Chute du pétrole et impact sur le Maroc

Chute Petrole Maroc

Si l’effondrement du cours de l’or noir fait des victimes, le Maroc, lui, est largement gagnant dans cette situation.

Ça ne s’était plus produit, depuis juillet 2009 à New York! Les cours du pétrole sont passés, jeudi 11 décembre 2014, sous le seuil psychologique des 60 dollars le baril. En effet, le West Texas Intermediate (WTI) avait clôturé à 59,95 dollars. Du jamais vu depuis plus de cinq ans sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), en baisse de 99 cents! A Londres, le Brent avait aussi fini à son plus bas niveau depuis juillet 2009, à 63,68 dollars sur l’Intercontinental Exchange (ICE). Le baril d’or noir coté à New York a chuté de 44% depuis son dernier pic de la mi-juin, de 106,91 dollars en clôture. «C’est ce qui arrive lorsque l’on a 2 millions de barils par jour en trop d’offre par rapport à la demande pesant sur le marché et alors que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole ne montre aucun signe de réduction de production ou de réunion anticipée», a expliqué James Williams, expert énergétique pour WTRG Economics. Autrement dit, le pétrole est confronté à une production mondiale excédentaire, avec notamment la hausse de la production américaine, alors que la demande ne suit pas. A cela s’ajoute le fait que la conjoncture n’est pas bonne sur le plan mondial, notamment au Japon et en Europe ou encore, dans une moindre mesure, en Chine où l’économie poursuit son ralentissement. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a d’ailleurs abaissé, vendredi 12 décembre, sa prévision de croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2015. La consommation devrait croître de 900.000 barils par jour l’an prochain pour atteindre 93,3 millions de barils par jour (mbj), contre une anticipation précédente de 93,6 millions. L’AIE a maintenu à 92,4 mbj sa prévision de demande pour 2014. Dans cette situation critique, les victimes sont facilement identifiables. Il s’agit notamment des pays producteurs, comme la Russie. A chaque fois que le cours du pétrole baisse d’un dollar, la Russie perd plus d’un milliard et demi de revenus.

Le Maroc profite de cette chute

La chute du prix du baril de pétrole aura un impact positif sur la balance commerciale marocaine, dont l’aggravation du déficit ces dernières années est imputable avant tout à la facture des produits énergétiques. D’un point de vue macroéconomique, l’impact de la baisse des cours du pétrole se fera ressentir au niveau du Produit intérieur brut (PIB), de la demande intérieure, du volume d’épargne et de l’investissement et des recettes du budget de l’Etat, ainsi qu’au niveau de l’inflation et des comptes extérieurs. La chute du prix du pétrole aura pour effet la baisse des prix intérieurs, l’augmentation du pouvoir d’achat du citoyen marocain qui se traduira (logiquement) par une hausse de la consommation des ménages ou de l’épargne, l’accroissement des investissements et la création d’emplois, ainsi que la stimulation de la croissance. Cette baisse des prix des carburants peut également avoir une influence sensible sur la dynamique de demande tant interne qu’externe. L’impact positif sera d’autant plus important si l’on prend en compte la baisse des recettes des exportations des phosphates et dérivés qui est compensée par les exportations des métiers internationaux du Maroc comme la construction automobile, le tourisme qui amorce une reprise et les transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE) qui demeurent stables. Cette chute aura un impact positif également sur le budget de l’Etat. «Le mazout coûtera l’année prochaine 0 milliard de dirhams à la compensation», a annoncé Abdelilah Benkirane, chef de gouvernement, qui s’exprimait lors d’un meeting organisé par le Parti de la Justice et du Développement (PJD). Selon les statistiques de l’Office des changes, les importations de 4,3 millions de tonnes d’huile brute de pétrole ont coûté 25,4 milliards de dirhams (MMDH) de janvier à octobre 2014. En considérant que les dépenses en importations de pétrole soient les mêmes chaque mois (en réalité, elles oscillent légèrement), la facture mensuelle cette année s’élèverait à environ 2,5 MMDH. Mais avec l’effondrement actuel du cours du baril à moins de 60 dollars et sachant que la loi de Finance 2014 prévoit un prix d’achat de 105 dollars, le gouvernement pourrait économiser théoriquement près de 36% sur sa facture de décembre, soit environ 900 millions de dirhams (MDH). Le Trésor pourrait même enregistrer des gains au niveau de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), pour sa part, verra ses coûts baisser, alors que la décision de Benkirane de majorer la facture de l’électricité, prise en période de baisse du prix du baril de pétrole et du gaz naturel, ne sera pas revue. Les régies et les sociétés de distribution d’électricité et des carburants verront elles aussi leurs marges s’élargir.
Il faut dire que l’effondrement du prix du pétrole aura des répercussions positives à court terme sur les principales branches d’activité: transport, électricité, industries manufacturières et construction. En dehors des activités de raffinage où le pétrole représente la principale matière première avec 89% de la valeur de la production, la part du pétrole raffiné en tant que consommation intermédiaire se situe aux environs de 21% de la valeur de la production de la branche des transports, de 8% pour la branche de l’électricité et eau et de 5,6% des industries extractives. Pour le secteur industriel, les produits pétroliers interviennent pour des parts se situant autour de 2% de la valeur de la production. La branche du bâtiment et des travaux publics, au même titre que l’ensemble des activités tertiaires, ont des consommations intermédiaires de produits pétroliers assez comparables avec des coefficients d’inputs par rapport à la valeur de la production variant entre 2 et 4%. Ceci dit, la baisse des prix des carburants devrait réduire les coûts de production des principales branches d’activités, grandes consommatrices des produits pétroliers. La répercussion des fluctuations des prix de la production sur la demande finale n’est pas toujours immédiate et prend généralement en considération la dynamique des marchés et le comportement de la demande. Les activités relevant du secteur primaire ont, quant à elles, des coefficients d’inputs en produits pétroliers variant entre 2% pour la branche de l’agriculture et 12% pour le secteur des pêches.

