Coronavirus : Qui est derrière les pénuries des masques et désinfectants ?

Coronavirus : Qui est derrière les pénuries des masques et désinfectants ?

Lobbies, spéculation, rupture de stocks… La pénurie des masques de protection et de gels hydro alcooliques perdure ! Cela fait plusieurs jours que l’on parle de rupture de stocks pour les masques de protection et les gels hydro alcooliques. Alors que la réaction du gouvernement se fait attendre, les citoyens s’inquiètent…

Le sujet ne cesse de secouer l’actualité nationale. La pénurie des masques de protection et de désinfectants dure depuis l’annonce du premier cas de Coronavirus au Maroc, le 2 mars 2020.

Après une visite, ce mardi 10 mars, à plusieurs pharmacies situées à Casablanca, nous avons en effet constaté qu’il y a bel et bien pénurie.

Les masques de protection et les gels hydro alcooliques étaient toujours indisponibles. Et la situation devrait encore empirer avec l’annonce, ce même mardi 10 mars, par le ministère de la santé, du premier décès –une femme de 89 ans- et du troisième cas de Coronavirus confirmé au Maroc, dit un pharmacien.

Inquiets, les citoyens continuaient, ce mardi, d’affluer vers les pharmacies pour pouvoir se procurer des masques de protection et des gels hydro alcooliques.

«Quelques jours ont suffi à vider les grandes surfaces des désinfectants. Il ne reste pas un flacon de désinfectant sur les étals des supermarchés où j’ai été ce matin», lance Fatéma, une Casablancaise, que nous avons rencontrée dans une pharmacie de la place. Et d’ajouter: «Dans cette pharmacie, il n’y a pas de masque de protection ni de gel hydro alcoolique».

Comme Fatéma, d’autres citoyens disent avoir été dans plusieurs officines, mais n’ont pas encore réussi à en trouver.

«On m’a dit que dans certains points de vente, ces produits seraient encore disponibles», souligne Fatéma. Or, poursuit-elle, «J’ai fait une dizaine de pharmacies pour trouver des masques de protection et des gels hydro alcooliques. Mais, une fois ma demande formulée, c’est toujours la même réponse: «rupture de stocks».

«On ne sait pas quand ce produit va être disponible», souligne Hassan, un autre Casablancais, que nous avons approché lors de notre visite, ce mardi 10 mars.

L’impression d’être en temps de guerre

«On a l’impression d’être en temps de guerre. Tout le monde est en état de panique. Les gens se ruent vers les pharmacies pour trouver des masques et des gels hydro alcooliques, mais en vain. La pénurie dure», dit ce jeune homme.

Ghita, une pharmacienne, désolée, n’a aucune solution. «Depuis l’apparition de l’épidémie dans notre pays, les citoyens ne cessent de nous demander si nous avons des masques de protection et des gels hydro alcooliques», souligne cette pharmacienne. Mais, dit-elle, «on est malheureusement incapable de satisfaire leur demandes».

«Quand il s’agit d’une rupture de stocks de médicaments -pour aider nos patients- c’est souvent un peu le talent de la débrouillardise. Quelques appels téléphoniques à des confrères –qui ont encore des quantités en stock- et on arrive toujours à satisfaire la demande de nos patients», tient à signaler Mustapha, un autre pharmacien.

«Lorsqu’il y a eu pénurie en aout 2019, les pharmaciens ont mis au point un compte Facebook: «On y postait un médicament qu’on recherchait et, si par chance, une autre pharmacie en dispose, elle nous l’envoyait». Mais, dit-il, il est difficile de faire la même chose pour les masques de protection ou les désinfectants. D’autant que, explique notre pharmacien, des vendeurs opportunistes pratiquant des prix élevés vendent ces produits en dehors des canaux autorisés. 

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Il y a encore quelques semaines, les prix des masques étaient de l’ordre de 7,5 -8 Dh. Au marché noir, à Casablanca, les prix sont à 250 voire 300 Dh, a constaté notre pharmacien.

Les escrocs n’ont pas tardé à en tirer profit, a lancé ce pharmacien. Il affirme que les petites quantités dont il disposait étaient écoulées, il y a plus de deux semaines.

Un marché noir se développe

Mais pourquoi les pharmaciens ont-ils du mal à se fournir en ces produits ? Où est-ce que ça coince ? Explication de Mohamed Lahbabi, président de la Confédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc: «Une forte demande, suite à la propagation inquiétante de Coronavirus à travers plusieurs pays et le comportement des vendeurs opportunistes. L’épidémie et cette forte demande font vivre un marché noir qui se développe». C’est cette spéculation, dit-il, qui complique la situation et a rendu l’approvisionnement du marché plus compliqué.

