Le Discours royal ouvrant l’année législative a toujours comporté des orientations et des instructions royales destinées aux élus afin de bien mener leur mission et prendre part à l’édification de l’Etat marocain moderne. Le Discours prononcé cette année, à l’occasion de l’ouverture de la première session de la 4ème année législative de la 9ème législature, fera quant à lui date et ce, sur plusieurs plans.
Il faut d’abord souligner le ton critique adopté par le Souverain, qui a fait de ce Discours un réel appel à l’adresse des acteurs politiques pour qu’ils assument, sans attendre, leurs responsabilités dans les multiples chantiers en perspective. En plus, le Discours, qui a surtout prôné la voie de la crédibilité et de la transparence absolue des institutions élues et des partis, a été marqué par son accessibilité, sa franchise et son langage à forte charge patriotique…
Sa Majesté, qui a fait le point sur la situation actuelle du Maroc, a précisé: «Nous savons qui nous sommes et où nous allons. De même, nous connaissons nos potentialités et avons conscience des difficultés et des défis à affronter.
«Le Maroc a atteint aujourd’hui, grâce à Dieu, un niveau remarquable dans la marche vers le progrès. Désormais, la vision est claire, les institutions sont fortes de leurs compétences respectives dans le cadre de l’Etat de droit». Le Souverain a ainsi défini le contexte particulier dans lequel s’inscrit cette année législative. Il a noté dans ce sens: «Cette année intervient à deux années de la fin de la législature actuelle, délai fixé par la Constitution pour l’adoption de toutes les lois organiques. C’est aussi l’année de parachèvement de la construction politique et institutionnelle qui consolide les acquis économiques et sociaux que le Maroc a réalisés dans différents domaines».
Pour ce faire, Sa Majesté a appelé la classe politique à se pencher avec sérieux sur les priorités nationales, tout en faisant prévaloir l’esprit de consensus positif, notamment lors de l’adoption des lois organiques relatives aux institutions constitutionnelles et aux grandes réformes. En effet, le Souverain a souligné: «Quant à la pratique de la chose politique, elle induit aussi la nécessité de s’astreindre aux lois et aux règles de déontologie, contrairement aux agissements et aux comportements de certains élus, qui sont préjudiciables à eux-mêmes, à leurs partis respectifs et à leur patrie, ainsi qu’à l’action politique, dans le sens noble du terme».
Une question d’identité et d’appartenance
Insistant sur la nécessité de capitaliser sur les acquis, Sa Majesté a souligné que les réalisations et les acquis de cette marche de développement et d’édification d’un Etat de droit sont aujourd’hui un motif de fierté «pour nous tous». «Les Marocains, a insisté le Souverain, où qu’ils soient, individuellement et collectivement, sont tous en droit d’être fiers de leur appartenance à cette patrie qui est la nôtre».
C’est ce sentiment d’appartenance et cette question d’identité que SM le Roi a exhorté les représentants du peuple à exprimer avec fierté et patriotisme, les incitant même à «l’illustrer concrètement chaque jour et à chaque instant, dans votre travail, dans vos relations, dans vos discours, dans vos foyers et dans l’exercice de vos responsabilités». Car il s’agit, explique encore Sa Majesté, d’un sentiment et d’un état qu’offrent la stabilité et l’exception qu’est le Maroc dans un contexte mondial aujourd’hui étriqué. C’est aussi une chose qui n’admet ni la spéculation, ni les surenchérissements politiciens. «A celui qui ne saisit pas le sens de l’amour de la Patrie et ne rend pas grâce à Dieu pour ce que ce pays lui a donné, Je dis: suivez ce qui se passe dans nombre de pays de la région. Il y a tant d’enseignements à en tirer, si l’on veut bien s’y arrêter. Quant à lui, le Maroc poursuit imperturbablement et avec confiance sa marche pour rejoindre le peloton des pays émergents.
«Cette fierté d’appartenance au Maroc, c’est un sentiment patriotique sincère que chaque Marocain devrait éprouver.
«C’est un sentiment qui ne se vend pas, ne s’achète pas et ne tombe pas du ciel non plus. C’est plutôt une sensation noble qui jaillit du fond du cœur et se nourrit d’une bonne initiation aux valeurs de patriotisme et aux vertus de l’éthique et de la morale. C’est une sensation qui grandit avec le citoyen, approfondit sa foi et renforce son attachement à la patrie».