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La Samir plombée par ses stocks de pétrole

La Samir s’attend à des résultats négatifs pour l’exercice 2014. En effet, le raffineur marocain a publié, mercredi 10 décembre, un profit warning pour le faire savoir. Le raffineur pointe du doigt la baisse des cours qui l’oblige à réévaluer ses stocks. «A l’instar des autres raffineries dans le monde, le fort recul des cours pétroliers, qui sont passés de 110 dollars le baril début juillet à 65 dollars actuellement (10 décembre 2014), impactera négativement la valorisation des stocks à la clôture de l’exercice», d’après le groupe. De ce fait, les résultats 2014 seront négatifs malgré une progression notable de 15% de ses ventes locales (hors fuel industriel) et l’amélioration des marges de raffinage. Pour minimiser l’impact de cette situation sur ses résultats, le raffineur affirme avoir pris des mesures, dont la réduction du niveau des stocks. Pour rappel, la compagnie Samir doit détenir un stock stratégique de pétrole brut de 4 millions de barils, en plus du stock outil représentant environ 15 jours de ventes. Les autres mesures prises par le raffineur pour minimiser l’impact de la chute des cours sur ses résultats concernent la maîtrise des risques de change et la mise en place d’instruments de couverture contre les fluctuations des cours des matières premières.

Les compagnies aériennes profitent de la chute du pétrole

Avec la chute du pétrole, ce sont plusieurs milliards de dollars de profits qui s’envolent pour les compagnies pétrolières. Des projets sont gelés ou annulés, car ils ne sont plus rentables avec des prix aussi bas. Mais toutes les compagnies ne sont pas touchées au même degré. Essorées par des années de dépenses de carburant élevées, les compagnies aériennes de la planète voient de nouveau leur avenir en rose. Le prix du pétrole s’est stabilisé à un niveau bas que l’Association internationale du transport aérien (IATA) anticipe comme durable. «Ce serait la première fois depuis 2010 que le prix moyen du baril passe sous la barre des 100 dollars», commente Tony Tyler, le directeur général de l’IATA. La conséquence de la baisse des coûts du kérosène est mécanique: les bénéfices des compagnies atteindront globalement 19,9 milliards de dollars en 2014. Surtout, ils devraient bondir l’an prochain à un niveau record de 25 milliards de dollars. Ces dernières années, les compagnies ont traversé une période sombre. Les pertes avaient dégringolé à 26, 1 milliards de dollars en 2008 pour atteindre 4,6 milliards en 2009. Depuis 2010, l’aérien a renoué avec les bénéfices: 17,3 milliards cette année-là. Mais le secteur a peiné à rebondir durablement: 7,1 milliards de dollars de profits en 2011, puis 6,1 milliards en 2012 et 10,6 milliards en 2013. L’IATA table également sur une forte croissance mondiale qui devrait soutenir l’ensemble du secteur. D’après l’organisation qui regroupe 250 compagnies aériennes dans le monde, les consommateurs devraient tirer profit de cette meilleure santé des compagnies. Mais le directeur général de l’IATA ne s’emballe pas: «Alors que nous envisageons 25 milliards de dollars de profits en 2015, il est important de se rappeler que c’est seulement une marge nette de 3,2%.» Tony Tyler évoque également les risques que constituent les conflits dans le monde, la faiblesse de certaines économies régionales… Un enthousiasme tout en retenue!

Anas Hassy
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L’avis de…

Rachid Achachi, économiste et chercheur à l’université Ibn Tofail de Kénitra

Rachid Achachi

«C’est l’industrie marocaine dans sa globalité qui va en profiter, puisque cela réduit aussi bien les coûts de production que les frais de transports».

Que pensez-vous de l’effondrement du prix du pétrole?

