Bon, maintenant, la nouvelle Constitution a été votée.
Il y a ceux qui applaudissent le taux de participation (pour faire simple, plus de 70%) et le pourcentage du «Oui» (plus de 90%).
Et il y a ceux qui se perdent encore en conjecture sur la réalité des chiffres et qui remettent en cause jusqu’aux effectifs de la population en âge de voter, puisant leurs «vrais chiffres»… Où donc ?… Dans les statistiques du Haut Commissariat au Plan !!
Allons bon… Même si l’on admettait l’idée de tripatouillages, il faudra bien reconnaître que le «Oui» l’a emporté massivement. Et qu’il y a tellement de marge qu’avec ou sans (supposés) tripatouillages, la victoire du «Oui» est incontestable et ne peut être mise en doute.
C’est que le peuple marocain ne se limite pas à nous autres qui animons les réseaux sociaux et nous exprimons haut et fort dans les médias nationaux et internationaux !
Le peuple marocain, ce sont aussi ces foules qui ne sont pas acquises à tous les discours politiques dont la violence monte crescendo depuis l’avènement du «printemps arabe» et dont l’issue leur fait peur: les discours des islamistes d’Al Adl Walihssane, de la gauche radicale, du Mouvement du 20 février…
Le peuple marocain, ce sont aussi toutes ces gens qui aspirent, certes, à une justice sociale, à une vie digne et au développement de leur pays, mais qui considèrent que c’est sous l’égide d’une monarchie qui rassemble et booste les efforts de tous que les élites nationales pourront donner le meilleur d’elles-mêmes. Surtout maintenant que les messages du «printemps arabe» ont été mondialement retenus… Non pas sous l’égide de courants idéologiques radicaux, qu’ils soient religieux ou gauchisants.
Et cela, même si ces courants défendaient réellement et sincèrement les intérêts du peuple. Tout le monde connaît l’histoire du vieux paysan qui, au plus fort de la révolution marxiste, avait lancé à Lénine: «mais moi, je ne vous ai rien demandé ! Je veux juste garder la vie que j’avais…».
Ce sont ces foules qui ont, pour une grande part, contribué à la victoire écrasante du «Oui», qu’on le veuille ou non.
Tous les légalistes en conviendront donc: aujourd’hui, cette constitution s’impose à tous. C’est la loi de la majorité.
L’important désormais est de savoir si les avancées qu’apporte cette Constitution –et sur lesquelles tout le monde est d’accord- seront bien mises en pratique. Notamment, pour ce qui est des pouvoirs élargis du gouvernement.
On ne va pas rabâcher ici le problème de la faiblesse des partis politiques et de leur incapacité à former de nouvelles élites (ou tout simplement à leur permettre d’émerger). Mais l’inquiétude est bien là.
Quel parti politique, quel personnage politique parmi tous ceux que nous connaissons, auront suffisamment de compétences (et pas seulement des discours et slogans) pour endosser le grand costume que la nouvelle Constitution vient de tailler au «chef du gouvernement» ?
Si quelqu’un, ou quelques uns, arrive (ent) à revêtir ce costume et à le porter convenablement, cette Constitution sera celle d’une période transitoire qui pourra déboucher sur encore plus d’avancées et peut être bien, in fine, sur une véritable démocratie.
Si, au contraire, le costume est mal porté, malmené, alors, tous ceux qui se disent aujourd’hui déçus par la nouvelle Constitution, devront réorienter leur combat vers l’autre grand problème du Maroc: celui de ses élites, notamment partisanes (puisqu’une démocratie ne peut se faire sans partis).