Ahmed Lahlimi, Haut-Commissaire au Plan
Tous les secteurs générateurs de croissance ont été fortement impactés par la crise due au nouveau Coronavirus (Covid-19). Dans un contexte de fortes incertitudes, les pronostics économiques ont été totalement bouleversés.
Au Maroc, la production statistique, la planification, la prospective, l’analyse et la prévision économique émanent principalement du Haut-Commissariat au Plan (HCP). Dans le cadre de sa mission, cette institution a livré un diagnostic par secteur, de la situation économique nationale durant les trois premiers mois de l’année 2020. Les chiffres ne sont guère réjouissants
Les secteurs qui trinquent
Ainsi, dans son point de conjoncture du deuxième trimestre 2020, le Haut-Commissariat au Plan (HCP), a relevé une nette régression de l’activité économique nationale (13,8%) en lieu et place de la hausse de 0,1% enregistrée au cours du premier trimestre de l’année en cours.
Selon le HCP, l’économie marocaine devrait enregistrer une nette régression de l’ordre de 13,8% au deuxième trimestre (T2) 2020, en lieu et place de la hausse de 0,1% enregistrée au premier trimestre de l’année en cours. Ce repli s’expliquerait, selon le HCP, par une contraction de 14,4% de la valeur ajoutée non-agricole et d’un repli de 6,1% de celle de l’agriculture. Le HCP a précisé en ce sens, que le secteur tertiaire, principal moteur de la croissance économique dans le Royaume, a régressé de 11,5% au T2-2020, pâtissant de la baisse des activités commerciales, de transport, d’hébergement et de restauration, et seuls la communication et les services non-marchands seraient restés dynamiques, avec le renforcement des dépenses de fonctionnement. Dans le secteur secondaire, le rythme d’évolution est passé à -14,3%, après avoir enregistré +0,2% au premier trimestre, a fait savoir le HCP, précisant que le repli d’activité a été plus prononcé dans le «Bâtiment et Travaux Publics» (BTP), l’électricité et dans l’industrie, particulièrement le textile, les Industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (IMME) et les matériaux de construction. En revanche, l’agroalimentaire et la chimie ont conservé leur rythme de croissance tendanciel.
Au niveau de l’agriculture, le HCP a souligné que les conditions climatiques se sont améliorées avec une pluviométrie excédentaire de 86% au terme des mois d’avril et mai 2020, en comparaison avec la même période de 2019. Ce retour quasi-général des précipitations, succédant à une sécheresse hivernale sévère, n’a pas profité au développement de l’ensemble des productions agricoles. Si globalement les perspectives de croissance des cultures maraîchères de saison, sucrières et de certaines rosacées se sont améliorées, les rendements des céréales, des légumineuses et des fourrages sont restés faibles, pâtissant du déficit pluviométrique qui avait entravé leurs phases de floraison.
S’agissant des activités d’élevage, le Haut-Commissariat au Plan a signalé que l’amélioration des parcours végétaux combinée aux mesures de soutien des prix de l’orge et le report des échéances des crédits des agriculteurs ont légèrement tempéré les pertes de trésorerie liées à la hausse des prix des autres aliments de bétail et à la fermeture des souks hebdomadaires de commercialisation du bétail, pendant la période de confinement. Les filières avicole et laitière sont restées, ainsi, les principaux piliers de la dynamique de la production animale. Par ailleurs, le Haut-Commissariat au Plan prévoit une baisse de 4,6% de cette activité nationale au troisième trimestre 2020, en variation annuelle, au lieu d’une hausse de 2,4% au deuxième trimestre 2019. Ce repli serait dû à une diminution de la valeur ajoutée activités hors agriculture de 4,1% et de celle des activités agricoles de 5,9%.
Et ceux qui résistent…
L’activité minière a, pour sa part, montré une grande résistance face aux effets de la crise liée à la pandémie du nouveau Coronavirus (Covid-19). En variation annuelle, sa valeur ajoutée a progressé de 3,7% au T2-2020, grâce notamment à l’amélioration de l’extraction des minerais non-métalliques. La production du phosphate brut, qui avait quasiment stagné au premier trimestre 2020, a été plus soutenue en avril 2020, portée par une demande des industries locales de la chimie plus vigoureuse, en ligne avec l’expansion des quantités exportées des engrais. Malgré une montée des incertitudes pesant sur la demande mondiale des fertilisants, les échanges internationaux des engrais phosphatés se sont maintenus en hausse. Par ailleurs, les perturbations des chaînes asiatiques d’approvisionnement mondial des matières premières des industries chimiques ont favorisé une hausse de 7,4% des exportations nationales du phosphate brut. Sous l’effet du déconfinement progressif, d’une réouverture des frontières et d’une reprise des activités de transport et du commerce, la croissance et les échanges mondiaux devraient se redresser légèrement au troisième trimestre 2020, bien que se situant toujours en dessous de leur tendance d’avant crise. Dans ce contexte, la demande étrangère adressée au Maroc devrait s’améliorer de 3% par rapport au deuxième trimestre 2020, mais sa baisse, en variation annuelle, se situerait à -15,6%», a souligné le HCP.
Pour ce qui est de la demande intérieure, elle devrait se redresser modérément et lentement. Au cours du troisième trimestre 2020, le Haut-Commissariat au Plan s’attend à ce que la consommation des ménages enregistre une légère augmentation, dans le sillage d’une reprise des dépenses notamment en biens manufacturés. En revanche, la consommation publique poursuivrait sa tendance haussière au rythme de 6%, en variation annuelle, portée par la dynamique des dépenses particulièrement sociales. Concernant l’activité du secteur tertiaire, elle serait portée par la dynamique des secteurs de la communication et des services non marchands, et dans une moindre mesure par la reprise des activités du commerce et du transport, alors qu’elle resterait peu dynamique dans les services évènementiels et dans l’hébergement. Dans l’ensemble, la valeur ajoutée du secteur tertiaire fléchirait de 1,6%, en variation annuelle, au lieu d’une hausse de 3,8% la même période de l’année précédente.
Enfin, le HCP a fait savoir que ces prévisions restent sujettes à des révisions plus ou moins importantes au fur et à mesure de la publication de nouvelles données, dans un contexte empreint de fortes incertitudes quant à l’évolution de l’impact de la pandémie due à la Covid-19, la durée de l’état d’urgence sanitaire et les restrictions aux déplacements entre les villes, mais également en fonction des mesures de soutien à l’économie nationale, annoncées par les pouvoirs publics.
ML