Deux hommes, «Deux Amériques» face à face | Duel à long suspense !

Election présidentielle des Etats Unis

Si l’élection présidentielle des Etats Unis a toujours été un évènement capital attendu et suivi de par le monde -dont cette grande puissance peut, à elle seule, changer la face- cette année, elle l’était plus encore !

Et pour cause… La personnalité et le style du Président républicain sortant, Donald Trump, sont tels que cette élection s’est quasiment transformée en référendum pour ou contre Trump.

Le candidat challenger, le démocrate Joe Biden, va-t-il pouvoir tirer profit de la tournure (référendaire) que prend cette élection ? Tout au long de la campagne électorale, qui a été d’une violence verbale sans précédent, les sondages le donnaient gagnant.

Le bleu étant la couleur des Démocrates conduits par Joe Biden ; et le rouge celle des Républicains et leur chef, Donald Trump ; ceux que les sondages ont convaincus s’attendaient à une «vague bleue», le jour de l’élection (mardi 3 novembre).

Les sceptiques, eux, craignaient ce qu’ils ont appelé «le pire des scenarii»… Ce serait le scenario où les deux candidats seraient au coude à coude, avec des résultats si serrés que la victoire de l’un pourrait être contestée par l’autre. D’autant que Donald Trump avait déjà annoncé, lors de la campagne électorale, qu’il soupçonnait le vote par correspondance  (largement utilisé, compte tenu de Covid) de favoriser le bourrage des urnes, refusant de s’engager à reconnaître le résultat de l’élection en cas de défaite.

Or, mardi 3 novembre, c’est bel et bien sur ce scenario du pire que se sont achevées la journée du vote, la longue nuit qui l’a suivie et même les jours suivants…

Au matin du 4 novembre, ni vague bleue, ni vague rouge. Juste deux hommes déclarant chacun penser avoir la victoire dans son camp, alors que le dépouillement n’est pas encore terminé dans plusieurs Etats ; et leurs supporters respectifs, prêts à en découdre, les uns comme les autres, dans une Amérique plus divisée que jamais.

A qui le monde (nous compris) aura-t-il affaire à partir du 21 janvier 2021, date à laquelle le candidat gagnant prendra ses fonctions ?

Le suspense risque de durer longtemps, les recours de Donald Trump devant la justice ayant déjà commencé…

Voilà donc le jour «J» arrivé. Mardi 3 novembre 2020. Les Etats Unis doivent choisir leur Président pour les 4 années à venir.

Les électeurs ont le choix entre la reconduction du Président sortant, le  républicain Donald Trump, qui a le droit de briguer un second et dernier mandat, selon la loi américaine ; et qui entend bien le faire et arracher la victoire. Et son challenger le candidat démocrate, Joe Biden, qui se présente pour la 3ème fois à la présidentielle et espère cette fois-ci avoir la chance de son côté ; lui qui a passé quelque 30 années au Sénat et été vice-Président durant les 8 années des deux mandats de Barak Obama…

Mais le schéma «candidat républicain contre candidat démocrate» ne suffit pas à expliquer les passions qui se sont déchaînées autour de cette élection présidentielle américaine de 2020.

Après les 4 années de présidence hors norme de Donald Trump et la virulence de la campagne électorale, ce sont des Américains plus divisés que jamais, mais aussi plus mobilisés que jamais, qui s’apprêtaient à départager les deux candidats.

Le taux de participation a atteint des sommets inédits. Bien avant le 3 novembre, quelque 100 millions d’Américains avaient déjà voté par correspondance.

Et le jour «J», de longues files se sont constituées devant les bureaux de vote, les supporters des deux candidats étant aussi déterminés dans un camp que dans l’autre… Avec «un petit plus» chez les supporters républicains, galvanisés par Donald Trump, comme lui seul sait le faire, à coup de déclarations et tweets offensifs.

D’où la crainte d’une élection qui basculerait vers la violence physique et non plus seulement verbale…

Et alors commence le suspense…

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Les sondages avaient donné un favori: le Démocrate Joe Biden.

