Pour tout individu normalement constitué, rester à la maison avec son partenaire devrait impliquer une adaptation à certaines habitudes et un renouvellement des relations. Or, ce n’est pas toujours le cas.
Nombre des tensions vécues pendant le confinement sanitaire strict décrété par les autorités sanitaires le 20 mars 2020 et qui a duré plus de deux mois, existaient déjà auparavant. La cohabitation forcée n’a fait que les accroître. Tant de pression rend les gens plus irritables et difficiles. Cependant, cela ne doit pas conduire à un conflit grave et intensifier les tensions au sein du couple.
La fragilité conjugale révélée au grand jour
Pour certains couples le confinement a été une occasion pour se rapprocher davantage, apprendre à s’écouter mutuellement et déclarer sa flamme à sa douce moitié. D’autres foyers marocains ont très mal vécu la période de cantonnement sanitaire. Et si c’était un signe révélateur de problèmes de couples plus graves?
Les cas de violences conjugales rapportés par les associations de défense des droits des femmes, tout au long de cette période sont nombreux, ne se comptant plus que sur les doigts d’une seule main. En effet, un grand nombre de Marocaines, notamment dans les milieux populaires et défavorisés, ont vécu un vrai cauchemar depuis le 20 mars 2020, date à laquelle les autorités avaient décrété l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national, avec interdiction de quitter son domicile sauf en cas d’urgence ou d’extrême nécessité. Enfermées avec des conjoints violents ou psychologiquement instables, ces mères de familles ont subi toutes sortes d’humiliation et de violences physiques et verbales, de la part d’époux pour le moins que l’on puisse dire, dénué de scrupules ou d’amour propre. Violents et ayant la gâchette facile, ces énergumènes n’hésitaient pas, tout au long des trois mois de confinement, à s’en prendre souvent avec une violence extrême, pour un oui ou pour un non, à leurs conjointes. Pour celles dont les proches et familles respectives résidaient dans d’autres villes, la situation étaient encore plus grave et invivable, sachant qu’il était impossible pour elles, de quitter la ville en raison de la suspension du transport interurbain. Le comble de la catastrophe, c’est que ces scènes de violences conjugales se déroulaient au vu et au su des enfants et jeunes mineurs. Ces derniers comme l’indiquent plusieurs psycho-sociologues, peuvent développer des troubles plus ou moins graves du comportement et avoir une conception déformée de la vie de couple, arrivés à l’âge adulte.
Au diable mon mari !
Généralement et en période normale, les femmes vivant avec des maris violents, avaient droit à quelques instants de répit, de «cessez-le-feu». Leurs conjoints forcenés avaient cette possibilité d’aller un café, dans les bars…ce qui permettrait aux épouses violentées, sans autre alternative, de respirer un bon coup pour pouvoir avancer malgré les difficultés. A cause du confinement, cette échappatoire est devenue impossible pour les victimes de violences conjugales. En période de cantonnement sanitaire, un grand nombre de mères de familles se sont retrouvés entre le marteau et l’enclume. D’une part, les préjugés et les étiquettes que la société marocaine colle aux femmes qui se révoltent pour préserver leur dignité. D’autre part, le manque de moyens financiers qui obligent beaucoup de Marocaines à taire leurs souffrances.
Pour les psychothérapeutes, les réflexions acerbes sur des sujets anodins, des prises de tête inutiles sont souvent à l’origine de tous les maux au sein de certains couples dont la construction a été à la base, extrêmement fragile, tel un fétu de pailles. Il apparait clairement que pour les couples en mal-être, le confinement a fait ressurgir des conflits sous-jacents et a approfondit les frictions et les sujets de discorde, déjà existants et qui n’attendaient qu’un élément déclencheur pour émerger et resurgir au grand jour.
En définitive, on peut dire que ce qui diffère d’une relation à l’autre, c’est l’intensité de l’électricité ambiante, en fonction du degré d’intimité d’échange, de respect et d’estime mutuels qui règnent au sein des ménages. Fort heureusement, le cantonnement sanitaire qui a duré plus de deux mois, a été l’occasion pour d’autres couples de se retrouver. De manière générale, il a été prouvé que les tensions pendant le confinement peuvent être surmontées assez rapidement. Il s’agit seulement de parvenir à des accords raisonnables, dans lesquels chaque partie prend quelque chose et donne quelque chose pour le bien commun. L’aide mutuelle doit primer sur l’intérêt individuel. Tout compte fait, c’est ce qui fait qu’un couple et plus soudée qu’un autre, une famille plutôt solidaire que disloquée.
Mohcine Lourhzal
Confinées et violentées
La réalité des chiffres
Selon des statistiques émanant d’associations de défense des droits des femmes au Maroc, plus d’une femme sur deux a été victime d’une forme de violence durant le confinement sanitaire. Une loi contre les violences faites aux femmes est entrée en vigueur en 2018, rendant pour la première fois passible de peines de prison des actes considérés comme des formes de harcèlement ou de mauvais traitement. Le texte est toutefois jugé insuffisant par une trentaine d’associations féministes.
Déjà élevé, le taux global des violences conjugales risque d’augmenter à cause des tensions constatées au sein des foyers marocains, même avec l’entrée en vigueur de la phase II du confinement, préviennent plusieurs Organisations Non-Gouvernementales (ONG) nationales.
En dépit du fait que plusieurs associations féminines aient annoncé la mise en place de lignes téléphoniques pour dénoncer les actes de violences conjugales durant le confinement, pour l’heure, il n’y a pas de réelle augmentation du nombre d’affaires du côté de la justice.