Dossier du Sahara | Les deux troublants bonds en arrière de Staffan de Mistura

Alors que tous ceux qui suivent de près le dossier du Sahara attendaient le Rapport que le Secrétaire Général de l’ONU présente chaque année au mois d’octobre au Conseil de Sécurité, sur la base duquel s’appuie le Conseil pour émettre sa Résolution annuelle ; et qu’une fois le Rapport diffusé le 1er octobre 2024, tous se sont employés à le décortiquer ; voilà que l’Envoyé personnel du Secrétaire Général, Staffan de Mistura, présente devant le Conseil de Sécurité (à huis clos), mercredi 16 octobre (2024), un exposé qui détourne brusquement tous les regards du Rapport, pour les porter sur le contenu -pour le moins troublant- de l’exposé de Staffan de Mistura.

Focus sur la consternante intervention de l’Envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU Staffan de Mistura, qui après 3 années de mandat sans résultat, déterre la proposition d’un de ses prédécesseurs (James Baker) rejetée il y a 20 ans ; et revient –dans une étonnante démarche- à la Case départ du Plan marocain d’Autonomie…

Par Bahia Amrani

Globalement, le Rapport 2024 du Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres, est resté fidèle à la démarche habituelle des Rapports d’octobreportant sur le dossier du Sahara (compte rendu annuel de lasituation sur le terrain, avancée -ou pas- du processus politique, bilan des activités de la Minurso).

Pas de surprise non plus concernant la prorogation du mandat de la Minurso pour une nouvelle année, que le Secrétaire Général a recommandée en clôture du rapport.

Ce Rapport 2024 a cependant fait état d’une grave montée en gamme des attaques militaires du Polisario, qui s’aventure àprocéder à des tirs de roquettes « dans la région nord, près de Mahbes » et « dans la région sud-est, près de Mijek » à quelques encablures des bases d’opérations de la Minurso ; ainsi que sur des zones civiles de la ville de Smara… Ce à quoi, l’Armée marocaine a répondu que « face aux actions armées menées par le Front Polisario et aux menaces qu’il représente », elle était « contrainte de prendre certaines mesures préventives et provisoires jugées nécessaires […] pour protéger ses unités ».

Ce que le Rapport ne dit pas, mais qu’il prouve par ces comptes rendus, c’est que cette escalade militaire, avec force utilisation de roquettes, drones et blindés, ne peut en aucun cas être le fait du seul Polisario !

Outre les armes, des soldats et officiers algériens au Sahara…

Le Polisario n’a aucune ressource, ni moyens, autres que ceux que lui fournit l’Algérie (ni activités commerciales –sauf à revendre les aides humanitaires détournées- ni activités agricoles, ni une quelconque source de financement qui lui serait propre).

Qui, à l’ONU, ou parmi la communauté internationale, pose la question de savoir d’où viennent au Polisario ces gros moyens de guerre dont il dispose dans son escalade militaire contre le Maroc ?

La réponse est pourtant claire, si tant est qu’on veuille ouvrir les yeux sur cette réalité.

La guerre du Sahara -et au Sahara- est financée, téléguidée et même pourvue en militaires -soldats et officiers- algériens (le Maroc en a les preuves) par cette Algérie qui ne cesse de répéter qu’elle «ne se considère pas comme une partie au conflit » (ce sont les propres mots du ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Attaf, rapportés par Staffan de Mistura dans son intervention de ce 16 octobre 2024 au CS).

C’est ce qui fait dire au SG, Antonio Guterres, dans la partie «observations et recommandations» de son Rapport: «Je reste vivement préoccupé par l’évolution de la situation au Sahara occidental. La détérioration continue de la situation, combinée à des incidents sans précédent, est alarmante et insoutenable ; aussi, il est urgent de renverser la situation pour éviter toute nouvelle escalade» (voir Document en pages 14-15).

La même inquiétude est exprimée par son Envoyé personnel, cette semaine devant le Conseil de Sécurité. «La stabilité de toute la région et l’amélioration de sa prospérité sont et restent en jeu. La nature de certains incidents survenus au cours de l’année écoulée montre pourquoi nous ne devons pas permettre une escalade entre le Front Polisario et le Maroc. J’ai rappelé aux parties l’appel des Nations Unies à rétablir un cessez-le-feu ou, à tout le moins, une cessation des hostilités», a dit Staffan de Mistura. Avant d’ajouter: «Nous ne devons pas non plus oublier la dimension régionale. L’état actuel des relations entre l’Algérie et le Maroc, marqué par une rupture diplomatique et d’autres manifestations de tensions, reste une source de préoccupation constante et n’aide pas à résoudre la question du Sahara occidental. Il est impératif de dépasser cet état d’hostilité si nous voulons renforcer l’intégration de toute la région, un facteur qui pourrait à la fois faciliter et bénéficier des avancées sur le dossier du Sahara occidental ».

