Depuis sa création, en mars 2015, le Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) a procédé à la saisie de 4,359 tonnes de cocaïne, 50,105 tonnes de cannabis et 35.777 pilules psychotropes, selon les chiffres du Bureau.
Il était 15H35, mercredi 28 février, à Salé, par une journée pluvieuse. Nous étions devant l’impressionnant édifice du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ). A l’entrée, un barrage de police sécurisait l’accès au BCIJ qui s’est démarqué, depuis sa création, par le démantèlement de plusieurs cellules de djihadistes et de trafiquants de drogue. Après quelques minutes devant le portail de l’édifice, situé à proximité de la Cour d’appel de Salé et de la célèbre prison de Zaki, nous avons enfin franchi la porte du bâtiment sous le regard d’agents en tenue de police et en civil. Un responsable en tenue civile est venu nous accueillir pour nous conduire à l’intérieur de ce bâtiment hautement sécurisé. Plusieurs agents cagoulés, tenant mitraillettes à la main, assuraient la surveillance de ce lieu où nous devions rencontrer le Directeur général du BCIJ, Abdelhak Khiame, que les Marocains ont surnommé «Mr FBI du Maroc».
Avant d’y accéder, nous avons dû nous soumettre aux formalités sécuritaires: passage par le portique de détection des objets métalliques et fouilles routinières. Quelques minutes plus tard, nous étions enfin dans le spacieux bureau de Abdelhak Khiame, l’ancien patron de la BNPJ, qui se chargeait des affaires dites complexes et délicates. «Je suis prêt à répondre à vos questions», nous a dit ce natif de Derb Soltan, qui a pris la direction du Bureau central d’investigations judiciaires en mars 2015. Nous ne pouvions souhaiter mieux. Malgré la haute sensibilité de sa mission, Abdelhak Khiame est l’un des rares responsables à communiquer sur son métier, au grand bonheur de la presse dont le plus grand combat est celui du droit d’accès à l’information.
«Au Bureau central d’investigations judiciaires, le niveau d’alerte est très élevé», a dit fermement le Directeur général du BCIJ.
Si le responsable s’est félicité du degré de coopération avec beaucoup de pays, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, il a, toutefois, révélé que plusieurs formes de criminalité menacent aujourd’hui la sécurité dans la zone du Sahel et d’Afrique du Nord. Dans ce cadre, il a regretté l’absence de coopération avec l’Algérie qui continue de fermer les yeux sur la situation. «Ma seule préoccupation, c’est cette prolifération de crimes qu’il y a aujourd’hui au niveau du Sahel et nous, nous sommes juste à côté. J’ai peur qu’il y ait une collusion ou une connexion entre le terrorisme et les autres formes de crimes qui se propagent au niveau du Sahel», a confié A. Khiame au Reporter.
Chargé des crimes et délits prévus par l’article 108 du Code de procédure pénale, le Bureau a procédé, depuis sa création en mars 2015, à l’arrestation de plusieurs cellules et réseaux impliqués dans des affaires de terrorisme, d’immigration clandestine, de commerce d’armes et de trafic de drogue.
Pour le patron du FBI marocain, qui se voulait clair, en matière de trafic de drogue aussi, ça ne rigole pas. «C’est le même traitement pour toutes les affaires. C’est la même vigilance. Les personnes qui sont impliquées dans des affaires de trafic de stupéfiants écopent de peines très lourdes, pouvant aller jusqu’à vingt ans», a lancé Abdelhak Khiame.
La coopération, a-t-il poursuivi, avec d’autres pays en matière de renseignement est très importante dans ce genre d’affaires. «Les renseignements sont recueillis par notre Direction auprès de ses partenaires étrangers, aussi bien européens et américains qu’arabes», a précisé le DG.
Pour illustrer l’efficacité de la coopération entre les services sécuritaires marocains et d’autres pays dans ce domaine de lutte contre le trafic des stupéfiants, Khiame a cité notamment le démantèlement, en février dernier, avec l’aide des services de renseignement brésiliens, d’un réseau de trafiquants de drogue dure (541 kilos de cocaïne à forte concentration (97%)), provenant d’Amérique latine. Les investigations du Bureau ont permis l’arrestation de six personnes, dont l’émissaire du cartel latino-américain expéditeur de la cargaison incriminée (un Brésilien), ainsi que les hommes de main du commanditaire de cette opération.
Selon les chiffres du BCIJ, depuis sa création, la cellule contre les crimes organisés a réussi à saisir 4,359 tonnes de cocaïne (1,230 t en 2016, 2,588 t en 2017 et 541 kg en 2018) ; 50,105 tonnes de cannabis (41,5 t en 2015, 8,500 t en 2016 et 105 kg en 2017) ; et 35.777 pilules psychotropes en 2015. Le Bureau a également émis six mandats internationaux, dont cinq pour trafic international de stupéfiants.
Dans cet entretien exclusif accordé au «Reporter», sans dévoiler les secrets de son métier, par définition… secret, Abdelhak Khiame a cependant livré de précieuses informations sur la «stratégie Maroc» en matière de lutte contre le trafic de drogue, sur les opérations réalisées, ses craintes concernant l’extension du crime organisé dans la région et bien plus encore… Entretien à lire absolument.
Naîma Cherii