Suite au refus de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) de réduire sa production, les prix du pétrole continuent de s’effondrer.
Les douze membres de l’OPEP ont finalement suivi la ligne défendue depuis quelques mois par l’Arabie Saoudite. En effet, l’Organisation a décidé de maintenir sa production. «C’est la victoire de la coalition des pays du Conseil de coopération du Golfe menée par l’Arabie Saoudite et le Koweït », explique Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque à Paris. Le quota officiel de 30 millions de barils par jour, fixé il y a trois ans quand le cours du Brent était à 100 dollars, est maintenu. In fine, les prix du baril sont tombés, le jour de la décision de l’OPEP, à des niveaux inconnus depuis mi-2010 (sous les 72 dollars pour le Brent et même à 67 dollars le WTI à New York).
La tendance actuelle a d’abord été interprétée par les marchés comme la simple conséquence du ralentissement de l’économie mondiale, notamment en Europe et en Chine. Autrement dit, lorsque la croissance diminue, la demande d’énergie baisse, ce qui pèse sur les prix. Toutefois, l’ampleur de la chute, malgré les signaux positifs de l’économie américaine, a imposé une nouvelle hypothèse plus structurelle: la dégringolade des cours serait surtout due à l’apparition d’une surproduction ou, du moins, à l’anticipation par les investisseurs d’une surproduction durable. C’est l’hypothèse soutenue par les économistes de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs, souvent épinglée pour son influence sur les marchés des matières premières.
La plupart des économistes considèrent que la chute des prix a un effet globalement positif, de quelques dixièmes de points de croissance. La chute des prix bénéficie clairement aux pays importateurs comme le Maroc. Cependant, cette chute pèse lourdement sur les pays exportateurs, surtout les plus dépendants, comme la Russie. «La chute du cours du pétrole menace la croissance de l’économie russe», a déclaré à Washington la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde. Il faut dire que les recettes budgétaires de la Russie reposent pour la moitié sur les hydrocarbures (pétrole et gaz) et elle a besoin d’un baril à 100 dollars pour équilibrer ses comptes. Or, les dirigeants du secteur pétrolier s’attendent à un cours moyen de 72,5 dollars en 2015.
L’ombre de la crise plane sur l’Algérie
La chute des cours du pétrole n’augure rien de positif pour l’évolution des agrégats économiques et financiers de l’Algérie. Les prévisions gouvernementales ayant tablé sur une légère hausse des revenus issus des hydrocarbures semblent aujourd’hui bien compromises. Pour l’Algérie, la baisse des prix va affecter le budget de l’Etat dans un contexte où le gouvernement continue de dépenser sans compter pour maintenir la paix sociale. Au terme de 2014, les transferts sociaux devraient atteindre 60 milliards de dollars, soit près du tiers du Produit intérieur brut (PIB). Avec une forte dégringolade des prix du baril, les recettes fiscales issues des hydrocarbures vont baisser fortement. Le gouvernement, incapable de collecter l’impôt dans d’autres secteurs, notamment l’informel, sera obligé de puiser fortement dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). Autrement dit, l’Algérie va commencer à dépenser son épargne. Des années difficiles s’annoncent pour elle. Certains experts n’hésitent pas à rappeler le scénario catastrophe du milieu des années 80 où la chute drastique des prix du pétrole a ouvert le chemin des grandes turbulences politiques et sociales entamées avec les émeutes d’octobre 1988. L’Algérie n’a pas profité de l’embellie financière de la longue période du baril fort (de plus de 100 dollars) pour diversifier son économie et réduire la tendance cupide des importations.
Anas Hassy