La Conférence internationale au sujet de la crise libyenne, qui s’est tenue à Berlin le 19 janvier 2020, a connu la participation de dirigeants et chefs de délégations occidentales et arabes. Peut-on parler de réussite, en l’absence de tout accord entre les parties libyennes ?
Le 14 janvier 2020, l’Allemagne a annoncé l’organisation sur son sol, d’une Conférence internationale portant sur la Libye et la crise qui secoue le pays depuis neuf ans. Le 17 janvier, soit quatre jours après cette annonce, se sont ouverts dans la capitale allemande les travaux de ladite Conférence. Plusieurs dirigeants et chefs de délégations y ont pris part, notamment les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la Chine, la France, la Turquie et les délégations représentant l’Union Européenne (UE) et l’Organisation des Nations Unies (ONU). Côté arabe, l’Egypte, les Emirats arabes unis, entre autres, étaient présents à cet événement présidé par la Chancelière allemande Angela Merkel. Si la Tunisie a été invitée tardivement à la Conférence, après avoir officiellement protesté auprès de l’Ambassadeur allemand à Tunis (invitation qu’elle a finalement déclinée), le Maroc lui, n’a pas été invité par les responsables allemands. En réaction à cette aberration, Rabat est légitimement monté au créneau, la 1ère Conférence sur la question libyenne ayant été organisée au Maroc, à Skhirate, sous l’égide de l’ONU.
Ainsi, par le biais d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, le Royaume a dénoncé sa mise à l’écart, remettant en question les critères de sélection des participants à la Conférence internationale sur la crise libyenne.
Voilà pourquoi le Maroc a demandé des explications
Dans le communiqué en date du 18 janvier 2020, la diplomatie marocaine a donc rappelé que Rabat a été à l’avant-garde des efforts internationaux en vue de la résolution de la crise en Libye. Le document a souligné que ces efforts ont été couronnés par les accords de Skhirat en 2015, lesquels demeurent l’unique cadre juridique qui jouit, à ce jour, de l’appui du Conseil de sécurité et accepté par l’ensemble des protagonistes libyens. S’agissant des critères ayant présidé aux choix des participants à la Conférence de Berlin sur la Libye, le communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger a indiqué que «le pays hôte de cette conférence (Allemagne, ndlr) qui est loin de la région et des complexités de la crise libyenne, ne saurait la transformer en instrument de promotion de ses intérêts nationaux». Pour conclure, le ministère a assuré l’engagement du Maroc dans la poursuite, aux côtés «des frères libyens» et «des pays sincèrement intéressés et concernés» par ce dossier, afin de trouver une issue à la crise politique et sécuritaire qui prévaut en Libye. Il a également été rappelé que les pourparlers de Skhirat que le Maroc a accueilli de façon volontaire, partant de la politique de bon-voisinage prônée par le Royaume, étaient parrainés par l’ONU. Aussi et au cours des quatre dernières années, le Maroc a réitéré sa position de principe refusant catégoriquement, une quelconque intervention militaire ou ingérence étrangère en Libye.
Berlin a-t-elle prémédité son coup?
De l’avis des spécialistes des questions stratégiques, l’exclusion du Maroc de la Conférence de Berlin sur la Libye trouve son explication dans cette volonté non déclarée, de la part de grandes puissances mondiales, de se partager le «gâteau» pétrolier en Libye. Les mêmes spécialistes soulignent qu’au vu de la hausse des cours du baril dans le marché mondial, suite à la récente crise américano-iranienne ; et les hydrocarbures libyens étant de qualité et situés à des points stratégiques (zones de forage), de nombreux pays étrangers comme la Turquie et la Russie, veulent marquer leurs territoires en Libye. Il faut savoir qu’en 2018, les recettes du secteur pétrolier libyen ont affiché 4 milliards de dollars, selon l’agence d’information économique africaine (Ecofin). Par rapport à 2017, la Libye a enregistré une hausse de 78 % de ses bénéfices financiers issus de l’or noir. Géo-stratégiquement situés, les puits de pétrole en Libye suscitent l’intérêt et l’appétit des traders, comme celui des producteurs et d’autres intervenants qui souhaitent tirer profit au maximum de la manne pétrolière en Libye.
Finalement, la Conférence de Berlin au sujet de la Libye a accouché d’une souris. L’Allemagne espérait qu’en présence dans la capitale allemande de Fayez Sarraj et du Général Khalifa Haftar qui assiège Tripoli depuis plusieurs mois, un accord de cessez-le-feu pouvait être signé entre les deux hommes, surtout après l’occasion ratée de Moscou le 13 janvier 2020. Le communiqué final de la Conférence internationale s’est contenté d’appeler à un cessez-le-feu en Lybie. Le texte, non contraignant, devrait être soumis prochainement au Conseil de sécurité.
Mohcine Lourhzal
Abdelhadi Lahouij s’aligne sur la position marocaine Le ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement libyen, Abdelhadi Lahouij, a refusé la mise à l’écart du Maroc de la conférence de Berlin sur la Libye. Lahouij a indiqué que l’absence du Royaume de cette conférence est un non-sens, pour la simple raison qu’«il ne peut y avoir de solution à la crise libyenne sans participation de Rabat et sans application des accords de Skhirat».