La mer contre une mère
Dramatique n’est pas le mot suffisant pour traduire ce qui s’est passé dimanche 7 juin non loin de Skhirate. Des familles en pleurs face à l’ampleur du drame qui s’est subitement abattu sur elles… Tout commence innocemment par la recherche d’un moment de détente désiré par de jeunes athlètes, dont le jeune âge n’empêche pas d’avoir de grands rêves et de gigantesques ambitions. Tout commence par une séance d’entraînement-excursion qui va virer au cauchemar… L’association sportive «Ennour» prend l’initiative d’emmener ses membres, à l’orée d’un été qui s’annonce déjà très chaud, s’entraîner en bord de mer… Un moyen de transport de fortune, des jeunes désireux d’une bonne baignade, un entraîneur très enthousiaste et c’est parti! Le fourgon devrait effectuer deux voyages pour transporter les 46 participants à l’excursion, âgés tous entre 12 et 17 ans et accompagnés de très peu d’adultes. Ces pauvres enfants ne voulaient que s’amuser et ne savaient pas qu’ils effectuaient là leur dernier voyage.
Selma n’avait que douze ans, Zouhair en avait 13 et Halima 14… Ces petits ont été repêchés morts au large…
Cinq autres sont toujours perdus. Parmi eux, Nouhaila qui n’avait que 11 ans et Fadwa, la championne nationale de 15 ans qui, outre le fait d’être l’espoir de son club, était la raison d’être de sa pauvre mère, employée dans un bain maure, qui, sous l’emprise du sinistre, a même tenté de se suicider… La mer ayant refusé de lui rendre la dépouille de sa chère fille… Une fille dont l’ambition n’était autre que de réussir à changer la vie de cette mère-courage qui ne ménageait aucun effort pour offrir à son orpheline de fille une vie décente et digne. Fadwa voulait gravir les échelons et, pour sa mère, devenir la grande championne.
Mais la mer en a décidé autrement… Une mer qui allait effacer, en un battement de désespoir, autant de gloire et de réussite. Des titres qui faisaient grandir Fadwa, surtout aux yeux de sa chère mère.
Dauphine et médaillée d’argent en avril dernier au Botswana, lors du championnat d’Afrique de Taekondo, Fadwa a eu la médaille d’or dans sa catégorie (57 Kg), lors des phases finales du championnat national de cette année. Elle a été médaillée d’or aussi, en 2014, lors d’un tournoi international auquel ont participé plus de 15 pays européens… Autant de titres dont, malheureusement, la petite championne ne s’enorgueillira plus dans cette quête du bonheur et du bien-être à laquelle elle s’était attelée pour sa pauvre mère aux ambitions de laquelle la mer s’est férocement opposée.
Hamid Dades
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Mesures : La nécessaire rigueur
Chaque été, au Maroc, la mer tue énormément de jeunes. Le 8 juin dernier encore, cinq enfants ont été portés disparus sur une plage non gardée, proche de Oued Cherrat et de Bouznika où six autres enfants ont trouvé la mort par noyade.
A en croire des sources qui ont suivi l’affaire de près, la première intervention de la Protection civile, bien que tardive, a permis de secourir trois enfants qui ont été évacués vers l’hôpital et de récupérer cinq autres corps après le drame.
Que faire? Ces enfants exerçaient un droit garanti par la Constitution, le droit de la libre circulation. En bons citoyens, ils sont libres d’aller où ils veulent… Ceux-là sont allés en groupe sur une plage non gardée et peu fréquentée par les estivants… Ils étaient en excursion et c’est leur droit… Mais était-ce le droit d’autres, dont la négligence a causé la mort de ces pauvres enfants?
Comme d’autres ont aussi péri brûlés vifs, sur le chemin du retour d’une excursion et comme d’autres encore avaient brûlés avant eux dans une colonie de vacances… Beaucoup se noient, d’autres s’asphyxient et d’autres se retrouvent au fond d’un ravin ou emportés par les violents courants d’un Oued. Comme ça peut être une avalanche ou des chutes de pierres… Enfin, tous ces risques qu’on court quand on va en excursion…
Faut-il donc interdire ce genre de loisir? Et entendre cette raison qui traduit un adage bien de chez nous qui stipule: «Que de choses réalise-t-on en laissant tomber»? Et donc plus d’excursions. Plus de sorties pédagogiques. Plus de visites guidées… Plus rien. Tout compte fait, ça ne sert à rien, vu que nous n’avons plus les moyens, ni l’encadrement pour…
Ça serait facile, certes, mais ça ne réglera pas le problème, puisque les accros récalcitrants, férus de sorties et de voyages vont continuer d’en faire et d’organiser des sorties et des excursions tous azimuts, moyennant une petite contribution, juste de quoi couvrir quelques frais. Et que se lance l’aventure aux risques et périls de ceux qui y prendront part… Car, chez nous aussi, «toute chose prohibée est désirée» et donc, le problème restera posé et il va falloir s’attendre à davantage de victimes de la mer, de la route, de la montagne… D’autant plus qu’en matière de signalisation, on est encore en deçà de ce qu’il faut pour garantir un minimum de précaution… Si les noyés de l’Oued Cherrat avaient vu ne serait-ce qu’un quelconque panneau ou écriteau interdisant la baignade, il est sûr qu’ils auraient pensé avant de se jeter à l’eau… Geste que leur maître n’aurait pas non plus permis, mais…
Des mesures adéquates
Ce qui serait réconfortant et rassurant, tant pour ceux que l’organisation tente que pour les parents, c’est qu’il y ait une réglementation sécurisante et rigoureuse à travers l’élaboration d’un cahier des charges qui définirait les conditions à remplir pour être déclaré apte à organiser et toutes les formalités et les obligations qui vont avec.
