Entretien avec Bouazza Kherrati, Président de la fédération marocaine des droits du consommateur

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«Les minotiers n’ont qu’à prouver scientifiquement que leur produit est salubre»

Dans cet entretien, Bouazza Kherrati, président de la fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC) ne mâche pas ses mots. Il pointe toujours du doigt la qualité des céréales utilisées dans la fabrication du pain.

Le Reporter : La salubrité du pain au Maroc fait de nouveau polémique, surtout après la déclaration du SG de la Fédération nationale des propriétaires de boulangeries et des pâtisseries. Qu’en pensez-vous à la FMDC ?

Bouazza Kherrati : Ce témoignage ne fait que confirmer ce que nous avons souligné dans notre communiqué rendu public, il y a plus de deux mois, et dans lequel nous avions alerté sur la dégradation de la qualité du pain mis sur le marché. C’est un témoignage qui vient d’un professionnel du secteur du pain, notamment la Fédération nationale des propriétaires de boulangeries et des pâtisseries. A savoir que les professionnels de la boulangerie et de la minoterie ont généralement un esprit corporatif. Et il est rare de voir un des professionnels du secteur faire une telle déclaration. Mais le fait est que le bouchon a été poussé très profondément et ce genre de déclaration est ce qu’il y a de plus normal face à une problématique qui menace la santé des citoyens. C’est pourquoi la Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC) n’a pas cessé de tirer la sonnette d’alarme sur la qualité des céréales utilisées dans la fabrication du pain en vente. Dans son communiqué, notre Fédération a signalé plusieurs problèmes comme celui des pesticides ou encore celui de mycotoxine. Elle appelle ainsi à plus de contrôle de cette activité, et demande à revoir tout le secteur, notamment la commercialisation et le système de contrôle pour que le pain servi aux Marocains soit sain et de bonne qualité.

La FMDC a-t-elle les preuves montrant que les céréales des minotiers représentent une menace pour la sécurité des consommateurs?

Pour commencer, je rappelle que notre Fédération n’est pas la seule à pointer du doigt les céréales et le pain vendus sur les marchés. D’autres voix avaient, elles aussi, tiré la sonnette d’alarme, confirmant ainsi nos déclarations sur le pain en vente et sur la problématique des pesticides dans les céréales. Mohamed El Ouafa, ancien ministre des affaires générales et de la gouvernance avait également souligné, il y a quelques années, au parlement, que le pain commercialisé sur nos marchés était nocif et n’était pas salubre. L’ancien ministre, qui avait même accusé certaines minoteries de commercialiser de la «farine périmée», avait aussi soulevé le dossier concernant l’ajout du sucre dans le pain.

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Maintenant, pour répondre à votre question, je dirai que la Fédération interprofessionnelle des minotiers a présenté au ministère du commerce et de l’industrie une plainte contre la FMDC après la diffusion de son communiqué. Nous avons reçu une lettre du ministère par laquelle les minotiers nous demandent de fournir des preuves de ce que nous avons avancé dans notre communiqué.

De notre côté, nous avons demandé à Monsieur le ministre de demander aux plaignants de se référer à la loi 28-07 (article 4 et 5), et à la loi 31-08 par laquelle la responsabilité incombe au fournisseur. En fait, quand il y a litige entre le consommateur et le fournisseur, c’est ce dernier qui doit fournir les preuves que son produit est salubre.

Si les minotiers contestent le communiqué de notre Fédération et la déclaration du Secrétaire général de la Fédération nationale des propriétaires de boulangeries et des pâtisseries, ils n’ont qu’à prouver scientifiquement que leur produit est de bonne qualité et qu’il est salubre.

De quelle farine s’agit-il exactement?

Notre Fédération met en garde, entre autres, contre l’élimination des fibres alimentaires. Elle suggère ainsi l’interdiction de la fabrication de la farine sans son. Il faut respecter un certain pourcentage de son dans les farines. Car, disons-le, pour augmenter le rendement, le son est complètement éliminé des céréales utilisées dans le pain commercialisé au Maroc. Ce blé est transgénique. Il est modifié génétiquement entraînant ainsi un changement dans la texture du pain à cause de la hausse de la quantité d’amidon.

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Ça  ne veut pas dire que notre pain n’est pas totalement salubre. Il ne faut pas oublier que l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) fait un bon travail dans ce domaine des céréales. Nous avons de bonnes variétés qui sont produites au Maroc. Malheureusement, on importe toujours le blé et c’est là où le bât blesse. Car ce blé importé est traité dans le pays producteur depuis son stockage jusqu’à la vente. Il est ensuite traité au cours du transport et puis il est traité quand il arrive au Maroc.

Dès son entrée à la minoterie, ce blé importé devrait normalement être analysé dans un laboratoire afin de connaitre le taux des mycotoxines, lesquelles sont produites par des champignons. Ces substances sont toxiques et sont dans la majorité des cas la cause du cancer du foie.

Mais les minoteries ne sont pas, toutes, dotées d’un laboratoire pour faire des contrôles. Certes, certaines d’entre elles ont un laboratoire mais pas de manière légale. Une minoterie est une usine et devrait être passible d’un «agrément» et non pas d’«une simple autorisation». Car, avec l’agrément, il y a tout un protocole qui est tout à fait différent -et qui protège mieux le consommateur- que lorsque la minoterie a une simple autorisation sanitaire.

Pour l’heure, aucune minoterie n’est malheureusement agréée. C’est pourquoi, nous avons demandé que les minoteries doivent avoir un agrément. Car il est inconcevable qu’une minoterie ait le même statut et les mêmes exigences qu’une poissonnerie ou une boucherie, par exemple.Pour cela, il faut changer la loi 28-07. Car dans le temps, cette loi a été élaborée sous l’influence d’un lobby de minoteries. Et cette loi n’a pas été modifiée depuis qu’elle a été promulguée. En tant que Fédération marocaine des droits du consommateur, nous demandons la révision de la loi 28-07. Cela va résoudre beaucoup de problèmes y compris celui de la salubrité, des mycotoxines et celui des pesticides.

Propos recueillis par Naîma Cherii

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