L’option du 1er bond en arrière…

Mais si, jusque-là, le point de vue de Staffan de Mistura rejoint celui du Secrétaire Général, les développements suivants de l’Envoyé personnel prennent progressivement une autre tournure.

Malgré le fait de minimiser (voire banaliser) les soutiens internationaux au Plan marocain d’autonomie qu’il a baptisés «initiatives bilatérales», alors qu’il s’agit de soutiens de plus de 110 pays dans le monde, dont une trentaine des 4 continents ayant ouvert un Consulat à Dakhla ou à Laâyoune et 19 pays européens… Outre également de s’arrêter habilement sur le récent arrêt de la Cour de justice européenne concernant les accords agricoles et de pêche du Maroc avec l’Union Européenne, le présentant comme une des «répercussions» de «l’absence de résolution politique de la question du Sahara occidental»… Lorsqu’il dit «Nous devons avancer de manière constructive dans le processus politique et avec urgence», nul ne doute de son impartialité.

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Pourtant…

Les options qu’il propose, sur lesquelles il dit avoir «travaillé ces derniers mois» et qu’il croit «possibles», trahissent une diplomatique mais néanmoins perceptible inclinaison vers une partie à ce conflit plutôt qu’une autre.

Des options qui signent d’abord son propre échec. Il l’a dit lui-même, après 3 ans de mandat, il est dans l’impasse. Le dossier n’avance pas.

La 1ère option qu’il dévoile au Conseil de Sécurité et qu’il avait auparavantsoumise aux parties concernées (et au-delà, comme il dit) est un bond en arrière de 20 ans.

L’Envoyé personnel Staffan de Mistura n’a rien trouvé de mieux que de reprendre la proposition de partition du Sahara, déjà proposée sous le mandat de son prédécesseur James Baker, qui s’est révélé être un adversaire acharné du Maroc, notamment après cet épisode où Rabat a fermement rejeté cette proposition.

Il est impossible que le diplomate onusien chevronné ne réalise pas qu’une telle proposition, rejetée avec force par le Maroc, serait interprétée par tous les Marocains comme une véritable hérésie, en sus d’une provocation !

Comment le Maroc pourrait-il accepter l’idée d’offrir sur un plateau d’argent la moitié de son Sahara à ceux qui lui livrent une guerre depuis 50 ans ? Et ce, pour y voir créer un Etat-croupion donnant à l’Algérie –véritable meneur de ce conflit- la possibilité de prendre le Royaume en tenaille, avec d’un côté le Sahara oriental que lui a donné la France quand elle était possession française et de l’autre la partie du Sahara occidental marocain que vise l’option de Staffan de Mistura…

N’est-ce pas une hérésie que de croire qu’après avoir récupéré Dakhla-Oued Eddahab –que le Maroc avait bien accepté, à la signature de l’accord de Madrid en 1975, laisser à la Mauritanie, pays ami, mais qui n’en a pas voulu- Rabat, qui a tout fait pour restaurer cette Région dont les tribus et la cultureont toujours été rattachées au Maroc, y renoncerait sur une simple idée (initiale)de ses adversaires, même reprise par deux Envoyés personnels du SG, à 20 ans d’intervalle ? Le retour à cette option est à plus d’un égard troublant…

Par ailleurs, dans son intervention du 16 octobre au CS, Staffan de Mistura reprochait aux parties qu’elles n’aient «pas encore fait preuve de la créativité et/ou de l’ouverture nécessaires pour permettre un esprit de recherche constructive d’une solution mutuellement acceptée, comme l’ont demandé les résolutions du Conseil».

Nombreux aujourd’hui sont ceux qui lui retournent ce reproche.

Quelle « preuve de créativité » dans le dépoussiérage d’une option d’il y a 20 ans, fermement rejetée à l’époque déjà et que rien dans les développements, depuis, ne laisse croire qu’elle serait mieux accueillie aujourd’hui… Bien au contraire.