Bien des Américains étant «remontés» contre Donald Trump, pour une multitude de raisons (sa gestion de la crise sanitaire, son laxisme face au racisme contre les Américains noirs, ses choix diplomatiques qui ont parfois coupé l’Amérique de ses alliés traditionnels comme l’Europe, etc), ont cru à ces sondages et se sont mobilisés pour qu’ils se concrétisent.

Tandis que d’autres, inconditionnels de Donald Trump, estimant que leur condition s’est améliorée sous son mandat et, parfois, effrayés par la politique de gauche qu’appliqueraient les Démocrates (Donald Trump agitant le socialisme sous leur nez comme un épouvantail), se juraient de reconduire le Président sortant.

L’élection tournait donc au référendum pour ou contre Donald Trump, avec un taux de participation historique (approchant les 70%, mais non encore définitivement arrêté, au moment où ces lignes sont écrites).

En fin de journée, commence alors le suspense…

Le système américain, pour la présidentielle, est trèz compliqué. Pour simplifier, les USA comptent 52 Etats. Chaque Etat a un certain nombre de «grands électeurs» (nombre égal à celui de ses sénateurs et élus à la Chambre des représentants). Par exemple, le Texas a 38 grands électeurs, la Californie 55, la Floride 29, la Pennsylvanie 20, etc. En tout, il y a 538 grands électeurs.

Pour devenir Président, le candidat doit obtenir au moins la majorité absolue, soit 270 grands électeurs. Et pour gagner ces 270 Grands électeurs, il faut faire campagne dans chaque Etat. Car, quand un candidat est élu dans un Etat, même avec 1 voix de différence avec son concurrent, ce sont tous les grands électeurs de cet Etat qui lui sont comptabilisés. En étant élu en Californie, Joe Biden a gagné les 55 voix de cet Etat. De même que sa victoire à New York lui a rapporté les 29 grands électeurs de cet autre Etat.

Ainsi, dès la fermeture des bureaux de vote, les résultats commencent à tomber, mais seulement pour les Etats où les électeurs ont voté en personne. Les ordinateurs livrent ces résultats quasi-automatiquement. Par contre, les Etats où il y a eu des votes par correspondance doivent finir le dépouillement, ce qui prend du temps. D’autant que chaque Etat a son système et ses règles. Un Etat comme la Pennsylvanie, très convoité par les deux candidats, accepte de recevoir les votes par correspondance (bulletins de vote envoyés par courrier) jusqu’à 3 jours après le jour officiel du vote… D’où l’obligation d’attendre la fin des dépouillements de tous les Etats avant la proclamation du résultat final.

Et encore… Si les candidats ne contestent pas les résultats devant la Justice ! Il faut alors attendre que les juges tranchent.

Ce qui est le cas pour cette présidentielle, le Président Trump multipliant les accusations de fraude…  

Emotions et guerre de déclarations

Mais revenons à cette nuit du 3 au 4 novembre où les émotions n’ont pas manqué.

D’abord, toute la soirée, Joe Biden est en tête avec une dizaine d’Etats ayant voté pour lui. Cependant, contrairement à ce que laissaient prévoir les sondages, les scores sont serrés. Pas de vague bleue.

Puis, il mène seulement d’une courte tête. Mais il reste encore plus d’une demi-douzaine d’Etats-clés, nommés «Swing States» parce qu’ils peuvent basculer dans un camp comme dans l’autre, dont le comptage des voix n’est pas fini…

Les résultats, par Etat, continuent de tomber et, tout à coup, au milieu de la nuit, Joe Biden est à égalité avec Donald Trump (209 Grands électeurs pour chacun). C’est le scenario tant redouté. Les observateurs commencent à craindre le pire…

Notamment quand le chef des Démocrates fait une apparition pour redonner espoir à ses supporters et leur lance: «Nous sommes contents de notre position actuelle. Nous pensons gagner l’élection». Et qu’à peine Joe Biden avait-il prononcé ces mots que Donald Trump rétorque par un tweet: «On est devant et de loin. Mais ils essaient de voler l’élection. Jamais on ne les laissera faire».