Tout devrait commencer par la limitation du nombre de participants via une catégorisation selon les tranches d’âge, l’intérêt, la destination, la durée et le moyen de locomotion qui sera utilisé à cette fin (bus scolaire, autocar, fourgon, voitures…).
Bien sûr, il sera obligatoire de désigner un nombre suffisant d’encadrants en fonction de l’effectif des pris en charge (4 pour 12, 6 pour 18, etc.) et en fonction de la nature de l’excursion, par exemple des maîtres-nageurs-sauveteurs pour les sorties en bord de mer pour encadrer la baignade, des sauveteurs et des guides pour les sorties en montagnes et régions neigeuses (Atlas, Rif, etc.).
Ces équipes devront obligatoirement se plier à de strictes consignes de sécurité mentionnées dans une préalable autorisation remise par les autorités du point de départ et l’information des autorités du points de destination qui, à l’accueil, devront offrir un encadrement sur place et surveiller rigoureusement les arrivants, surtout quand il s’agit d’enfants.
Une manière de professionnaliser l’organisation des excursions et sorties et de mettre fin à cette anarchie qui caractérise ce genre de loisir à tel point qu’aujourd’hui et au vu de ce qui se passe et de la fréquence de fâcheux accidents, la majorité des parents refusent d’autoriser les enfants surtout à prendre part à de pareilles parties qui ont toujours été de vraies parties de plaisir qui joignent l’utile à l’agréable… Voilà qu’elles joignent fatalement aujourd’hui le futile au désagréable, faute de réglementation adéquate… N’est-il donc pas grand temps d’y penser? Ou faudra-t-il attendre qu’il y ait d’autres morts pour s’en rendre compte du côté de l’Intérieur, de la Jeunesse et des Sports, de l’Equipement et des Transports, de la Santé et de l’Education…? Messieurs, la balle est depuis longtemps déjà dans votre camp, qu’attendez-vous donc pour renvoyer l’ascenseur?
H. Dades
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Condoléances : Messages royaux aux familles des enfants noyés Aussitôt informé de la triste nouvelle de la mort par noyade de six enfants et de la disparition de cinq autres, en majorité des filles, sur une plage proche de Oued Cherrat, SM le Roi Mohammed VI a adressé des messages de condoléances et de compassion aux familles des victimes. Dans ces messages, SM le Roi a exprimé Ses sentiments de sympathie avec les familles éplorées des victimes, implorant le Très-Haut d’avoir les personnes décédées en Sa sainte miséricorde et d’accorder à leurs proches patience et réconfort. |
Oued Cherrat : 1er bilan d’un désastre Les services de la Protection civile et de la Gendarmerie royale et les autorités locales poursuivent les recherches pour retrouver les cinq enfants portés disparus à l’aide de deux hélicoptères et de plusieurs zodiacs et autres équipements voués à cette opération. Le bilan du drame fait état de onze morts. Six enfants sont morts noyés et cinq autres sont portés disparus. Sur les 6 repêchés, cinq sont morts noyés sur la plage et le sixième est décédé au moment de son évacuation vers l’hôpital de Bouznika. Deux autres enfants ont été secourus par la Protection civile. |
Arrestation : Le héros sous les verrous Mustapha Amrani est entraîneur de taekwondo, bien gradé et bien apprécié au sein de son association «Ennour» à Benslimane. Sportif de renom, il est loin d’être un assassin ou d’être soupçonné d’une quelconque intention criminelle. Amrani, qui vit à Benslimane, n’est pas censé ignorer la loi, certes, mais il n’est pas non plus censé connaître par cœur la cartographie de la région au point de savoir où il est permis de se baigner et où il est interdit… Il cherchait un endroit où il allait pouvoir entraîner la quarantaine de membres de l’association emmenés en excursion à l’occasion de la fin de la saison et en récompense aux performances des champions et championnes de son club. Et c’est du côté de Oued Cherrat qu’il a trouvé ce qu’il voulait… Ce n’est pas de sa faute s’il n’y a ni panneau, ni plaque qui avertiraient de l’interdiction de la baignade là où il a décidé de s’arrêter… Surpris par la houle, beaucoup ont pu, difficilement, se tirer d’affaire. Le reste, malheureusement, en majorité des filles et de jeunes garçons ont péri face à l’insuffisance de l’encadrement et l’absence d’équipe de sauvetage sur les lieux… Les adultes ont tout de même fait ce qu’ils ont pu, notamment le chauffeur du fourgon qui a réussi à sauver deux enfants avant de se noyer et l’entraîneur Amrani qui a réussi, lui, à en sauver quatre autres en dépit des graves blessures qu’il a eues dans sa rude lutte contre la marée et les rochers… |
Noyade : Les secours sont sur place! Les services de la Protection civile ont mobilisé des équipements et moyens supplémentaires dans les opérations de recherches pour retrouver les cinq enfants portés disparus sur cette plage proche de Oued Cherrat (préfecture de Skhirat-Témara) qui a été, dimanche 7 juin, la scène d’un drame, dont cinq enfants sont toujours portés disparus. |
HD