…Et l’option du 2d bond en arrière

Echec donc de la 1ère option, que reconnaît l’Envoyé personnel, après concertations.

Le rejet de cette option par le Maroc n’a pas été officiellement exprimé, mais à l’issue de l’entretien qu’avait eu le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita avec S. de Mistura (on sait aujourd’hui que c’était à ce sujet), un communiqué de son département avait précisé que le ministre avait rappelé les fondamentaux de la position du Maroc, notamment l’Autonomie sous Souveraineté du Maroc comme solution de base, le retour aux Tables rondes et le respect du cessez-le-feu.

Le Polisario, lui, s’est fendu d’un communiqué, disant également rejeter l’option. Ce qui est, à l’évidence, tiré par les cheveux… On le voit dire Nonnn à la création d’un Etat qui lui serait attribué sur le territoire d’Oued Eddahab (Lol).

Après avoir constaté l’échec de son option de partition, Staffan de Mistura a alors exposé une option qui laisse bouche bée.

Le diplomate, chargé de ce dossier depuis 3 ans et qui donc avait entre les mains, dès le 1er jour de sa prise de fonction, la proposition marocaine du Plan d’Autonomie, propose à la partie marocaine de l’expliquer !!!

Après avoir reconnu que «l’autonomie avancée et élargie puisse être un modèle réussi»qui «a été illustré par de nombreuses situations à travers le monde» et il en donne quelques exemples: ceux de«l’Écosse, du Groenland, du Trentin-Haut-Adige et bien d’autres», il avance des suggestions qui interloquent…

« Bien que le concept d’autonomie ait suscité de l’intérêt, et que le plan marocain de trois pages semble gagner du terrain au niveau bilatéral, je crois que cela crée également une attente, voire peut-être un droit, de mieux comprendre ce que ce plan implique (…) Le moment est venu pour moi et pour tous les interlocuteurs d’explorer les modalités que le Maroc envisage concrètement. Pour que cette exploration ait lieu, il est donc nécessaire que le Maroc fournisse des détails sur sa vision».

Le moins que l’on puisse dire est que cette suggestion est surprenante.

Elle a un retard de 3 ans ! C’est en fait un bond en arrière de 3 ans que fait Staffan de Mistura.

L’Envoyé personnel du SG ne devait-il pas commencer par cela ? Par essayer de comprendre les 3 pages du Plan présenté par le Maroc et demander ces explications qu’il réclame aujourd’hui ?

Ce Plan d’Autonomie, le Maroc n’a-t-il pas dit et répété qu’il le proposait aux pourparlers qui devaient se poursuivre dans le cadre des Tables rondes ?

Le facilitateur de Mistura ne pouvait-il pas précisément, faute de relancer les Tables rondes, tenter de se pencher sur ce qui est proposé, aller au-delà de ce qu’il appelle aujourd’hui «un cadre général» ? Peut-être dans un «go between» assidu aurait-il réussi à faire bouger les lignes ?

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Désormais, il se donne 6 mois pour faire ce qu’il devait faire il y a 3 ans et donne un préavis de démission s’il ne réussissait pas. S’avançant même sur ce que pourrait faire le Secrétaire Général, dans le cas où, lui, échouerait, il prévient: «cela pourrait me conduire à suggérer au Secrétaire général de réévaluer s’il existe encore une marge de manœuvre et une volonté pour que nous soyons utiles dans de telles circonstances».

Et les circonstances sont bien plus compliquées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a 3 ans…

Au Maroc, certains analystes pensent que son nouvel intérêt pour le Plan d’Autonomie est un pas positif. D’autres restent troublés par ses propositions et son modus operandi qui donnent à penser que son impartialité s’érode… Pour ne pas dire plus.

L’option de la partition pousse quelques-uns à soupçonner quelque machination…Une chose est sûre, quoique les 6 prochains mois réservent à ce dossier, le front uni au Maroc y fera face. L’appel Royal à la mobilisation renforce considérablement ce front et sa vigilance.

BA

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1ère option présentée par Staffan de Mistura au CS

La partition du Sahara

«Permettez-moi, dans un esprit de totale franchise, d’être plus précis sur certaines des options que je crois possibles et sur lesquelles j’ai travaillé ces derniers mois.

