La confédération Oxfam International, agissant contre les injustices et la pauvreté, a mis, dans son dernier rapport annuel consacré aux inégalités dans le monde, la communauté internationale face à ses responsabilités.
Pour mesurer le degré de développement au niveau mondial, plusieurs facteurs sont pris en compte. Les plus déterminants parmi ces derniers sont liés à la distribution des richesses et au degré de lutte contre les inégalités entre citoyens d’un même pays. C’est justement à ce niveau que le bât blesse, aussi bien au Maroc que dans le monde.
Ces milliardaires qui s’en mettent plein les poches…
Au niveau mondial, l’année 2018 a été celle où les riches se sont le plus enrichis et où les pauvres ont été davantage happés par le tourbillon de la pauvreté et de la précarité extrêmes. Dans son dernier rapport, dont les résultats ont été dévoilés début janvier 2019, Oxfam a tiré la sonnette d’alarme, faisant savoir que la fortune de 26 milliardaires équivaut à celle de la moitié la plus pauvre de l’humanité. Ce constat déconcertant, relevé par cette confédération dans son dernier rapport intitulé «Services publics ou fortunes privées?», a coïncidé, comme chaque année, avec la tenue à Davos (Suisse) du Forum économique mondial qui s’est penché sur les problématiques et les défis économiques auxquels le monde est confronté.
Au Maroc, les inégalités toujours plus profondes
En matière d’inégalités, le Maroc ne fait pas l’exception, en dépit des stratégies et politiques publiques mises en place pour y faire face. Dans le Royaume, force est de constater que les riches continuent de s’enrichir, alors que les pauvres demeurent dans le besoin. Pour les économistes, la situation de départ des citoyens influe directement sur leur avenir. En d’autres termes, un enfant qui naît dans une famille démunie a beaucoup plus de chances de reproduire le même schéma de pauvreté que s’il avait poussé son premier cri au sein d’une famille aisée.
L’omniprésence des inégalités socioéconomiques entre citoyens marocains est également imputable, selon beaucoup d’observateurs, aux politiques défaillantes mises en place par les gouvernements successifs. En effet, ces derniers n’ont pas réussi à mettre en place des politiques adéquates aux nouveaux besoins des citoyens, ni aux nouvelles formes de pauvreté au sein de la société.
Aujourd’hui, force est de constater que l’Etat continue de produire des citoyens assistés, au lieu d’en faire des individus capables de se prendre en main.
Plusieurs études ont été réalisées dans le Royaume, pour mesurer le degré des inégalités au sein de la société. Dans ce sens, la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) relevant du ministère de l’Economie et des Finances a piloté, fin 2018, une étude autour du thème «La question des inégalités sociales: clés de compréhension, enjeux et réponses de politiques publiques». Cette étude qui s’est fixé comme objectif de caractériser les principales causes des disparités au niveau national, a mis en évidence deux domaines névralgiques qui affectent les conditions de départ des individus, avec un impact direct et certain sur leur avenir. Ainsi, il a été démontré que les dépenses publiques destinées à l’enseignement profitent beaucoup plus aux couches sociales aisées qu’aux pauvres. Il a été également souligné que les inégalités d’opportunités ou de chances demeurent encore plus importantes au sein du système éducatif, notamment au vu de l’impact significatif de l’origine sociale des élèves et de leurs conditions socio-économiques et culturelles sur leur cursus scolaire.
Les secteurs les plus touchés par les disparités
D’après les résultats de l’étude de la DEPF en 2018, le secteur de la Santé rencontre des problèmes de disparités importants et profonds, comme en témoigne le taux de mortalité infantile qui s’établit à 33,9% pour 1.000 naissances vivantes pour les enfants issus de ménages pauvres, alors qu’il n’est que de 18,7% pour ceux relevant des ménages aisés. Selon la même étude, cette situation s’explique par le fait que plus les ménages sont aisés, plus la probabilité de bénéficier d’une couverture sociale est élevée.
En matière d’emploi, les inégalités sont également flagrantes. C’est ce qu’avait déjà relevé un autre rapport d’Oxfam International (sur 2017) paru en 2018. Intitulé «Partager la richesse avec ceux qui la créent», le rapport avait indiqué que les inégalités n’ont jamais été aussi aiguës dans le Royaume. «Au Maroc, les inégalités restent bien ancrées», a fait savoir ledit rapport, tout en précisant que la majeure partie de la population marocaine continue de subir de plein fouet cette crise des inégalités, en dépit des avancées réalisées ces 25 dernières années grâce, en premier, à l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH). Ce même rapport de 2018 a été clair pour dire que c’est grâce à l’INDH que la situation globale des Marocains s’est améliorée et que sans cette Initiative royale d’envergure, le tableau aurait été encore plus noir.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire que les inégalités dans le monde menacent d’une explosion sociale qui n’épargnerait presque aucun pays. L’exemple le plus proche reste celui des «gilets jaunes» en France qui, depuis plusieurs semaines, réclament plus d’équité.
Pour éviter de connaître des mouvements similaires, plusieurs pistes de réflexion sont proposées par les observateurs et acteurs sociaux et économiques.
Au Maroc, le gouvernement est aujourd’hui appelé à donner la priorité à un certain nombre de leviers capitaux. Il s’agit d’abord de l’accélération du processus de transformation structurelle de l’économie nationale. L’Exécutif actuel doit également multiplier les mesures en faveur de la réduction des inégalités, surtout dans les domaines de l’enseignement et de l’emploi. En outre, la question de l’intégration des jeunes, en tant qu’acteurs des politiques publiques, est plus que jamais d’actualité. D’ailleurs, toutes ces recommandations ont été au cœur des derniers Discours royaux, où SM le Roi Mohammed VI a appelé le gouvernement, ses partenaires sociaux et l’ensemble des forces vives de la nation à conjuguer leurs efforts, dans l’optique de proposer un modèle de développement capable de répondre aux nouveaux besoins des citoyens et aux défis auxquels le pays fait face, dans un monde en perpétuel changement.
Mohcine Lourhzal