Pourquoi le poulet coûte plus cher
Le Président de la FISA (Fédération Interprofessionnelle du Secteur Avicole) explique l’augmentation du prix du poulet et estime que d’ici une semaine, les prix revendront à la normale. Il ajoute que la profession va attaquer en justice le chef de Gouvernement.
Au détail, le prix du poulet connaît une augmentation depuis une quinzaine de jours. A Casablanca, par exemple, il a atteint 25 DH le kilo. Pourquoi cette hausse ?
D’abord, je dois souligner que c’est depuis octobre dernier que les prix ont commencé à augmenter. Mais, il faut signaler que, depuis un an, l’éleveur vend ses poulets à perte. En effet, de septembre 2017 à septembre 2018, les éleveurs vendaient leurs poulets à un prix compris entre 7 et 8 DH le kilo à la ferme, alors que le prix de revient était de 12 DH. Sachant qu’en général, ce même poulet est vendu au consommateur à 13 DH. Au bout d’une année de perte, les éleveurs n’en pouvaient plus. L’activité a diminué de 15 à 20%. Et, après une année de pertes, plusieurs d’entre eux ont été obligés d’arrêter l’activité. Même les producteurs de poussins ont diminué leur production. A savoir que, durant cette année, certains éleveurs, dont la situation financière est très difficile, ont été mis en prison.
Est-ce que la hausse des prix des carburants est pour quelque chose dans cette augmentation du prix du poulet ?
Non. C’est surtout la dernière grève des transporteurs routiers qui a eu des conséquences très graves sur notre secteur. Il y a eu des barrages sur les routes pendant cette grève. Du coup, les gens ne pouvaient plus livrer -dans les délais- leur ferme en aliments. Il faut savoir que le poulet doit être régulièrement alimenté. Le poussin a besoin de 35 jours pour être prêt. Or, durant le débrayage des transporteurs routiers, la durée de l’élevage s’est allongée. Ainsi, au lieu de produire le poulet en 35 jours, on le produisait en 50 jours. Tout au long de cette période de grève et faute d’approvisionnement en aliments, les éleveurs commençaient à rationner l’alimentation. A cause de ces nombreux barrages, beaucoup d’éleveurs ont perdu leurs poulets. L’offre a fortement diminué et c’est ce qui a fait que les prix se sont envolés.
On a eu beaucoup de dégâts. On est encore en train d’évaluer les pertes. A ce stade, je ne peux pas vous dire exactement quelles ont été nos pertes en chiffres. Mais une chose est sûre: la dernière grève des transporteurs a beaucoup impacté le secteur. D’ailleurs, c’est cette semaine que nous allons déposer une plainte contre le chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, pour les pertes que notre secteur a subies à cause de ces barrages.
A cela s’ajoute un autre facteur: les intermédiaires. Faut-il le souligner, quand le prix à la ferme oscillait entre 7 et 8 DH, le poulet était vendu au marché à 13-14 DH. Ce qui n’est pas normal. Car, on devait le vendre à 11 DH. Les autorités locales doivent jouer leur rôle pour mieux contrôler les prix dans nos marchés.
Pour protester contre la hausse des prix du poulet, un appel au boycott «Laissez-le caqueter» a été lancé sur les réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous ?
Pendant ces dix derniers jours, les prix sont, certes, élevés. Mais encore un fois, pendant toute l’année, l’éleveur a vendu à perte. Les éleveurs ont perdu beaucoup d’argent pendant une année et ce n’est pas pour quinze jours qu’on va les pénaliser. Pendant ces dix jours où il y a eu augmentation des prix, ils ont gagné un peu d’argent, mais ça ne compensera pas les pertes subies depuis le début de l’année.
A quand un retour à la normale des prix?
Je pense que, d’ici une semaine, les prix vont revenir à la normale. Car, ceux qui ont arrêté l’activité, maintenant qu’ils ont vu que les prix ont augmenté, ils vont reprendre leur activité. Ce qui va ainsi contribuer à relancer l’offre et donc, les prix vont revenir à la normale.
Parmi les critiques portées contre les éleveurs au Maroc, c’est qu’ils administrent au poulet des hormones. Qu’en dites-vous ?
Il n’y a pas d’hormones au Maroc. Je défie quiconque de pouvoir prouver le contraire. D’ailleurs, il n’y a qu’à faire un test sur un aliment. Pour prouver qu’un aliment contient des hormones, c’est très facile: il suffit de faire des analyses dans un laboratoire privé (à 300 DH). Par ailleurs, il faut savoir que, sur quelque 9.000 fermes existantes au Maroc, 8.000 sont contrôlées par l’ONSSA (soit 90 %). En vertu de la loi, ces 8.000 fermes ont l’obligation d’être suivies par un vétérinaire. A noter, toutefois, qu’il y a toujours une partie qui n’est pas à niveau.
Entretien réalisé par Naîma Cherii