Il n’est pas exagéré de dire que jamais élections communales et régionales, au Maroc, n’ont ressemblé à celles qui s’y sont déroulées ce vendredi 4 septembre.
D’abord, pour des raisons objectives. Ce sont les premières élections communales et régionales d’implémentation de la nouvelle Constitution (adoptée par référendum le 1er juillet 2011) et des lois et lois organiques y afférentes. Les premières qui mettent sur rails le grand projet de régionalisation avancée. Les premières qui interviennent après le nouveau découpage des régions (12 régions au lieu des 16 que comptait le Maroc). Les premières où les membres des Conseils régionaux sont élus directement par le peuple (scrutin direct)…
Cela fait plusieurs «premières», mais ce n’est pas tout.
Il y a aussi les raisons qui tiennent moins aux considérations légales et techniques qu’à celles tactiques et politiques.
Ainsi, c’est la première fois que pour des élections communales et régionales, les partis politiques et les candidats se mobilisent comme s’il s’agissait d’élections législatives. Tout est allé dans ce sens.
Tout au long de la campagne électorale, les chefs de partis –aussi bien côté majorité que côté opposition- sont personnellement montés au créneau, animant des meetings impressionnants, haranguant les foules et mettant en avant non plus seulement des enjeux à l’échelle des collectivités territoriales, mais aussi et surtout le grand enjeu de la politique générale.
Le chef du gouvernement –et chef de son parti, le PJD- Abdelilah Benkirane demandait aux électeurs un «vote confiance» appuyant la politique menée par sa majorité. Tandis que l’opposition –et notamment le PAM, par la voix de son Secrétaire général adjoint, Ilias El Omari- appelait, au contraire, à un «vote sanction». La barre a été placée haut. Il n’est donc pas étonnant que ces élections aient eu les résultats et l’impact qu’elles ont eus.
Au niveau des résultats, les deux partis perçus comme les principaux meneurs de cette bataille ont caracolé en tête. L’un, grand vainqueur des communales, en nombre de sièges: le PAM, Parti Authenticité et Modernité (libéral). L’autre, vainqueur de ces mêmes communales en nombre de voix (bien que n’étant que 3ème en nombre de sièges), ainsi que grand vainqueur des régionales (même si, après tractations et concessions au profit de ses alliés, il ne préside pas la majorité des Conseils régionaux). Il s’agit bien sûr du PJD, Parti Justice et Développement (islamiste).
Pour ce qui est de l’impact de ces consultations du 4 septembre, on en retiendra deux volets essentiels.
D’une part, cette compétition électorale -qui s’est révélée plus «hard» que prévu- a incontestablement poussé vers une esquisse de bipolarisation de l’échiquier politique, jusque-là fortement émietté (plus d’une trentaine de partis). Un pôle conduit par le PJD, un pôle conduit par le PAM… Bien que la qualification de l’un ou de l’autre ne soit pas évidente, des progressistes se rangeant derrière des Islamistes dans le 1er pôle ; et des socialistes s’alliant à des libéraux dans le second.
D’autre part, il est clair que ces «Communales» du 4 septembre 2015 ne seront pas sans conséquences sur les «Législatives» prévues fin 2016. Les partis politiques et leurs leaders ont déjà le regard tourné vers cette échéance…
Une chose est sûre, partis et candidats sont aujourd’hui face à leur réalité. Finis les tripatouillages post-scrutin, les miracles électoraux bidouillés et autre poudre de perlimpinpin ! Lors de cette consultation, ils ont pu s’assurer de l’authenticité de la carte politique sortie des urnes. La volonté de neutralité de l’administration leur a été prouvée. Ceux –y compris parmi les autorités- qui ont tenté quelque forme d’intervention illégale que ce soit se sont retrouvés derrière les barreaux (plus d’une quarantaine). En cela aussi ces élections ne sont pas comme les autres.
Cependant, toutes les conclusions ne peuvent pas encore être tirées de cette expérience. Si le scrutin du 4 septembre a livré ses messages, reste à savoir ce qu’en feront les élus au moment d’accorder –à leur tour- leur voix, tant pour la constitution des Conseils (communaux et autres, le 17 septembre) que pour le renouvellement des membres de la 2ème Chambre du Parlement (le 2 octobre, ils auront à élire 72 membres sur les 120 que compte la Chambre).
Les enseignements définitifs seront sans doute tirés par le Roi, le 2ème vendredi d’octobre, lorsqu’il s’adressera au Parlement, à l’occasion de l’ouverture de la session d’automne, conformément aux dispositions de la Constitution (article 65).
Bahia Amrani