue, notamment par les entreprises?

En tant que président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) j’aurais aimé que cette conférence de presse soit organisée en présentiel. La crise actuelle que traverse le Maroc et le monde, nous oblige à repenser notre manière de travailler et opter pour de nouveaux modes de communication avec les médias et à travers eux, les citoyens.

Pour répondre à votre question, je dirais qu’en effet, l’activité économique au Maroc reprend peu à peu. Le démarrage complet dans l’ensemble des secteurs qui se poursuivra et s’accélérera au lendemain de la levée du confinement prévue le 10 juin 2020, permettra de soulager la trésorerie des entreprises qui se sont retrouvées dans une situation extrêmement difficile après deux mois d’arrêt forcé mais nécessaire.

Les Chefs d’entreprises sont-ils assez conscients des mesures de sécurité à prendre pour assurer la continuité de leurs activités sans pour autant porter atteinte à la santé de leurs employés?

Les Chefs d’entreprises sont très sensibilisés, mobilisés et engagés. Au sein de la CGEM, nous ne cessons d’expliquer que la reprise de l’activité et le fait que faire tourner de nouveau la machine économique ne doit pas nous faire oublier la nécessité de préserver la santé des travailleurs. La Confédération restera mobilisée auprès de ses partenaires et acteurs économiques à l’échelle nationale. Dans ce cadre, je rappelle que nous veillons à approvisionner les entreprises en masques de protection et en gels hydro-alcooliques.

La CGEM a présenté un plan de relance économique qu’elle qualifie de complet afin que la relance de l’économie nationale se fasse dans les meilleures conditions possibles. Qu’est ce qui fait la particularité dudit plan?

Effectivement, la CGEM a élaboré et proposé un plan de relance au Comité de Veille Economique (CVE) que préside le ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, Mohamed Benchaâboun. À ce propos, je voudrais adresser mes remerciements à tous les cadres de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM). Ces derniers, je tiens à le souligner, ont fait preuve d’une mobilisation exemplaire pendant plus de 21 jours, pour élaborer ce plan de relance économique qui comporte plusieurs axes aussi importants les uns que les autres.

Ce plan est ambitieux, cohérent et permettra de rééquilibrer la relation entre l’Etat, le secteur privé et le citoyen.  Le plan élaboré par la CGEM permettra de préserver l’appareil productif national et éviter une récession durable de l’économie marocaine. C’est ce scénario que le Maroc veut absolument éviter. En concrétisant les recommandations contenues dans le programme de relance économique de la CGEM, je pense que nous parviendrons à redynamiser la demande intérieure et faire accélérer la commande publique, le tout dans le cadre de la poursuite des grands chantiers économiques lancés avant l’apparition du Covid-19. L’objectif est clair. Il faut sauver l’entreprise pour pouvoir relancer l’économie. 

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Plusieurs mesures sont à prendre pour la relance de l’économie nationale et afin de dépasser la situation dans laquelle elle se trouve depuis plus de deux mois à cause du Covid-19. Le Maroc doit accorder une importance particulière à certains chantiers qui ne peuvent plus attendre. Parmi lesquels, je peux citer l’intégration du secteur informel dans l’économie nationale et la simplification de la relation entre l’Etat et les différents acteurs économiques.

Êtes-vous confiants quant à la capacité de l’économie marocaine à reprendre son souffle après cette crise sans précédent qui a pris de court les plus grandes économies mondiales?

Au sein de la CGEM, nous sommes optimistes. Nous croyons très fort à l’économie marocaine. Le Royaume dispose de tous les atouts qui lui permettront de sortir plus forts de cette crise à laquelle personne ne s’attendait, mais face à laquelle le pays doit s’adapter du mieux que possible. Le Royaume saura rebondir, j’en suis plus que convaincu.

Sur un autre registre, les foyers de contamination inquiètent les responsables. Ils seraient-même l’une des principales raisons qui poussent le Maroc à retarder le déconfinement initialement prévu le 20 mars 2020. Quel est votre avis là-dessus?

Les foyers de contamination ne viennent pas toujours des entreprises. Dans certaines unités industrielles, les tests effectués sur les employés ont prouvé qu’ils étaient atteints du Covid-19 bien avant leur arrivée sur leurs lieux de travail. Comme je l’ai déjà expliqué, les entreprises marocaines font le maximum pour préserver leurs activités tout en protégeant leurs employés.

Nombreux sont les Marocains qui estiment qu’une hausse du nombre de contaminations au Covid-19 en milieu professionnel, au lendemain du déconfinement, est inévitable. Partagez-vous cet avis?

Le risque zéro n’existe pas. Le respect des règles sanitaires permet d’éviter qu’un grand nombre de travailleurs soient contaminés par le nouveau Coronavirus. Personne ne peut dire avec exactitude comment se comportera le Covid-19 à l’avenir. Ce qu’il faut, c’est maintenir les mesures barrières jusqu’à ce que l’humanité puisse trouver une solution définitive à cette pandémie, ou qu’elle s’estompe d’elle-même.