«Si d’autres cas de Coronavirus se déclarent au Maroc, les Marocains ne trouveront plus de masques ou seront forcés de payer plus de 300 Dh l’unité au marché noir», estime le président de ladite Confédération.

Depuis l’apparition du premier cas de Coronavirus au Maroc, il y a deux semaines, on a repéré des augmentations des prix des ventes des masques de protection et des gels hydro alcooliques, affirme  Mohamed Lahbabi, lundi 9 mars. Il a ajouté que des doublements voire triplements de prix ont été constatés ces derniers jours.

Dans un communiqué, la Confédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc dénonce ces augmentations des prix et affirme que les pharmaciens n’en sont pas responsables. Elle indique que ces hausses ont été constatées depuis l’apparition de l’épidémie du Coronavirus.

Les pharmaciens ont également appelé le ministère de la Santé à assumer sa responsabilité et à approvisionner les pharmacies en masques médicaux tout en encadrant les prix de ces dispositifs médicaux qui connaissent en ce moment une forte demande.

Des comportements que les pharmaciens mécontents qualifient de «spéculatifs» et qui risquent, selon eux, d’entraîner un danger réel pour la santé publique.

Des masques non conformes

C’est une honte de profiter de la peur des citoyens et de spéculer sur les prix de ces dispositifs médicaux, martèle Falah Youssef, pharmacien et Chercheur en politique de médicaments et de la qualité des produits pharmaceutiques. Le problème, dit-il, n’est pas seulement la flambée des prix de ces produits, mais la vente de masques non conformes, qui n’ont aucune efficacité lorsqu’ils sont utilisés par des personnes contaminées par l’épidémie du Coronavirus, prévient Dr Falah.

Selon ce dernier, l’épuisement des masques de protection a commencé à se faire sentir avant même l’annonce du premier cas de Coronavirus au Maroc. A l’origine de cette spéculation abusive, ajoute notre source, «des intermédiaires –n’ayant rien à voir avec le secteur- qui ont vidé le marché de ces produits dans le but de les revendre à des prix astronomiques».

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Selon notre source, c’est un lobby d’intermédiaires qui a fait le tour des pharmacies pour acheter la totalité des stocks de masques chirurgicaux de protection et des gels hydro alcooliques conseillés pour se laver les mains.

Notre source souligne que les grossistes- distributeurs des masques ont augmenté le prix du paquet de 50 masques lequel est passé de 70 à 200 dirhams, puis à 300 dirhams immédiatement après l’annonce du premier cas de coronavirus au Maroc.

Le gouvernement, insiste la même source, a le devoir d’encadrer le prix des masques et désinfectants pour empêcher des augmentations non justifiées.

Notons qu’une plainte a été déposée, il y a quelques jours, par le Conseil régional des pharmaciens d’officine du Sud. Dans leur plainte, les pharmaciens demandent à la justice d’ouvrir une enquête judiciaire sur la pénurie des gels hydro alcooliques et des masques de protection constatée depuis l’apparition du premier cas de Coronavirus au Maroc.
Ils exhortent le parquet d’activer les dispositions de la loi sur les prix et la concurrence, notamment les articles 62 et 66 interdisant la pratique du stockage clandestin, est-il souligné.

La tension restait vive…

Au Maroc, une seule société «Pharcomedic» produit des masques de protection. Mais cette quantité –dont une partie est exportée, reste toutefois très faible, selon une source médicale. L’essentiel des besoins est donc assuré par les importations dont 80 % provient de la Chine. Or, en ces moments de crise, ce pays lui-même, n’arrive plus à satisfaire ses propres besoins en masques de protection. 

Alors que chez les pharmaciens, la pénurie de ces dispositifs médicaux reste toujours de mise, la réaction du ministère de la Santé se fait toujours attendre. «Malheureusement, le gouvernement semble impuissant devant les comportements de certains lobbies qui vendent ces produits à des prix très élevés», estime un pharmacien.

A l’heure où nous mettions sous presse, la tension restait en tout cas vive sur les stocks des masques de protection et de désinfectants. A cause des pénuries et de la progression de l’épidémie dans plusieurs pays, un marché noir florissant commence à  prospérer à Casablanca.

En effet, des vendeurs non autorisés proposent des produits contrefaits, souvent de mauvaise qualité, voire illégaux. La vente de masques contrefaits à été, d’ailleurs, repérée dans plusieurs zones de la ville (Derb Omar, gare routière d’Ouled Ziane, etc).

Quels sont les maillons de la chaîne qui ont lâché? Et quelles solutions peut-on proposer? Interpellé sur ces questions, le ministère de la Santé n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet de la pénurie et de la spéculation sur les prix des masques de protection et de désinfectants.

Un dossier à suivre…

Naîma Cherii

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