Pourquoi les chargeurs explosent-ils? Quelles sont les marques à risques? Au ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie numérique, la question préoccupe et on tente, en tout cas, de se pencher sérieusement sur le problème. Pour y voir plus clair, ledit ministère veut savoir pourquoi certains chargeurs explosent et, surtout, savoir quelles seraient les marques à risques. Une enquête serait actuellement menée par ce ministère.
Les chargeurs «tueurs» continuent d’inquiéter les Marocains et les associations de défense des droits des consommateurs. Mais aussi les responsables. En effet, au ministère de l’Industrie, de l’Investissement, du Commerce et de l’Economie numérique, on confie au «Reporter» que l’on prend très au sérieux le problème, annonçant qu’une enquête est actuellement menée sur cette affaire de chargeurs «tueurs». Selon la même source, les services de ce département seraient actuellement à l’œuvre pour faire un prélèvement d’échantillons de chargeurs au niveau national. «Ces chargeurs seront soumis à un contrôle très rigoureux pour savoir quelles sont les marques à risques», précisent nos sources. Celles-ci ajoutent qu’après les drames qui ont endeuillé plusieurs familles marocaines, ces derniers jours, des instructions auraient été données pour bloquer les chargeurs importés récemment, notamment au port de Casablanca. Une mesure qui fait suite à une série d’incendies causées par l’explosion de chargeurs, entraînant la mort de plusieurs personnes asphyxiées dans leur appartement.
Grande inquiétude!
L’annonce en a certes rassuré plus d’un. Mais au sein des associations de défense des droits des consommateurs, c’est toujours l’inquiétude. La Fédération marocaine des droits du consommateur, pour ne citer que celle-ci, monte au créneau pour déplorer un marché de chargeurs de contrebande qui ne cesse de prendre de l’ampleur au Maroc. Bouazza Kherrati, président de cette Fédération, n’a pas manqué de manifester son désarroi quant à cette affaire de chargeurs «tueurs» qui prend une dimension très inquiétante. Pour cet associatif, bon nombre de facteurs peuvent être, a priori, la cause de tous ces incendies. «Plusieurs facteurs peuvent expliquer de tels accidents. Nous pensons que les chargeurs peuvent être la cause principale de 70% des cas et la batterie de 20%. Ensuite, il y a l’installation électrique qui peut aussi être l’une des raisons de ces incendies à 10%», souligne le président de la Fédération. Mais, dit-il, «étant donné que 70% des risques proviennent des chargeurs, il faut donc s’intéresser à ces derniers». Notre interlocuteur ne manque pas d’arguments. «Aucun contrôle n’a jamais été effectué sur les chargeurs importés avant 2016», tranche-t-il. Et de noter: «La norme exigeant des mesures de sécurité a été instaurée pour contrôler les chargeurs importés. Elle a été publiée en 2015, mais elle n’a jamais été mise en application». Pour Kherrati, vu la manière dont s’effectue actuellement le contrôle, «il est impossible de faire le contrôle de tous les chargeurs importés. Car, un simple échantillon est pris pour toutes les marchandises importées». Il se dit préoccupé quant à la qualité des chargeurs proposés sur le marché national. «En achetant un chargeur de téléphone mobile, le client ne pourra en aucun cas savoir si le produit est d’origine ou contrefait. Seuls les connaisseurs peuvent faire la différence. Le marché local est inondé de chargeurs contrefaits et les clients sont les seules victimes de cette situation», lance le président de la fédération, non sans grande inquiétude.
Des chargeurs de contrebande de Chine, de Hong Kong et du Japon
Brancher des chargeurs longtemps s’avère très dangereux et peut provoquer des incendies. C’est d’ailleurs ce qui vient de se produire dans plusieurs villes du royaume. Mais d’où proviennent ces chargeurs qui sont pointés du doigt dans pratiquement toutes ces catastrophes? La majorité des chargeurs de contrebande viennent de Chine, de Hong Kong et du Japon. A Casablanca, pour ne citer que cette ville, plusieurs zones sont désignées, car on y propose à la vente des chargeurs contrefaits. Au souk de Derb Ghellaf, par exemple, différentes marques internationales de téléphones portables sont vendues dans ce grand espace connu pour ses produits et appareils électroniques. Tous les modèles de téléphones portables y sont également exposés. Les accessoires des téléphones portables aussi inondent ce marché. Ces téléphones mobiles sont fabriqués en Chine, à Hong Kong ou encore en Inde; des marchés qui continuent d’approvisionner le Maroc, malgré la mauvaise qualité des équipements proposés. Ordinateurs portables, tablettes, cartes mémoires, clés USB, batteries, kits mains ou encore disques durs et chargeurs, aucun produit n’échappe à la liste des produits contrefaits. Il ne faudrait pas longtemps pour apprendre que les équipements électroniques proposés à la vente affichent deux prix. Un premier prix pour acheter un «vrai» et un deuxième, inférieur, pour une «copie» du même article. La plupart des importateurs préfèrent introduire des téléphones potables fabriqués dans ces pays asiatiques, en raison de leurs prix intéressants. Mais quand on fait une comparaison, on constate aisément que l’écart de prix n’est pas vraiment très important. Autrement dit, le prix d’un chargeur d’origine et celui de la contrefaçon sont presque identiques.
Naîma Cherii
Il a déclaré…
Bouazza Kherrati, président de la Fédération Marocaine des droits du consommateur
Le ministère ne peut pas, à la fois, faire le contrôle et donner des autorisations d’importer
«Nos marchés sont inondés par des chargeurs contrefaits, lesquels proviennent de pays asiatiques, mais aussi d’Espagne où des unités reçoivent des chargeurs fabriqués en Chine. Dans ces unités, on change l’emballage de ces chargeurs par d’autres qui laissent croire que ces derniers sont fabriqués en Espagne et non en Chine ou à Hong Kong. Ces appareils ne sont pas vendus en Espagne, mais plutôt au Maroc où ils arrivent en transit temporaire. Il y a donc un problème de traçabilité des produits qui arrivent dans notre pays. Le contrôle doit aussi se faire à ce niveau. A ce propos, je dois dire que le ministère de tutelle ne peut pas faire le contrôle et, en même temps, livrer des autorisations pour importer ces appareils. Nous pensons qu’il faut réfléchir à créer un établissement indépendant, exclusivement destiné au contrôle de toutes les marchandises qui sont importées».