Retour dans l’accord de Paris sur le climat, réintégration de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et relance des pourparlers sur le nucléaire iranien. Le nouveau président américain se prépare à repositionner les Etats-Unis sur l’échiquier international, comme promis lors de sa campagne présidentielle.
Joe Biden a été clair dès le départ sur la politique étrangère qu’il compte mener s’il venait à être élu à la tête des Etats-Unis. Maintenant que c’est chose faite, le 46ème locataire de la Maison Blanche, n’a pas de temps à perdre.
Le soulagement des défenseurs du climat
Autant le dire tout de suite, l’élection de Biden a été un grand soulagement pour les défenseurs de l’environnement. Au cours de sa campagne pour la Maison Blanche, il avait mis en avant des objectifs ambitieux dans la lutte contre le changement climatique et s’est engagé à réparer ce qu’il a qualifié de dégâts causés par son prédécesseur. Sous le mandat du président démocrate, les USA devraient notamment réintégrer l’Accord de Paris, que Donald Trump a officiellement quitté en novembre 2020. Il sied d’indiquer que les USA sont l’un des principaux participants au budget du Secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Les Etats-Unis financent aussi le fonds vert, destiné à soutenir les projets des pays en développement pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le fait que les USA reviennent dans l’accord de Paris sur le Climat, c’est aussi reprendre la promesse de réduire de 26% à 28% leurs émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2025. Un atout considérable pour la limitation du réchauffement climatique, si l’on sait que les Etats-Unis sont responsables de 15% de la pollution mondiale.
…Et de l’OMS
Dans sa quête pour «réparer la politique étrangère des Etats-Unis», Joe Biden a promis que l’Amérique réintégrera l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), en contrepied du retrait décidé par Donald Trump. Le prédécesseur de l’actuel président US avait en effet décidé de claquer la porte de cette Organisation en avril 2020, l’accusant d’avoir été «trop complaisante avec la Chine, et de n’avoir pas bien contrôlé la pandémie de Covid-19 à ses débuts». Pour Joe Biden, «les Américains sont plus en sécurité quand l’Amérique s’engage pour renforcer la santé mondiale». D’autant plus que les Etats-Unis ont contribué à la fondation de l’OMS, en 1948, qu’ils financent à hauteur de 400 millions de dollars annuellement. En renouant avec l’OMS, Joe Biden renforce la crédibilité de stratégie nationale de lutte contre la pandémie de Covid-19, qui continue de faire des ravages aux Etats-Unis et dans le monde.
L’administration Biden face au dossier nucléaire iranien
Parmi les dossiers prioritaires et brûlants de politique internationale qui attendent le nouveau président américain, figure la question du nucléaire iranien. Joe Biden avait promis, pendant sa campagne électorale, de réintégrer l’accord nucléaire avec l’Iran si Téhéran respecte ses engagements inscrits dans l’accord. Les démocrates souhaitent renégocier le texte pour y intégrer notamment, le dossier des missiles balistiques iraniens. Une volonté qui risque de se heurter à l’intransigeance de Téhéran. Déjà échaudé par l’assassinat, le 3 janvier 2020, de l’influent général Qassem Soleimani sur ordre de Donald Trump, l’Iran a déclaré à plusieurs reprises que cette question était non négociable. Alors que le Guide suprême iranien l’ayatollah Khamenei, a déclaré début novembre 2020 que l’élection américaine n’aurait «pas d’effet» sur la politique de Téhéran à l’égard de Washington, le président iranien Hassan Rohani a, pour sa part, invité Joe Biden à ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre les Etats-Unis et l’Iran. Comme point de départ pour les futures négociations sur le dossier nucléaire iranien, le président américain Joe Biden a nommé Wendy Sherman, une négociatrice clé de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran, au poste de numéro deux de la diplomatie américaine. Sherman a été conseillère diplomatique sous le mandat de Bill Clinton avant de devenir Sous-Secrétaire d’Etat aux Affaires politiques lors du second mandat de Barack Obama. Biden avait déjà annoncé, fin novembre 2020, la nomination d’un autre ancien de l’administration Obama, Antony Blinken, au poste crucial de Secrétaire d’Etat. Les signaux envoyés par le président US en direction de l’Iran suffiront-ils à contenir la menace iranienne? La volonté, quasi obsessionnelle, du régime de Téhéran d’étendre son hégémonie et développer sa stratégie d’influence au Proche et Moyen-Orient continue d’inquiéter la communauté internationale. Nombreux sont les analystes en géopolitique qui évoquent un «croissant chiite» composé de l’Iran, de l’Irak, de la Syrie et du Hezbollah libanais, avec quelques prolongements au Yémen.
Depuis une dizaine d’années, l’influence de l’Iran n’a cessé de croître. Téhéran a profité du chaos en Irak, au détriment des populations sunnites le plus souvent livrées aux groupes terroristes, dont Daech. L’Iran a aussi utilisé la déstructuration de la Syrie pour avancer avec ses propres milices ou celles de ses alliés comme le Hezbollah libanais. Contenir l’Iran est donc un enjeu stratégique majeur. Toutefois, les signaux en provenance de Téhéran n’augurent rien de bon. Alors que l’Iran a annoncé qu’elle se préparait à produire de l’uranium métal, trois pays signataires de l’accord sur le nucléaire iranien (France, Royaume-Uni, Allemagne) ont fait part de leur grande préoccupation face à cette nouvelle violation dudit accord par Téhéran. Les trois pays ont appelé, dans les termes les plus forts, l’Iran à «cesser immédiatement ses activités nucléaires qui n’ont aucune utilisation civile». Signé le 14 juillet 2015 à Vienne entre les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Union européenne et l’Iran, l’accord sur le nucléaire iranien encadre la capacité de Téhéran à enrichir de l’uranium et interdit pour 15 ans certaines activités liées à une militarisation de l’arme nucléaire, en échange d’une levée partielle des sanctions internationales prises à son égard.
Le 46ème président des Etats-Unis n’aura pas la tâche facile sur le plan international. Outre la restauration de leurs liens avec ses alliés traditionnels, les USA sont appelés à se positionner face aux deux autres grandes puissances que sont la Russie et la Chine. Selon les observateurs internationaux, la rivalité et la concurrence avec Pékin étaient préexistantes à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, et ne disparaîtront pas avec Joe Biden qui estime que la Chine est le plus grand concurrent de l’Amérique.
Mohcine Lourhzal