Fallait-il en arriver là, à Al Hoceima? Où sont les partis politiques? Ces deux questions sont en tout cas soulevées, notamment dans les milieux citoyens et au sein des associations de défense des droits de l’Homme.
Il est évident que les citoyens ont besoin de comprendre le pourquoi de l’absence des formations politiques marocaines dans la gestion du dossier des revendications socio-économiques affichées, depuis plusieurs mois, par le «Hirak», mouvement de contestation dans la région d’Al Hoceima. «Ce dossier démontre la faillite des partis politiques qui n’ont rien fait pour calmer les esprits et réhabiliter la confiance entre l’Etat et les habitants du Rif», déplore-t-on à l’AMDH.
Les partis de la majorité n’ont donné aucun signe pour apaiser la tension dans la province et encore moins ceux de l’opposition. «On aurait aimé croire que la présence de ces partis (au gouvernement) aiderait à aboutir à des décisions concrètes à même de répondre aux besoins des contestataires. Or, ces partis sont aux abonnés absents, depuis le début des manifestations», souligne un observateur. Selon lui, aucun parti, aussi bien de la majorité que de l’opposition, n’est intervenu pour attirer l’attention de l’Exécutif sur le risque d’aggravation de la situation, pour qu’il intervienne à temps. «Quand les partis politiques n’ont plus la représentativité légitime qu’ils avaient auparavant, on doit s’attendre à cette situation», souligne notre interlocuteur. Et quand les antennes locales (d’Al Haceima) de trois partis (PJD, Istiqlal et USFP) ont publié un communiqué concernant les arrestations qui ont eu lieu à Al Hoceima, leurs Etats-majors n’ont pas réagi…
Depuis la mort de Mohcine Fikri, un poissonnier broyé accidentellement par un camion-benne à ordures à Al Hoceima, la province vit au rythme des manifestations de colère. L’élan de solidarité avec les populations de la région rifaine s’est manifesté dans de nombreuses villes du royaume. Ce qui risque, en l’absence d’une réaction sage, de faire dégringoler la région dans un avenir incertain.
«Les revendications sociales des populations rifaines démontrent clairement la faillite des politiques économiques et sociales promues par l’Etat dans cette région, qui se manifeste par la destruction du tissu productif, le pillage des ressources maritimes et forestières, la faiblesse des principaux services publics comme les dispensaires, les universités, les écoles et l’absence d’emplois pour les jeunes», dénonce Attac Maroc. Premier parti à être critiqué dans le dossier de la gestion locale au niveau de cette région, le Parti Authenticité et Modernité (PAM). En effet, ce parti détient la majorité au niveau de cette région. Mais pourquoi donc n’a-t-il pas eu une réaction à la situation qui prévaut dans la région, depuis plus de six mois?
Etant resté silencieux, le secrétaire général PAM, Ilyas El Omar, a expliqué sur sa page Facebook les raisons de son silence tout au long de ces six derniers mois, mettant en avant sa volonté de s’éloigner des polémiques. Egalement président de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, El Omari a affirmé avoir averti le chef de gouvernement que le programme de développement spatial de la province d’Al Hoceima, «Al Hoceima, Manarat Al Moutawassit», devait donner ses premiers fruits en 2016. Or, a-t-il écrit sur sa Facebook, ce programme attend toujours d’être concrétisé.
Le SG du PAM, va encore plus loin dans ses explications. «J’ai essayé, bien avant, suite au drame de Mohcine Fikri. J’ai écrit, à l’époque, au chef de gouvernement. Mais ce dernier m’avait répondu que cela ne relevait pas de mes responsabilités», tient à préciser le président de la région.
Du côté du PJD, on ne mâche pas ses mots. «Rien n’a été fait dans cette région. La responsabilité de la mauvaise gestion -et donc aussi de la situation actuelle- incombe au PAM. Puisque ce parti préside la Région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima et le Conseil provincial et gère 23 communes», lançait Nabil Al Andaloussi, parlementaire du parti de la lampe (la lampe, symbole du parti islamiste, le PJD).
La crise d’Al Hoceima aurait-elle pu être évitée si le dossier de la gestion publique avait été bien géré dans cette province? En tout cas, ce ne sont pas les conflits entre les partis politiques qui vont arranger les choses. «Il y a bien trop de conflits d’intérêts entre les partis politiques, lesquels n’ont jamais été aussi décriés. Puisqu’ils n’encadrent plus les catégories populaires», constatent des observateurs. Pour le politologue Elmoussaoui Elajlaoui, «ce qui est certain, c’est qu’au cours de notre histoire actuelle, les conflits entre les partis politiques sont une catastrophe pour le Maroc, surtout si ces conflits revêtent un caractère nationaliste. D’ailleurs, le pays continue de subir les retombées des événements de Gdim Izik».
Naîma Cherii