La violente réponse militaire du gouvernement fédéral permet de mettre un terme aux velléités séparatistes et, nolens volens, Abiy Ahmed engage un processus de réconciliation avec la minorité tigréenne, lui permettant d’apaiser les tensions politiques. Le prochain scrutin législatif valide cette politique d’apaisement et l’autorité du Premier ministre en sort renforcée.
L’Éthiopie sombre dans un processus de partition, face à un peuple tigréen déterminé à combattre, qui a fait la preuve par le passé de sa détermination et qui encourage d’autres minorités comme les Oromos à l’imiter dans ses revendications de souveraineté. Jawar Mohammed, qui avait pourtant aidé Abiy Ahmed dans les premiers mois de son action politique, a été arrêté en juillet 2020, et reste incarcéré à ce jour, accusé d’actes terroristes. Il lui est reproché d’avoir tenu des discours séditieux (puisqu’il menace de soutenir la sécession de l’Oromiya) et d’avoir lancé des appels à la violence en s’appuyant sur un mouvement de jeunesse, les Qeerros.
Les bailleurs de fonds étrangers (particulièrement l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui furent les artisans du rapprochement entre l’Éthiopie et l’Érythrée) comme la communauté internationale dans son ensemble laisseront-ils sombrer un pays longtemps considéré comme un modèle de développement en Afrique ?
Après les indépendances de l’Érythrée (1993), puis de la République du Soudan du Sud (2011), l’inquiétude face à ces discours séparatistes est légitime. En mars 1896, lors de la bataille d’Adoua, une ville située à 25 km au nord-est d’Aksoum, l’empire d’Éthiopie avait tenu en échec l’armée du royaume d’Italie. Plus d’un siècle plus tard, le destin de l’Éthiopie se joue encore au Tigré.
P. Zehr