Le ministre de la Santé, Houcine Louardi, est l’un des ministres les plus médiatisés de ce gouvernement. Depuis sa nomination, de nombreux faits l’ont porté sur le devant de la scène. Certains plus heureux que d’autres…
Ainsi, il a souvent suscité l’admiration, pour ses prises de position franches et courageuses. Les lobbies auxquels il s’attaque (industrie du médicament, médecins privés, cliniques…) ne comptent pas que des éléments «civilisés». Il est arrivé que certains d’entre eux n’hésitent pas à user de menaces contre lui et sa famille (menaces proférées devant la porte de son domicile-même).
Ou encore de violence physique contre sa personne (jusque dans l’enceinte du Parlement). Faits inédits qui lui ont valu la solidarité et la sympathie de l’opinion publique (milieux politiques et médias compris).
Il est même l’un des rares ministres à précéder les médias dans la dénonciation des travers et anomalies de son secteur. C’est lui par exemple qui, le premier, a dénoncé les malversations et dysfonctionnements dans l’attribution de la carte RAMED (Régime d’Assistance Médicale)…
Pour tout cela et pour le fait qu’il soit un professionnel (urgentiste de surcroît) qui sait de quoi il parle quand il parle de médecine, il est respecté, même lorsque ses choix ne sont pas partagés. Dans l’affaire qui divise l’opinion, ces derniers jours -celle de sa proposition d’ouverture du capital des cliniques privées à des investisseurs non-médecins- il y a, certes, ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, mais en aucun cas il n’y perd en crédibilité, ni en sérieux.
Aussi, nombreux sont ceux qui sont tombés des nues en prenant connaissance de la dernière «sortie» du ministre Houcine Louardi !
Quelle mouche l’a donc piqué pour adresser pas moins de trois courriers de protestation –l’un au ministre de la Communication, Mustapha Khalfi ; l’autre au Directeur Général de la deuxième chaîne de télévision (2M), Salim Cheikh ; et le troisième à la directrice du Conseil supérieur de la communication audiovisuelle (HACA), Amina Lemrini Elwahabi- contre une simple émission récréative (Rachid Show du vendredi 16 mai) où le producteur et animateur de l’émission, Rachid El Allali et son invité, l’acteur Driss Roukh, en sont venus à rire des infirmières et des infirmiers ?
Non seulement, avec ces trois lettres, Louardi a sorti des armes totalement disproportionnées par rapport aux faits. On n’écrit pas au ministre, à la haute autorité de l’audiovisuel et au DG de la chaîne de télé qui a diffusé une émission, juste parce que cette émission, conçue pour faire rire, a fait rire aux dépens d’une profession qui relève de sa tutelle.
Mais en plus, Louardi n’y est pas allé de main morte. Dans son courrier, il parle de «comportement stupide», «irresponsable», «portant préjudice à la noble diffusion de l’art et de l’information», «une insulte à l’humour»… Et, rappelant que 2M est une chaîne publique, il exige des excuses officielles et demande aux trois destinataires de son courrier de prendre «les mesures appropriées» contre ceux qui font l’objet de sa plainte «afin d’éviter que se reproduisent de tels dérapages»… Waw ! Quel coup de sang ! Mais Monsieur Louardi ne voit donc aucune émission humoristique dans les pays démocratiques ? Ne sait-il pas que l’on rit de toutes les professions, sans que personne ne trouve à y redire ? Pas même les intéressés ! Bien au contraire… Pas plus tard que dimanche dernier (18 mai), sur France 2 (télévision d’Etat), les chevaliers du Fiel (deux humoristes français qui ne sont plus à présenter) se moquaient, dans un sketch, des employés municipaux. Interrogés sur la réaction des employés municipaux quand ce sketch est joué devant eux, ils ont répondu qu’ils en riaient et qu’ils leur ont même dit que la réalité était pire…
C’est cela que les Marocains veulent chez eux, n’en déplaise à Houcine Louardi. Permettez, Mr le ministre, que les Marocains puissent rire d’eux-mêmes sans que les foudres du ciel ne leur tombent dessus. On reprochait aux islamistes du PJD de manquer d’humour et de vouloir étouffer les Marocains… Et voilà qu’un ministre d’un parti dit éclairé –le PPS- nous fait ce coup-là ? La vie est déjà bien dure comme ça. Les conditions difficiles des Marocains leur imposent mille et une restrictions. S’ils n’ont même pas le droit de rire, leur restera-t-il le droit de respirer ?
Bahia Amrani