De la mission des parlementaires
Et le Souverain de redéfinir, conformément aux donnes soulevées, la vraie mission qu’il incombe aujourd’hui à tout élu d’accomplir. Partant du fait que le renforcement et la préservation de la forte sensation d’appartenance «exigent beaucoup d’efforts et des actions soutenues», étant donné qu’il est question surtout «d’assurer les conditions d’une vie digne à tous les citoyens et leur permettre le plein exercice des droits inhérents à la citoyenneté, à charge pour eux d’assumer également les devoirs qui s’y attachent», comme le souligne de Discours, Sa Majesté s’est directement adressé aux politiciens. Il a précisé: «Ils sont responsables d’abord et avant tout de la préservation, voire du renforcement de cette fierté. Il vous appartient, pour ce faire, de consolider la confiance du citoyen dans les institutions administratives et les institutions élues et ce, en étayant leur crédibilité et leur efficacité, de sorte que le citoyen sente qu’elles sont effectivement à son service». Dans ce sens, le Roi a relevé les agissements préjudiciables de certains élus en notant: «Le discours politique commande la sincérité à l’égard du citoyen, l’objectivité dans l’analyse, ainsi que le respect entre tous les acteurs concernés, de sorte qu’ils soient tous au service de la Patrie et non des protagonistes politiques, divisés par leurs intérêts étriqués». Il a par ailleurs souligné que la pratique de la chose politique induit «la nécessité de s’astreindre aux lois et aux règles de déontologie, contrairement aux agissements et aux comportements de certains élus qui sont préjudiciables à eux-mêmes, à leurs partis respectifs et à leur patrie, ainsi qu’à l’action politique, dans le sens noble du terme». D’où, a encore relevé Sa Majesté, la nécessité pour la classe politique marocaine de se doter d’«une véritable charte éthique de l’action politique», sans se limiter à certains articles prévus dans les règlements intérieurs des deux Chambres du Parlement.
Le Souverain a aussi appelé la classe politique à se pencher avec sérieux sur les priorités nationales, tout en faisant prévaloir l’esprit de consensus positif, notamment lors de l’adoption des lois organiques relatives aux institutions constitutionnelles et aux grandes réformes. Sa Majesté le Roi a également appelé les parlementaires à la mobilisation et à la vigilance dans la défense de l’intégrité territoriale du Maroc. Il a en outre lancé un appel à tous les acteurs politiques pour une bonne préparation des prochaines échéances électorales et pour le respect de la volonté des électeurs. Le Roi a précisé que les politiciens se doivent de faire davantage pour répondre aux attentes du citoyen, aux priorités et aux grandes causes de la patrie. Car, ne pas être constamment à l’écoute des gens, de leurs aspirations et de leurs besoins est une attitude lourde de conséquences pour la vie publique, pour les protagonistes de la vie politique et pour le devenir de la Nation. D’où d’ailleurs l’urgent appel royal à «une proximité interactive» avec les citoyens et la nécessité d’en faire un devoir éthique pour ceux qui ont la lourde charge de la députation.
Sa Majesté a ainsi dressé une véritable feuille de route à l’attention des parlementaires sur les grandes réformes à mettre en œuvre, à commencer par la mise en place du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, l’approbation du Statut des magistrats et l’installation de la Cour constitutionnelle. Là-encore, les membres des deux Chambres du Parlement sont en devoir de faire montre d’esprit de responsabilité et de patriotisme lors du parachèvement des chantiers de démocratie participative et de bonne gouvernance.
C’est ainsi que le Discours royal, qui intervient à moins d’une année des élections locales, est venu interpeller la classe politique sur l’urgence de s’y préparer comme il se doit, sans perdre de vue le grand défi de la régionalisation avancée, avec ce qui en découle en termes d’action de proximité et de sincérité envers le citoyen. Cependant, les chantiers à venir ne sauraient aboutir sans capital humain qualifié et attaché à sa patrie et à son identité marocaine ouverte et assumée. La Nation a en effet besoin de capitaliser sur toutes les expériences en matière d’éducation et de formation dans la continuité et ne pas perdre son énergie et ses ressources à tout recommencer sans résultats tangibles inscrits dans la durée.
