«Algérie-Maroc» au Maghreb, comme «Allemagne-France» en Europe ?
Dans son Discours adressé à la Nation, à l’occasion de la Fête du Trône, samedi 31 juillet, SM Mohammed VI a une nouvelle
fois et de la façon la plus solennelle, tendu la main aux dirigeants algériens, afin que les deux pays voisins entament une nouvelle ère de paix, de confiance et de coopération, servant leurs aspirations respectives, celles de leurs deux Peuples et, plus généralement, celles du Maghreb et de l’ensemble de la Région, dont «l’environnement africain et euro-méditerranéen».
«Nous renouvelons notre invitation sincère à nos frères en Algérie, pour œuvrer de concert et sans conditions à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage», a d’emblée lancé SM Mohammed VI, précisant: «l’état actuel de ces relations ne nous satisfait guère car il ne sert en rien les intérêts respectifs de nos deux peuples».
Dans cette optique, la fermeture des frontières entre les deux pays est une aberration. Ce point de vue du Roi du Maroc, qui n’est pas nouveau «Je n’ai eu de cesse, depuis 2008, de clamer haut et fort cette idée et de la réaffirmer à maintes reprises et en diverses occasions», a rappelé le Souverain, est longuement expliqué. «Entre deux pays voisins et deux peuples frères, l’état normal des choses-c’est notre conviction intime- est que les frontières soient et demeurent ouvertes (…).
A cet égard, force est de constater que ni Son Excellence, l’actuel Président algérien, ni l’ex-Président, ni Moi-même, ne sommes à l’origine de cette décision de fermeture. Néanmoins, devant Dieu, l’Histoire et nos concitoyens, nous sommes responsables politiquement et moralement de la persistance du statu quo. Or, aucune logique ne saurait expliquer la situation présente, d’autant que les raisons ayant conduit à la fermeture des frontières sont totalement dépassées et n’ont plus raison d’être aujourd’hui».
Le Roi n’ignore pas les détracteurs qui multiplient les arguments contre la réouverture des frontières. «D’aucuns soutiennent l’idée erronée que l’ouverture des frontières apporterait seulement un cortège de malheurs et de problèmes, à l’Algérie et au Maroc. A l’ère de la communication et des nouvelles technologies, personne ne peut donner cré-dit à pareils discours», a-t-il réfuté, déplorant «l’influence néfaste des contrevérités relayées par certains médias, telle, celle selon laquelle la pauvreté serait le lot des Marocains dont les moyens de subsistance se résumeraient à la contrebande et au narcotrafic». Et de conclure à l’attention des détracteurs que «Chacun peut vérifier l’inexactitude de ces allégations: la communauté algérienne qui réside dans notre pays, les Algériens d’Europe et les Algériens d’Algérie qui se rendent au Maroc, savent ce qu’il en est et ne se laissent pas abuser par ces contrevérités».
Dans cette nouvelle et importante main tendue du Maroc, SM Mohammed VI a tenu à poser, côté Maroc, tous les jalons de la confiance. «Je rassure nos frères en Algérie: vous n’aurez jamais à craindre de la malveillance de la part du Maroc qui n’est nullement un danger ou une menace pour vous». Et de rassurer, clairement et résolument, «En fait, ce qui vous affecte nous touche et ce qui vous atteint nous accable.Aussi, Nous considérons que la sécurité et la stabilité de l’Algérie et la quiétude de son peuple sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc. Corollairement, ce qui touche le Maroc affecte tout autant l’Algérie ; car les deux pays font indissolublement corps».
Puis, de corriger encore ce qu’avancent les détracteurs: «La vérité est que le Maroc et l’Algérie sont tous deux confrontés aux problèmes de l’immigration, de la contrebande, du narcotrafic et de la traite des êtres humains.Les bandes qui s’adonnent à ces activités criminelles sont notre véritable ennemi commun», insistant: «Si, ensemble, nous nous attelons à les combattre, nous parviendrons à mettre fin à leurs agissements en extirpant leur mal à la racine».
Déplorant «les tensions médiatiques et diplomatiques qui agitent les relations entre le Maroc et l’Algérie», «nuisent à l’image des deux pays et laissent une impression négative, notamment dans les enceintes internationales», le Souverain a appelé à «faire prévaloir la sagesse et les intérêts supérieurs» des deux Etats voisins, estimant que «Nous pourrons ainsi dépasser cette situation déplorable qui gâche les potentialités de nos deux pays, au grand dam de nos deux peuples et des liens d’affection et de fraternité qui les unissent».
«Plus que deux nations voisines, le Maroc et l’Algérie sont deux pays jumeaux qui se complètent», a souligné le Roi qui a conclu son Discours par cet appel direct: «Par conséquent, à sa plus proche convenance, J’invite Son Excellence le Président algérien à œuvrer à l’unisson au développement des rapports fraternelstissés par Nos deux peuples durant des années de lutte commune».
Cet appel Royal à faire table rase d’un demi-siècle d’une guerre qui ne dit pas son nom, entre le Maroc et l’Algérie, est un geste assez fort pour, à lui seul, exprimer tout ce qu’il représente et tout ce qui en est attendu. Nul ne se fait d’illusion. On n’enterre pas facilement 50 ans de discorde. Mais, du côté du Maroc, le geste est fait. Sagesse clairvoyante et humble du Roi.
Si ce geste rencontre autant de sagesse à Alger, alors, l’exemple de «l’Allemagne-France» en Europe, deux pays qui ont connu pire que la discorde maroco-algérienne (Guerre mondiale, nazisme, déportations…) et qui ont fini par fonder l’Union Européenne, pourrait être réédité au Maghreb par «l’Algérie-Maroc», au grand bénéfice des Peuples maghrébins.
LR