EIIL : Les désordres du «califat»

Eiil jihadistes

L’annonce surprise de l’établissement d’un califat par des jihadistes en Syrie et en Irak a suscité plus d’indignation que de ralliement parmi les autres groupes islamistes qui aspirent pourtant à l’édification d’un Etat fondé sur la charia.

La proclamation d’un califat n’est certes pas la reconstitution d’un héritage sublimé mais, pour certains, elle est anachronique. Cependant, ce «califat», une réalité militaire et territoriale, peut être provisoire, mais c’est est un élément de grave déstabilisation de toute la région. Menaces sur la Syrie et l’Irak, mais aussi sur la Jordanie et l’Arabie Saoudite, sans parler du Koweït qui, selon les djihadistes, fait partie comme du temps de Saddam Hussein de l’Irak dont la création est un découpage artificiel des frontières arabes par les puissances coloniales.
Le Jordanien Abou Mohammed al Makdissi, l’une des voix les plus influentes du djihadisme, a estimé que la proclamation d’un califat en Irak et en Syrie allait aggraver les conflits déjà sanglants entre groupes djihadistes rivaux.

L’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) s’est donc proclamé «Etat islamique» et a élevé son chef, Abou Bakr al Baghdadi, au rang de «calife» -titre porté à travers l’histoire par les successeurs du Prophète Mahomet- après la conquête par ses troupes de vastes territoires du nord de l’Irak, à la faveur d’une offensive éclair qui a permis de s’emparer notamment de la grande ville de Mossoul.
«Est-ce que ce califat sera un sanctuaire pour tous les opprimés et un refuge pour tous les musulmans?», s’est interrogé Makdissi sur son site internet. «Ou sa proclamation brandira-t-elle un sabre contre les musulmans qui s’y opposent et emportera-t-elle tous les émirats qui existaient auparavant, réduisant à néant tous les groupes qui mènent le djihad pour Allah sur les différents champs de bataille?».

Raqqa : Le sang des civils

La proclamation du rétablissement d’un régime politique disparu il y a près d’un siècle et qui avait été vidé de son contenu par les Ottomans risque cependant d’agir comme un aimant vers la région pour des fanatiques. «Tous les groupes islamistes veulent le califat», affirme Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’Université de Toulouse. Mais l’État islamique (EI), qui a annoncé la création du califat, «est assimilé au terrorisme, à des massacres», explique-t-il. A travers les décapitations et crucifixions, dont les images sont largement relayées sur Internet, «il donne une très mauvaise image de l’islam» et «a entaché ce projet, qui est un idéal pour les islamistes».
Si l’attrait n’est donc pas évident, la menace, elle, est réelle.
Les autorités saoudiennes ont annoncé le déploiement de 30.000 soldats le long de la frontière avec l’Irak, pour pallier le départ de plusieurs milliers de militaires irakiens de cette zone. Un officier de l’armée irakienne, apparaissant dans une vidéo, précise que les troupes ont reçu l’ordre de quitter leurs positions sans autre explication.
L’Arabie Saoudite mobilise et pourtant son rôle est très critiqué.
«Nous tenons l’Arabie Saoudite pour responsable». C’est en tout cas ce qu’affirme le Premier ministre irakien pour qui le soutien financier de l’EIIL par l’Arabie Saoudite ne fait aucun doute. Les analystes commencent à découvrir que c’est l’Arabie Saoudite qui avait donné le feu vert aux terroristes d’Al-Qaïda pour attaquer le territoire irakien. Selon ces révélations, le grand convoi d’armes qui avait été offert aux terroristes d’Al-Qaïda, était la réaction du gouvernement saoudien à la victoire de Nouri Al-Maliki et de Bachar Al-Assad respectivement aux élections en Irak et en Syrie. Les Etats-Unis, allié principal de l’Arabie Saoudite, ont naturellement rejeté les accusations du Premier ministre irakien, les qualifiant d’«inexactes et humiliantes». Pour Gunter Meyer, directeur de recherches à l’université de Mayence et expert du Moyen-Orient, l’implication de l’Arabie Saoudite ne fait aucun doute.
Dans une interview accordée au site Deutsche Welle, Meyer affirme que la plus importante source de financement de l’EIIL provient des pays du Golfe, principalement l’Arabie Saoudite, mais également le Qatar, le Koweït et les Emirats Arabes Unis. Israël serait également un soutien à l’EIIL. C’est en tout cas ce qu’affirme le site d’information koweitien Al Qabas, pour qui l’implication du Mossad dans la fourniture d’informations clés et la définition des objectifs de l’EIIL ne font aucun doute.
S’il y a de la vérité dans tout cela, certains auront ouvert la boîte de Pandore.
Le roi Abdallah II de Jordanie a appelé la communauté internationale à aider son pays à faire face à la menace djihadiste. «Il est important que la communauté internationale continue de soutenir la Jordanie pour faire face aux défis et développements dans la région», a déclaré Abdallah II lors d’une rencontre avec une délégation parlementaire japonaise, selon un communiqué du palais royal. Prévenant des «répercussions de la crise sur l’Irak, mais aussi sur la région tout entière», le roi a appelé à «un règlement politique incluant tous les segments de la population irakienne».
L’avancée des jihadistes en Irak fait craindre une contagion en Jordanie, un pays déjà confronté à l’afflux de plus de 600.000 réfugiés syriens et à ses propres islamistes locaux. Cette inquiétude est partagée par tous les pays du Golfe qui, pour contrer les chiites, ont pris, semble-t-il, un risque énorme…
Tous les génies qui sortent des lampes ne sont pas bénéfiques.

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Patrice Zehr

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