Dr. Tayeb Hamdi, chercheur en politiques et systèmes de santé

La propagation de nouveaux variants de Covid-19 notamment indien (Delta), suscite de plus en plus d’​inquiétude, étant donné qu’elle coïncide avec le début de la saison estivale.

Pour le Dr. Tayeb Hamdi, chercheur en politiques et systèmes de santé et Vice-président de la Fédération nationale de la santé, la situation n’est pas inquiétante pour l’heure, toutefois les semaines à venir vont être décisives, alors que le Maroc sous l’impulsion de SM le Roi Mohammed VI, vient de lancer un méga projet de fabrication et de mise en seringue locale du vaccin anti-Covid-19 entre autres sérums. 

Entretien.

«Le recours à un confinement partiel n’est pas à exclure si la courbe des contaminations continue d’augmenter».

SM le Roi Mohammed VI a présidé, lundi 5 juillet 2021, la cérémonie de lancement et de signature de conventions relatives au projet de fabrication et de mise en seringue au Maroc du vaccin anti-Covid-19 et autres vaccins. Quels gains pour le Royaume et l’Afrique?

Le projet de fabrication du vaccin contre le Coronavirus et autres sérums au Maroc, lancé par SM le Roi Mohammed VI depuis le Palais Royal de Fès, permettra à notre pays dans un premier temps, de couvrir ses besoins en vaccins anti-Covid-19 et atteindre l’immunité collective contre ce virus le plus rapidement possible. Dans un deuxième temps, l’objectif sera d’alimenter le continent africain en quantités suffisantes de vaccins aussi-bien contre le nouveau Coronavirus que d’autres maladies et infections. Il faut garder à l’esprit que le Royaume a fait preuve, depuis le début de l’épidémie, de solidarité avec les pays africains dans leur lutte contre le Sars-Cov-2, au moment où tous les pays se livraient à une course acharnée et sans merci, à l’antidote.

Des cas confirmés d’infection au variant indien du nouveau Coronavirus ont été enregistrés au Maroc. Faut-il vraiment s’inquiéter?

Du variant britannique jusqu’au mutant indien, en passant par la version sud-africaine et brésilienne, la Covid-19 a connu plusieurs mutations depuis sa découverte à Wuhan fin 2019. C’est le variant indien, appelé Delta, qui attire tout particulièrement l’attention des scientifiques à travers le monde. Malheureusement, ce mutant du Sars-Cov-2 est particulièrement virulent avec une vitesse de propagation extrêmement rapide. J’aimerais vous livrer un indicateur clé qui dénote la gravité de la situation. Le variant Delta est contagieux de +60% par rapport à la version anglaise du Coronavirus.  Ce qui complique davantage la situation, c’est que pendant ce temps, la souche anglaise (Alpha) ne faiblit pas, son taux de contagiosité avoisinant les 40%, à l’heure où je vous parle.  

Que faut-il savoir sur le variant indien, Delta, du Sars-Cov-2?

Avant de répondre à votre question, je voudrais demander à tous les Marocains, de faire très attention et ne pas baisser la garde même pour les personnes qui ont pris les deux doses des vaccins Astra Zeneca ou Sinopharm. Outre le fait qu’il se propage à la vitesse de l’éclair, le variant Delta est aujourd’hui responsable de la majorité des cas sévères de Covid-19. La plupart des patients admis dans les unités de soins intensifs à travers le monde, sont touchés par le mutant indien du virus à couronne. A l’heure où je vous parle, nous ne disposons pas encore de données exactes sur le nombre de décès causés par le variant indien du Coronavirus. La gravité de ce nouveau variant est due au fait qu’il affaiblit considérablement les défenses immunitaires, même pour les personnes ayant déjà reçu leurs doses du vaccin. Les personnes qui ont contracté les variants sud-africain ou brésilien du Coronavirus courent plus de risques d’être atteints par la version indienne du virus. Les études menées en Grande-Bretagne, ont toutes montré que les citoyens ayant reçu une seule dose du vaccin Pfizer étaient immunisés à 50% contre le variant britannique de la Covid-19. Avec le mutant Delta, ce taux descend à 31%, ce qui représente une chute de 19%. C’est dire si la deuxième dose est vraiment utile pour une bonne protection contre les formes graves du Coronavirus et ses multiples variants. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a poussé le gouvernement britannique à réduire l’intervalle entre les deux injections des vaccins anti-Covid, à 8 semaines au lieu de 12 pour les personnes ayant plus de 50 ans ou porteurs de maladies chroniques. Je le redis encore une fois, le variant Delta de la Covid-19 est très dangereux. Il se propage à grande vitesse et est responsable de la plupart des admissions en unité de soins intensifs dans plusieurs pays du monde. Restons sur nos gardes, ne lâchons pas prise. Il est vrai que les gens sont fatigués, mais on n’a pas le choix, il faut rester forts, solidaires et vigilants jusqu’à la fin de ce cauchemar. Je tiens à signaler que les pays les plus touchés à ce jour, par le variant Delta du Coronavirus sont la Grande-Bretagne et les Etats-Unis.

Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé

La réticence de certains Marocains face aux vaccins anti-Covid vous inquiète-t-elle?

Je considère que toute personne qui refuse de se faire vacciner commet un crime contre elle-même, sa famille, ses amis et son pays. Cela ne veut pas dire que les personnes qui ont eu droit à leurs deux piqûres sont tirées d’affaire. Le risque zéro n’existe pas, surtout lorsqu’on est face à un virus aussi agressif et imprévisible que le nouveau Coronavirus. C’est pourquoi il faut maintenir les gestes barrières à savoir le port du masque de protection, l’utilisation régulière du gel hydroalcoolique et bien entendu, le respect de la distanciation physique, surtout dans les lieux qui connaissent une forte affluence. Au Maroc, se conformer aux consignes sanitaires est devenu une nécessité aujourd’hui. Personnellement, je remarque ces derniers temps, qu’il y a un relâchement inadmissible et inexplicable, en termes de gestes barrières et de respect des mesures sanitaires. Ce qui représente un risque réel pour notre pays.

Le variant indien de la Covid-19 deviendrait dominant d’ici quelques semaines. Vérité ou rumeur?

Selon les pronostics, le variant Delta finira par devenir dominant au niveau mondial, d’ici fin août 2021. Cela veut dire qu’une quatrième vague de l’épidémie pourrait frapper d’ici moins de deux mois, principalement en Europe. Grâce aux campagnes de vaccination qui se poursuivent dans tous les pays du monde, cette nouvelle vague épidémique pourrait causer moins de morts que les précédentes. Ne cédons pas à la panique, mais en même temps, restons vigilants. On constate depuis quelques semaines, une nette augmentation des cas positifs au Sars-Cov-2 au Maroc. D’un point de vue purement scientifique, cette augmentation est tout à fait normale. L’allégement des mesures restrictives anti-Coronavirus permet aux citoyens de circuler librement, ce qui constitue un environnement propice à la circulation de toutes sortes de virus et d’infections dans la société. Ce qui nous préoccupe actuellement ce n’est pas vraiment la hausse des cas de contamination au Coronavirus ou ses variants. Ce qui préoccupe aujourd’hui la communauté scientifique et les responsables gouvernementaux c’est que les unités de soins intensifs soient débordées et ne puissent plus prodiguer les soins nécessaires aux malades comme ce fut le cas dans certains pays lors de la première vague de l’épidémie, début 2020. Le système de santé au Maroc est capable de faire face à la situation tant que le nombre d’infections par le Coronavirus reste dans des limites acceptables.

Variant Delta/Australie | Confinement de plusieurs quartiers de Sydney

Pour l’instant, c’est le variant britannique du Sars-Cov-2 qui est le plus présent au Maroc, bien que quelques cas du variant indien, Delta aient été également détectés sur le territoire national. Cette situation qui menace de nous faire revenir à la case départ dans la lutte contre l’épidémie est le résultat direct et logique du manque de civisme observé chez certains citoyens qui croient aujourd’hui, à tort, que la Covid-19 est derrière nous et que la campagne de vaccination que mène le Royaume signifie que nous sommes tirés d’affaire, or c’est loin d’être le cas. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que l’humanité n’est pas sortie de l’auberge. Certes la vaccination permet de casser la courbe de propagation du virus, mais au stade actuel où 30% seulement de la population marocaine est totalement immunisé contre la Covid -19, il est encore trop tôt pour lever toutes les restrictions dictées par les autorités pour endiguer la propagation du virus.

Un retour au confinement est-il envisageable au Maroc?

Le recours à un confinement partiel n’est pas à exclure si les contaminations  liées au Coronavirus restent sur un trend haussier. A mon avis, il serait dommage de vivre une nouvelle fois l’expérience du cantonnement alors que le Maroc a franchi de grands pas sur le chemin de la lutte contre la Covid-19. Le scénario le plus plausible est celui d’un confinement territorialisé, en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique dans chaque ville et région du Royaume.

Un dernier message aux Marocains qui mettent en doute la gravité de la situation en ignorant les mesures sanitaires?

Je lance un appel à tous les Marocains, pour ne pas gâcher les efforts consentis par notre pays depuis mars 2020 pour endiguer les effets de la pandémie. En exécution des Hautes directives Royales, les pouvoirs publics ont fait preuve d’engagement et de détermination afin de faire face à cette crise sanitaire inédite qui a eu de graves conséquences économiques et sociales. Grâce à la contribution de tous, le Royaume est devenu un exemple à l’échelle mondiale dans la gestion de la Covid-19. Arrêtons de nous autosaboter!

Entretien réalisé à Larache par Soufiane Benkhadra   

(Editing: Mohcine Lourhzal)

«Le variant Delta finira par devenir dominant au niveau mondial, d’ici fin août 2021».

«Je lance un appel à tous les Marocains, pour ne pas gâcher les efforts consentis par notre pays»

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