Concombres de mer/Maroc : Trésor méconnu, braconniers et marché de dupes

Concombres de mer/Maroc : Trésor méconnu, braconniers et marché de dupes

La pêche illicite des concombres de mer prend de l’ampleur au Maroc. Elle a déjà fait des dégâts à l’écosystème de la baie de Dakhla, au Sahara marocain. Mais depuis un certain temps, cet animal marin est surexploité un peu partout.

La catastrophe écologique aurait-elle déjà commencé à Lamrissa, un petit port à Dar Bouazza? Le braconnage des concombres de mer prend de plus en plus d’ampleur dans ce petit port, situé à 25 km de Casablanca. Des sources professionnelles évaluent la production dans cette zone à une tonne par jour!
Or, des centaines de pêcheurs braconniers, venus de partout, envahissent en toute illégalité Lamrissa à Dar Bouazza, à la recherche de concombre de mer, très prisé par les Chinois pour ses vertus pour la santé. La pêche aux concombres de mer est interdite dans ce petit port, exploité par des pêcheurs artisans, utilisant des barques à rames et, parfois, à moteur. Mais cela n’empêche pas les braconniers de s’adonner à la collecte de ce produit, lequel fait déchaîner en ce moment les passions du marché noir à Lamrissa, à Dar Bouazza, où le phénomène connaît une recrudescence.

Une activité qui rapporte gros…

Ils viennent de loin à Lamrissa et ne disposent d’aucune autorisation de collecte. Mais ils pratiquent quand même cette activité illégale qui rapporte gros. Les trafiquants ne passent pas par le port de Lamrissa. Ils se dirigent directement vers les zones de pêche. Tout cela confirme l’existence d’un commerce bien organisé, portant sur des quantités énormes de ce produit ramassé clandestinement, chaque jour, souligne un collecteur de concombres de mer qui s’est confié au Reporter.
Chaque jour, les collecteurs ramènent jusqu’à 600 kilos de concombres de mer. Selon des pêcheurs rencontrés à Lamrissa, le ramassage illicite des concombres de mer peut atteindre parfois jusqu’à une tonne par jour. Toute cette production est destinée à l’export. «Toute cette production est vendue à des Chinois. Elle est préparée dans des sacs. Avant de s’envoler vers sa destination finale, le concombre de mer est d’abord bouilli, vidé et séché», explique-t-on. Cela fait près de cinq ans que la demande est en forte hausse à Lamrissa. Avec ce commerce illégal, chacun des plongeurs peut encaisser 30 à 40 dirhams par jour, selon les mêmes sources. Les clients, des braconniers -des Chinois- empochent, eux, beaucoup plus. Le soir, ils rôdent dans les parages pour acheter directement le produit aux pêcheurs, en toute discrétion.
Lors de notre visite à Lamrissa, il y a quelques jours, nous avons d’ailleurs rencontré deux Chinois qui nous ont été présentés par notre guide (un pêcheur infiltré dans un réseau spécialisé dans ce commerce illégal de concombre de mer). Ces deux derniers, qui refusaient de se confier à nous, étaient venus pour réceptionner leur commande, d’après notre guide. Les pêcheurs vendent leur produit pour une bouchée de pain. Le prix du kilo de concombre de mer vaut entre 30 et 40 DH. Le produit est revendu à des intermédiaires à 300 DH/kg. Mais ce n’est rien, comparé à ce qui va se passer en Chine -et aussi dans certains pays européens, comme la France- où cet animal prendra de la valeur. Il s’y commercialisera, en effet, à prix d’or: à plus de 10.000 DH le kilo. «C’est à l’international que le prix de ce produit de la mer grimpe et ce sont les braconniers qui profitent de cette activité illégale. Les pêcheurs, eux, ne gagnent rien de ce trafic clandestin. Mais si cette activité était autorisée, les prix seraient certainement élevés et tout le monde pourrait ainsi en profiter, à commencer par la commune de Dar Bouazza, laquelle perd beaucoup dans ce commerce de concombre de mer qui, disons-le, est très abondant dans la zone», déclare Rachid Morchid, un pêcheur de la zone. Celui-ci s’oppose à l’interdiction du ramassage de cette espèce marine, laquelle fait l’objet d’une demande en forte augmentation, depuis cinq ans, selon lui. Morchid est également président d’une association de la pêche à Dar Bouazza.
Derrière ce commerce illicite, existe un réseau de commanditaires ayant leurs propres ressources et apportant un appui logistique et financier aux braconniers, confie ce même pêcheur. Malgré le caractère illégal de la collecte des concombres de mer, certains commanditaires sont connus de tous, dans ce petit port. Ils s’activent sans qu’ils soient inquiétés par les autorités locales de Dar Bouazza, d’après notre guide.

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Enquête réalisée à Dar Bouazza par Naîma Cherii

Concombre de mer : Un plan d’aménagement en préparation

La question de surexploitation du concombre de mer a été soulevée, pour la première fois dans la profession, il y a plus d’une année, lors de la tenue de l’Assemblée de la Chambre de pêche maritime de l’Atlantique nord. Dans certaines zones du pays, telles la baie de Dakhla, Oualidia, El Jadida ou encore Dar Bouazza, le concombre de mer subit en effet une surexploitation, ce qui pourrait conduire, d’ici quelques années, à l’extinction de l’espèce dans ces régions où cet animal marin intéresse beaucoup les trafiquants. Comme c’est le cas pour les autres espèces, un plan d’aménagement, dont les dispositions devraient permettre la protection de cette ressource très convoitée par les Chinois, est actuellement en préparation au niveau de l’administration. Pour l’heure, les consultations entre les professionnels et l’administration ne sont pas encore lancées. Peu connu il y a encore une dizaine d’années, ce secteur a été au centre d’une étude lancée par l’Institut national de recherche halieutique (INRH), il y a plus d’une année, pour connaître les stocks réels existants en matière de concombre de mer. Selon des sources professionnelles, cette étude est déjà finalisée. Ses résultats ont d’ailleurs été livrés aux professionnels qui ignorent encore les chiffres exacts sur la production nationale de cette espèce, souligne un professionnel de la pêche à Casablanca. Dans le détail, cette étude, qui a ciblé la baie de Dakhla et Dar Bouazza à Casablanca -deux régions où le phénomène de braconnage est en recrudescence-, a permis d’identifier les zones et les durées de croissance du concombre de mer. Les principaux aspects ayant été examinés par les scientifiques de l’INRH sont notamment les périodes d’arrêt biologique et les zones d’interdiction de pêche, comme pour les autres plans d’aménagement.

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N.C

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