Quant à la réforme du Système d’éducation…
Dans la conception royale, il est légitime de vouloir se construire des modèles sur la base des expériences menées en veillant à en tirer le meilleur parti, comme c’est le cas pour la réforme du Système d’éducation et de formation. C’est ce qui incite le Souverain à faire appel à une solution appropriée à la problématique des langues d’enseignement, en allant au-delà des divergences idéologiques qui entravent la réforme et l’adoption de programmes dans l’air du temps et au diapason du marché de l’emploi. Le Souverain a aussi appelé le Conseil supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche scientifique à reconsidérer la vision et le contenu de la réforme du secteur de l’enseignement et de l’éducation. «Nous appelons le Conseil supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche scientifique à reconsidérer la vision et le contenu de la réforme, ainsi que les approches suivies en la matière», a affirmé Sa Majesté pour souligner ensuite qu’il est impératif de se pencher sur les questions substantielles définies dans le Discours royal du 20 août de l’année dernière.
Le Souverain a aussi rappelé avoir attaché la plus haute importance à la formation et à la qualification d’un citoyen fier de son identité et ouvert aux valeurs universelles, notamment à travers la poursuite de la réforme du système d’éducation et de formation.
SM le Roi a émis l’espoir de voir le travail mené par le Conseil pour l’évaluation de la Charte de l’Education et de la Formation, le vaste dialogue national et les rencontres régionales, couronnés par la formulation de recommandations à même de réformer l’école marocaine et d’en accroître le rendement.
Dans la perspective de l’élaboration par le Conseil d’une feuille de route claire, SM le Roi a appelé les départements concernés à poursuivre leurs programmes de réforme, «sans interruption ou temporisation». «Aussi, Nous avons constamment attaché la plus haute importance à la formation et à la qualification d’un citoyen fier de son identité et ouvert aux valeurs universelles, notamment à travers la poursuite de la réforme du Système d’éducation et de formation», a par ailleurs précisé le Souverain.
La Femme à l’honneur
Saisissant l’occasion de la célébration de la Journée nationale de la Femme, fêtée le 10 octobre -date à laquelle SM le Roi avait annoncé en 2003 le Code de la Famille-, le Souverain a exprimé Son estime à la femme marocaine, «où qu’elle se trouve, et indépendamment des différentes positions qu’elle occupe et de toutes les catégories dont elle est issue, à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc et ce, en reconnaissance de son concours efficient au développement du pays».
… Et l’exemple à donner
Pour conclure, Sa Majesté a rappelé aux élus qu’ils ne peuvent être à la hauteur de leur mission, compte-tenu du contexte actuel, s’ils ne donnent un bon exemple. Ainsi et de manière très directe, le Souverain a souligné: «Vous abordez une année législative décisive, qu’il s’agisse du parachèvement de la mise en place des institutions, de la mise en œuvre de la régionalisation avancée ou de la réforme du Système d’éducation et de formation. Soyez donc, que Dieu vous garde, à la hauteur de ces échéances et donnez le bon exemple, par l’acte et par la parole, au citoyen fier de son appartenance à sa Patrie». L’engagement est d’autant plus profond que l’on en tienne compte aussi bien ici que dans l’au-delà. Et Sa Majesté d’achever son discours par un verset coranique qui traduit le poids de la responsabilité: «Tenez vos engagements, car les hommes seront interrogés sur leurs engagements».
En conclusion, il y a lieu de préciser que ce discours a tout d’un document historique dans lequel le Souverain a mis l’accent sur la disposition du Maroc à aller de l’avant sur la voie de la réforme graduelle à même de permettre de combiner entre les exigences du changement, tout en préservant la stabilité du pays. La réussite de la réforme escomptée est tributaire de trois fondamentaux relatifs à la nécessité de promouvoir l’action politique en termes de discours et de pratique, l’importance de consolider la confiance du citoyen dans les institutions et l’impératif d’accorder l’attention nécessaire à l’élément humain. Il s’agit d’un document de référence, porteur d’une vision réformiste et prospective profonde de l’Etat et de la société. C’est un appel clair destiné à la fois au gouvernement et au Parlement en vue d’aller de l’avant dans le processus de parachèvement de l’agenda des réformes. D’où, l’impératif de hisser le niveau du discours politique et de renoncer aux tentations du nihilisme et du scepticisme dans les élections, lesquels sont de nature à porter préjudice à l’ensemble du processus des réformes.
Il s’agit d’un rappel de la nécessité de faire preuve de civisme, dans le cadre de l’exercice des droits et des obligations. La société civile est aussi appelée à jouer pleinement son rôle dans la participation à la gestion de la chose publique, à passer du domaine sociologique au domaine socio-public et à participer à la gestion des politiques publiques à la lumière des nouvelles attributions que lui confère la Constitution.
Hamid Dades