Ce sont deux guerres qui se font face. Des guerres sur les deux rives de la mer rouge. Guerres civiles et internationales oubliées, ou volontairement marginalisées. L’Ethiopie et le Yémen pays mystérieux et parfois bibliques, se disputant le règne de la reine de Saba.
Deux pays sur la grande route économique et énergétique du canal de Suez. L’Ethiopie, dans la continuation géographique du Soudan coupée de la mer par l’indépendance de l’Erythrée et menacée par une rébellion ethnique du Tigré, le Yémen prolongement naturel de l’Arabie saoudite et menaçant sa sécurité.
Dans la même région, la Somalie avec une poussée des islamistes radicaux et Djibouti hier base militaire française et aujourd’hui point d’appui chinois dans la région faisant écho à celle de port Soudan.
Une zone sensible et qui devient chaque jour plus inquiétante au delà des catastrophes humanitaires.
Isolée de plus en plus sur la scène internationale, l’Ethiopie qui se bat contre l’insurrection armée des troupes venues de la région de Tigré peut compter sur le soutien de Pékin. Alors que les rebelles tigréens se trouvaient à environ 200 kilomètres de la capitale Addis-Abeba, il semble qu’ils se replient en direction du Nord et de la province du Tigré. Sur le terrain des hostilités, avec sa puissance de feu supérieure, l’armée fédérale éthiopienne fait régresser les insurgés du TPLF qui essaient de conquérir la capitale Addis-Abeba depuis quelques jours. Consécutivement à l’arrivée du Premier ministre Abiy Ahmed dans la zone de combats, plusieurs territoires sont tombés aux mains de l’armée éthiopienne. Parmi eux, le célèbre site de Lalibela. Un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco et dont le contrôle est un enjeu, surtout dans la guerre de communication. Perchée sur les hauts plateaux de la région Amhara, Lalibela et ses plus de 20 000 habitants ne constituent pas un objectif militaire à proprement parler.
Certes, l’aéroport de la ville a été un temps utilisé pour transporter les troupes du gouvernement éthiopien, mais la ville ne se trouve pas sur un axe ou une route stratégique. Ce qui est stratégique en revanche, ce sont ses onze églises rupestres. Classées au patrimoine mondial de l’Unesco, elles sont connues du grand public comme une destination incontournable des touristes en Ethiopie. Dans ce pays orthodoxe, ces églises sont un symbole très particulier pour les Éthiopiens: elles sont synonymes de tradition et de la grandeur passée de l’Éthiopie.
Les Nations unies (ONU) estiment que la guerre du Yémen, qui dure depuis sept ans, aura causé la mort de 377 000 personnes, victimes directes et indirectes du conflit, d’ici à la fin de l’année 2021. Les rebelles houthistes maintiennent la pression sur la ville de Marib, dernier bastion du gouvernement dans le nord du Yémen, qu’ils ont presque totalement encerclée au prix de nombreuses pertes et de victimes civiles. Malgré l’intensification ces dernières semaines des bombardements de la coalition menée par l’Arabie saoudite, ils restent déterminés à se saisir de cette cité stratégique qui leur offrirait une carte maîtresse dans le cadre de futures négociations de paix.
Près de 60 % des décès, soit environ 227 000 personnes, sont dus aux conséquences indirectes du conflit, telles que le manque d’eau potable, la faim et les maladies, selon un rapport, mardi 23 novembre, du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Cela signifie selon ces estimations que les combats auront fait 150 000 morts à la fin de cette année.
Le conflit oppose les rebelles houthistes, soutenus par l’Iran, aux forces du gouvernement yéménite, appuyées depuis 2015 par une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite. Sept années de guerre ont eu «des effets catastrophiques sur le développement de la nation», souligne le PNUD, selon qui «l’accès aux soins de santé est limité ou inexistant» et «l’économie est sur le point de s’effondrer». L’escalade des combats, y compris les batailles de chars et les bombardements réguliers par des avions et des drones, a détruit dans certaines zones même les infrastructures les plus élémentaires, poursuit le rapport. Des millions de personnes sont au bord de la famine, les deux tiers des Yéménites dépendant de l’aide humanitaire, selon l’ONU.
«Le Yémen est la pire et la plus grande catastrophe humanitaire au monde, et cette catastrophe continue de s’aggraver», a rappelé l’ONU, et «plus de 80 % de la population» d’environ 30 millions d’habitants «ont besoin d’une aide humanitaire». Des «millions de Yéménites continuent de souffrir du conflit, pris au piège de la pauvreté, avec peu de possibilités de trouver un travail et un moyen de subsistance», a déclaré Achim Steiner, administrateur du PNUD.
Patrice Zehr