En observant les législatives du 7 octobre 2016 qui se préparent au Maroc, tout analyste attentif peut constater deux ruptures avec les autres élections que le pays a connues.
La première rupture concerne les partis politiques.
Pour ces élections 2016, deux partis relativement nouveaux et qui ont pris une importance considérable ces 5 dernières années sont en tête de la compétition: le PJD (parti de la justice et du développement, au référentiel islamiste) et le PAM (parti de l’authenticité et de la modernité. Comme son nom l’indique, moderniste).
Bien que l’on ne puisse pas parler de bipolarisation de l’échiquier politique marocain, il est clair que la course à la primature se joue entre ces deux partis-là. Les autres n’auront vraisemblablement plus qu’à se ranger aux côtés de l’un des deux. Soit pour compléter la coalition de la majorité, étant entendu qu’au Maroc, aucun parti ne peut obtenir la majorité à lui seul… Soit pour rejoindre l’opposition.
Cette compétition entre le PJD et le PAM est d’autant plus frappante qu’elle relègue au second plan tous les partis qui ont dominé la scène politique depuis
l’Indépendance du pays et l’organisation des 1ères consultations électorales, au début des années 60. Notamment les plus grands d’entre eux: ceux du Mouvement national. Comme l’Istiqlal qui était connu pour être la plus efficace machine électorale, l’USFP autrefois tant redouté, ou le Mouvement Populaire, tellement saucissonné qu’il en a perdu ses heures de gloire…
Ces partis, aujourd’hui clairement en déclin, ont beau faire des promesses, étaler des programmes, ou même parfois «donner» dans la provocation (exemple de Chabat), l’attention des électeurs est ailleurs… Leur regard est tourné vers le duel PJD-PAM.
En cause, la deuxième rupture. Elle concerne l’enjeu de ces élections.
Qu’on le reconnaisse ou non, cet enjeu est celui qui domine les élections 2016.
Il s’agit soit de maintenir les islamistes et de laisser, pour 5 ans encore «se Pjidiser» la société marocaine.
Soit de les renvoyer dans l’opposition et d’ouvrir le champ à une alternance qu’assureraient le PAM et ses alliés modernistes.
Aux élections de 2002, l’alternance consensuelle de Abderrahmane El Youssoufi, n’a pas pu être reconduite faute de sièges suffisants remportés par l’USFP. Les islamistes visaient déjà la primature, mais le gouvernement Jettou 1 a pris les rênes… Suivi du gouvernement Jettou 2…
En 2011, les islamistes sont finalement arrivés au pouvoir, portés par une conjoncture particulière, celle du «Printemps arabe» et de ses contestations étendues à l’ensemble de la région maghrébine et arabe.
Mais aujourd’hui, la conjoncture n’est plus la même. La question est: quel Maroc veut-on ? La réponse par les programmes ne signifie pas grand-chose. Les plus grands projets sont lancés par le Roi, directement. C’est lui, personnellement qui frappe aux «portes qu’il faut» pour leur financement. C’est aussi lui qui maintient la discipline nécessaire à la réalisation de ces projets. Quant aux promesses de croissance et d’emploi faites avant les élections, tous les Marocains savent désormais qu’elles ne valent rien, tant la croissance du pays tient à des aléas climatiques (le PIB agricole étant déterminant dans le PIB global) et à des facteurs exogènes (le prix du baril de pétrole et des matières premières)…
Que reste-t-il donc ? L’orientation idéologique du projet de société souhaité pour le pays.
Par ces temps d’islamisme radical, combien de Marocains veulent encore entendre parler d’islamisme-tout-court ? Le scrutin du 7 octobre nous donnera la réponse… Mais chaque Marocain en âge de voter doit savoir que sa voix compte.
Bahia Amrani