-D’une part, je dois vous informer que j’ai discrètement revisité et approfondi avec toutes les parties concernées le concept d’une partition du Territoire, mentionné pour la première fois par mon prédécesseur, James Baker III, il y a plus de 20 ans. Une telle option pourrait s’appuyer sur les limites de la portion du Sahara occidental qui était contrôlée par la Mauritanie dans le cadre d’un accord avec le Maroc, entre 1976 et 1979. Plus précisément, la frontière avait alors été définie comme une ligne droite partant de l’intersection de la côte et du 24e parallèle nord, passant par l’intersection du 23e parallèle nord et du 13e méridien ouest, et continuant jusqu’aux frontières préexistantes de la Mauritanie.

-Une telle option pourrait permettre, d’une part, la création d’un État indépendant dans la partie sud, et d’autre part, l’intégration du reste du Territoire au sein du Maroc, avec une reconnaissance internationale de sa souveraineté sur cette zone. Dans l’éventualité d’un tel compromis, cela pourrait offrir une manière d’accommoder à la fois les revendications d’indépendance et le plan d’autonomie sous la souveraineté marocaine, tout en permettant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, qui pourrait, dans ce cas, décider où il souhaite vivre et sous quel régime politique.

-Bien que dans mes consultations certains pays de la région et au-delà aient exprimé un intérêt pour cette possibilité de division du Territoire, je dois signaler que je n’ai, à ce jour, reçu aucun signe de volonté d’explorer davantage cette option, ni de la part du Maroc ni de celle du Front Polisario. Je le regrette – à mes yeux, cette idée de compromis mérite d’être prise en compte dans le cadre d’une solution mutuellement acceptée, et j’étais prêt à travailler dessus. Je prends donc acte de la position actuelle négative du Maroc et du Front Polisario à l’égard de cette option, tout en estimant qu’il est de mon devoir, par souci de transparence, d’en informer le Conseil ».

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2ème option présentée par Staffan de Mistura au CS

La case départ

« Par conséquent, nous en revenons aux deux documents émis en 2007. Celui remis par le Front Polisario (…)

-Quant à l’autre document, nous connaissons tous le cadre général de l’initiative d’autonomie proposée par le Maroc en 2007. Ce Conseil l’a mentionnée en faisant référence aux « efforts sérieux et crédibles » du Maroc, plus récemment dans la résolution 2703 (2023). Elle fait également partie de l’évolution que j’ai mentionnée plus tôt, selon laquelle le Maroc et plusieurs pays ont émis des déclarations bilatérales de soutien à cette initiative. Le fait que l’autonomie avancée et élargie puisse être un modèle réussi a été illustré par de nombreuses situations à travers le monde : les exemples de l’Écosse, du Groenland, du Trentin-Haut-Adige et bien d’autres viennent à l’esprit.

-Cependant, bien que le concept d’autonomie ait suscité de l’intérêt, et que le plan marocain de trois pages semble gagner du terrain au niveau bilatéral, je crois que cela crée également une attente, voire peut-être un droit, de mieux comprendre ce que ce plan implique. Un droit pour les populations concernées de mieux comprendre ce qui est proposé. Un droit pour ce Conseil, pour le Secrétaire général de l’ONU, et pour moi-même, d’évaluer les détails de la voie possible à suivre. Et même un droit pour les pays ayant exprimé leur soutien à l’initiative de savoir exactement ce qu’elle prévoit. Il reste également à expliquer comment cette option, l’autonomie, permettrait l’exercice d’une forme crédible et digne d’autodétermination par le peuple du Sahara occidental, et sous quelles modalités.

-Je continue de penser, sans préjuger de la solution qui sera choisie pour un règlement de la question du Sahara occidental, que le moment est venu pour moi et pour tous les interlocuteurs d’explorer les modalités que le Maroc envisage concrètement. Pour que cette exploration ait lieu, il est donc nécessaire que le Maroc fournisse des détails sur sa vision. Je me sens conforté à cet égard par ma compréhension, lors de ma consultation en tête-à-tête avec le ministre Bourita à la fin de notre réunion à New York le mois dernier, qu’il reconnaît l’urgence d’expliquer et de développer leur plan d’autonomie initial de 200». 

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Un commentaire

  1. On sait qu’une bonne partie des dépenses de la loi des finances du Kabranistan va dans l’affaire de notre Sahara .
    Cette année, une nouvelle rubrique dans cette loi a été ajouté ; elle s’appelle
    – engagements et frais Dimistura .

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