Cette baisse brutale du cours du baril de pétrole ne peut être expliquée par un simple déséquilibre entre l’offre et la demande pour plusieurs raisons. Dans un contexte de ralentissement de l’économie mondiale, la logique voudrait que les principaux producteurs de pétrole baissent leur niveau de production afin de maintenir un cours du baril optimal pour leur économie. Cependant, la réunion de l’OPEP du 27 novembre a abouti au maintien du même niveau production. Mais si l’on analyse plus en détail la composition de la production mondiale de pétrole, il en ressort que, sans les Etats-Unis, elle fait du va-et-vient autour d’une moyenne stable. Ainsi, la production mondiale de pétrole n’augmente que parce que les Américains produisent plus, notamment du fait de l’exploitation massive du pétrole non-conventionnel dont les Etats-Unis ont fait un moteur pour redynamiser leur croissance ces trois dernières années, avec pour résultat un renforcement du dollar qui a contribué à son tour à cette baisse des cours du baril.

L’OPEP peut-elle éclater?

Quel est l’impact de cette chute sur le Maroc?

Cette baisse ne peut être que favorable au Maroc, puisqu’elle permettra de faire baisser le déficit de la balance commerciale, sachant que les hydrocarbures représentent la principale charge en devises pour le pays, mais aussi le déficit budgétaire. Car cela se traduira par une baisse importante de la charge de compensation. Au niveau des ménages, cette baisse se traduira, du fait du mécanisme d’indexation partielle sur les produits pétroliers, par une baisse relative de leur facture d’essence, ce qui pourrait se traduire par une augmentation du niveau de consommation avec un impact léger sur la croissance économique. Cependant, sachant que la loi de Finances de 2015 a été élaborée en se basant sur un cours moyen du baril de 103 dollars, il est surtout trop risqué de revoir les dispositions de cette loi à la lumière de cette baisse du cours du baril de pétrole qui est loin d’être structurelle et dont l’évolution future est toujours incertaine.

Quelles sont les entreprises qui vont bénéficier de cette baisse au Maroc?

C’est l’industrie marocaine dans sa globalité qui va en profiter, puisque cela abaisse aussi bien les coûts de production que les frais de transport. Cependant, certaines entreprises en profiteront plus que d’autres. Royal Air Maroc, par exemple, bénéficiera de cette chute parce que l’achat du carburant constitue entre un quart et un tiers des coûts opérationnels de la compagnie. Les cours du gaz étant corrélés à ceux du pétrole, l’industrie chimique devrait également grandement profiter de cette situation.

Quels sont vos prévisions par rapport à l’évolution du cours du pétrole?

Pour certains experts, le maintien des cours du baril de pétrole à un niveau en dessous de 70 dollars se poursuivra encore longtemps, principalement du fait de l’absence de perspectives d’une reprise de la croissance mondiale pour 2015 et d’un ralentissement important de la production industrielle chinoise. Cependant, d’autres facteurs pourraient amener les cours à une reprise à la hausse. En effet, selon les experts du secteur, le coût de production d’un baril de pétrole de schistes aux Etats-Unis se situe entre 40 et 80 dollars. Ce qui fait qu’un nombre non négligeable d’exploitations américaines vendront leur pétrole à perte, car le coût marginal de production du baril de pétrole de schiste est largement supérieur aux cours mondiaux actuels. Mais le fait est que les Etats-Unis ont en grande partie fondé leur stratégie de relance de la croissance économique américaine sur la nouvelle dynamique liée à ce secteur et aux effets bénéfiques sur l’emploi. Ainsi, il serait inconcevable pour le gouvernement américain de laisser cette situation durer trop longtemps.

Propos recueillis par Anas Hassy

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Impact sur les Bourses mondiales et les investissements


La chute du prix du pétrole a eu un impact négatif sur les marchés financiers internationaux. En effet, cette baisse a plombé les places boursières des Etats du Moyen-Orient, gros producteurs de pétrole. La Bourse de Dubaï a subi l’une de ses plus grosses pertes: -7,4% en une journée. Le marché d’Abou Dhabi, le deuxième marché des Émirats Arabes Unis, a chuté de 4,4%. Le repli de l’or noir conduit aussi les industriels à accélérer les coupes dans leurs investissements, voire dans leurs effectifs. D’ailleurs, BP, Statoil et Chevron ont annoncé, ces dernières semaines, la réduction de leurs investissements et la suspension de certains projets. Le coup de frein avait en réalité commencé début 2014, avant même la chute des cours. Résultat: la progression des investissements n’a été que de 5% cette année (à 734 milliards de dollars), la plus faible depuis 2010, selon l’Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFP EN). Cette chute persistante du prix du baril pénalise également fortement certains pays producteurs pour qui la manne pétrolière est une composante essentielle de l’économie nationale. C’est le cas pour la Russie, le Venezuela, le Nigeria, l’Irak, l’Iran, l’Algérie et la Libye où le prix d’équilibre pour boucler le budget se situe très au-dessus de la barre des 100 dollars le baril. Autant de pays où les situations politiques et sociales sont explosives. L’économie russe, qui subit par ailleurs l’effet de sanctions liées à la crise ukrainienne, est quant à elle au bord du gouffre.

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