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Déclaration contre laquelle, chose rare, Twitter émet un avertissement.

Facebook en fera autant, un peu plus tard, quand Donald Trump s’avance en annonçant «une grande victoire».

Intervenant dans cette guerre de communication, Facebook rappelle que le décompte des voix est toujours en cours et qu’il n’y a pas encore de candidat proclamé gagnant.

A mesure que l’inquiétude monte, dans un camp et dans l’autre, les déclarations et réponses aux déclarations se poursuivent, allant crescendo dans l’agressivité.

D. Trump enchaîne les piques, parlant de «l’apparition de bulletins surprise». Déclaration que J. Biden qualifie de «scandaleuse, sans précédent et fausse»…

Au fil des heures, les compteurs enregistrent… Un Etat pour Joe Biden, un autre pour Donald Trump… Parmi les Etats les plus importants, certains tombent dans l’escarcelle du candidat démocrate (Californie, Illinois, Washington, New York, Arizona…). D’autres dans celle du candidat républicain (La Floride, fief de l’électorat latino, le Texas, Ohio…).

Mais au petit matin, pas de gagnant proclamé officiellement.

Un Etat a carrément arrêté le décompte, pour ne le reprendre que le lendemain.

Election présidentielle des Etats Unis vote

Les Démocrates sont rentrés chez eux, déçus de n’avoir pas pu conquérir l’électorat pro-républicain dans certains Etats-clés, comme le Texas ou la Floride.

Les Républicains, eux, buvant les paroles de victoire, d’accusations de fraude et de guerres judiciaires de leur chef, s’en sont allés chez eux, persuadés qu’ils avaient déjà gagné… «Nous avons une si bonne nuit!», leur a lancé leur chef. 

La journée suivante, reprise des déclarations tonitruantes du Président Trump qui déclare vouloir saisir la Cour Suprême… Mais son concurrent approche de la victoire plus vite que lui. L’État-clé de Pennsylvanie tombe, avec ses 20 grands électeurs, chez Joe Biden.

Il a 264 grands électeurs. Donald Trump n’en a que 214.

Amérique fracturée, Présidence difficile

Les commentateurs, sur place et ailleurs dans le monde, se posent déjà la question: «Fin de l’ère Trump ?».

Quoiqu’il en soit, il y a unanimité sur un fait: Aujourd’hui, le constat est celui d’une Amérique fracturée, qui connaît plus d’une division. D’abord, les deux Amériques. Celle du camp Trump et celle des anti-Trump, qui n’est pas toujours pro-Biden, mais qui a voté pour le Démocrate, juste pour en finir avec la présidence de Donald Trump. Un humoriste américain a illustré cela avec cette question posée par un des personnages de sa caricature à l’autre: «tu votes pour Biden ou contre Trump ?». Mais il y a aussi l’Amérique des «Black Lives Matter» («Les vies noires comptent»), que défendent ceux qui luttent contre le racisme anti Afro-Américains : et l’Amérique du «Law and Order» («La loi et l’ordre») que leur opposent Trump et ses partisans.

Il y a aussi l’Amérique des villes resplendissantes et l’Amérique des campagnes et des petits ouvriers qui se sent délaissée. Au moment de voter, en Pennsylvanie, la question a été soulevée…

Durant ses 4 années de présidence, Donald Trump a été accusé d’exacerber les divisions, de mener une politique volontairement clivante.

Tous ceux qui ont voté contre lui attendent de son successeur –si successeur il y a- qu’il recolle les morceaux de cette Amérique fracturée.

Mais, si le Président Trump ne rempile pas, Joe Biden aura fort à faire pour accomplir cette mission, qui sera encore plus difficile avec un Sénat et une Cour Suprême à majorité républicaine.

Pour savoir ce qu’il en sera du 46ème Président des Etats Unis, il faut encore attendre que ce long suspense qu’impose le système électoral américain prenne fin.

Cela peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines…

En attendant le Président Trump reste Président jusqu’au 20 janvier 2021, selon la loi américaine.

Bahia Amrani

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