La crise actuelle a montré que l’intégration du secteur informel au tissu économique dit réglementé serait salutaire pour l’économie nationale…

De manière globale, nous pensons à la CGEM que le Maroc aurait tout à gagner à intégrer le secteur informel dans le tissu économique réglementé et qui obéit aux lois qui encadrent l’activité économique nationale. Afin que le secteur informel puisse devenir formel, la CGEM dispose d’une stratégie composée de 3 axes. Le premier axe vise à réduire les écarts de compétitivité entre le secteur formel et informel, le renforcement des mesures douanières, outre la baisse de la TVA afin que davantage de secteurs switchent vers le secteur formel. Il faut savoir que c’est en multipliant les entreprises qui œuvrent dans le secteur formel que le Maroc pourra renforcer son économie.

Certains secteurs sont plus touchés que d’autres par la crise due au Covid-19. Parmi ces secteurs, le tourisme arrive en tête. Qu’avez-vous fait pour accompagner les secteurs les plus impactés par la crise?

La reprise est très difficile dans plusieurs secteurs comme le tourisme. On ne sait pas encore quand les frontières vont être rouvertes ni comment les touristes vont se comporter. Beaucoup d’incertitudes entourent ce secteur parmi tant d’autres, comme le secteur aérien par exemple. En ce qui concerne le secteur du tourisme, la CGEM a intégré des mesures claires et bien définies pour aider à la relance de l’écosystème touristique post-Covid-19, principalement pour ce qui est des taxes locales entre autres. Un focus spécial sera accordé au tourisme au Maroc.

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Un grand nombre d’entreprises ont reporté certaines de leurs charges pour alléger le poids sur leurs trésoreries. Que propose la CGEM pour les accompagner?

72% des entreprises ont reporté certaines de leurs charges soit fiscales, soit bancaires, soit sociales, ce qui constitue une dette supplémentaire. Dans le mécanisme de relance élaboré par la CGEM, nous proposons un dispositif de gestion de la dette à long terme. Il s’agit également d’un dispositif qui vient renforcer les fonds propres des entreprises et enfin, la prise en charge de certaines charges fixes des entreprises comme le chômage partiel auquel nous appelons.

Vous appelez à l’encouragement du made in Morocco. Qu’est-ce que cela veut dire?

La consommation de produits marocains est une nécessité post-Covid-19. La commande publique doit être orientée vers les entreprises marocaines avec des produits marocains. On voit partout dans le monde, un regain de la fibre nationaliste dans le domaine de la consommation. Le Maroc est donc appelé à encourager le made in Morocco. On espère pouvoir rattraper les pertes enregistrées sur le marché local. Ce qui risque de prendre un peu plus de temps pour reprendre normalement, c’est la restauration assise.

On en vient à la question des délais de paiement qui ont aggravé la situation des entreprises, surtout les PME et TPE, durant la crise sanitaire. Que faut-il faire pour régler ce problème?

Les crédits interentreprises, ou délais de paiement, c’est un volet essentiel à la pérennité de l’activité économique. Ce problème frappe de plein fouet les Petites et Moyennes Entreprises (PME) qui se retrouvent privées de ressources financières importantes auxquelles elles ont parfaitement droit. La CGEM appelle à pénaliser davantage les mauvais payeurs. Aussi, nous appelons au fléchage, à travers l’orientation de 50% du crédit Damane relance, vers le paiement des fournisseurs dont les PME et les TPE. La CGEM est allée au front dans ce dossier. Sur ce point, nous avons été plus qu’actifs.

On parle d’une généralisation des tests anti-Covid-19, notamment dans le milieu industriel à partir du 10 juin 2020. Le Maroc dispose-t-il des moyens matériels et humains pour pratiquer des tests à grande échelle? 

Je crois que pas moins de 60.000 tests ont été effectués dans les entreprises. Nous travaillons en coordination avec le ministère de l’Intérieur et celui de la Santé pour mettre en place un processus de dépistage massif au sein des entreprises qui opèrent au niveau national.

Un dernier mot pour les Marocains qui voient l’avenir d’un œil pessimiste ?

Le Maroc a montré sa capacité à faire face aux problèmes posés par la crise sanitaire et économique du nouveau Coronavirus. Ayons confiance en notre pays. Le Royaume dispose des capacités nécessaires pour traverser cette situation difficile avec le moins de dégâts possibles.

Propos recueillis par Mohcine Lourhzal

La phrase

72% des entreprises ont reporté certaines de leurs charges soit fiscales, soit bancaires, soit sociales

Chakib Alj, Président de la CGEM | «Il faut sauver l’entreprise…»

De g.à.d : Chalib Alj (Président de la CGEM) et Mehdi Tazi (Vice-Président de la Confédération patronale)

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