Le financement du terrorisme a permis Al-Qaïda, puis Daech. Il a permis l’Etat taliban, puis le prétendu califat. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Aujourd’ hui, le califat est en agonie, mais résiste encore, Al-Qaïda a repris de l’importance et les talibans ont repris de la vigueur en Afghanistan. Le terrorisme n’est donc pas éradiqué et est toujours financé. Mais de plus en plus, on a affaire à un terrorisme Low coast qui n’a pas besoin d’un financement important. La conférence internationale contre le financement est donc sans doute nécessaire, mais ne sera certainement pas suffisante.
Plus de 70 Etats et une vingtaine d’organisations se sont engagés, jeudi 26 avril à Paris, à renforcer la lutte contre le financement du terrorisme. Les participants ont adopté une déclaration comprenant un catalogue de plusieurs mesures.
Organisée au siège de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la conférence internationale de Paris a réuni, sur deux jours, près de 500 experts et 80 ministres de 72 pays. Ils ont planché sur le financement du terrorisme international, en particulier celui du groupe Etat islamique (EI) et d’Al-Qaïda.
Lutter contre l’anonymat des transactions financières, renforcer la traçabilité et la transparence des organisations à but non lucratif et des collectes de solidarité, impliquer les grands acteurs d’internet et des médias sociaux, ou encore accroître le soutien aux Etats vulnérables: telles sont quelques-unes des mesures de la déclaration de principe adoptée à la clôture de la conférence.
En janvier 2015, une chercheuse norvégienne, Emilie Oftedal, a étudié pour le compte du Norwegian Defense Research Establishment (FFI) quarante cellules terroristes qui ont, entre 1994 et 2013, organisé ou tenté d’organiser des attentats en Europe. Le résultat est que, dans les trois quarts des cas, le montant des sommes en jeu pour l’organisation des attaques n’a pas dépassé dix mille dollars.
On voit bien que, parfois, il ne faut pas des sommes très importantes, ce qui est par rapport au passé une difficulté supplémentaire.
Le président français, Emmanuel Macron, a appelé les participants internationaux à la conférence «No money for terror» sur le financement du terrorisme à mieux coopérer, pour priver les mouvements djihadistes de fonds et de moyens d’opérer.
«Nos ennemis s’infiltrent au cœur de nos sociétés. Ils utilisent toutes les formes contemporaines de financement. Il nous faut franchir une nouvelle étape dans la lutte contre Daech (acronyme arabe de l’Etat islamique, ndlr) et Al-Qaïda», a lancé, dans la grande salle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le chef de l’Etat. «Il faut assécher le terrorisme à la racine: il se nourrit des trafics d’êtres humains, de drogues ou d’armes. Il y a toujours un sous-jacent économique. Pour être efficaces, nous devons prendre l’engagement de la transparence et de la mobilisation», a-t-il ajouté.
Le chef d’Etat français s’est félicité que les quelque 80 ministres présents, représentant 72 pays, aient «parachevé un ‘‘Agenda de Paris’’, avec une liste d’engagements forts: le partage de renseignements, la lutte contre l’anonymat des transactions, l’identification des sources de financement, l’anticipation du détournement des nouveaux instruments financiers, l’engagement collectif vis-à-vis des pays vulnérables ou défaillants». Emmanuel Macron a baptisé «Coalition de Paris» la réunion de ces 72 pays signataires d’une déclaration commune et a annoncé que l’Australie «avait accepté d’organiser la prochaine réunion de cette coalition» en 2019, «pour avancer concrètement sur l’agenda ainsi défini». Le président français s’est, à plusieurs reprises, félicité de la victoire militaire obtenue en Syrie et en Irak contre les troupes du califat auto-proclamé de l’Etat islamique. «Mais cet ennemi ne disparaît pas, il s’adapte. Nos ennemis sont mobiles et inventifs» et «utilisent toutes les formes contemporaines de financement». L’offensive contre les bases de l’EI par la coalition internationale ayant été annoncée des mois à l’avance, le groupe a eu tout le temps de mettre en place des filières financières clandestines multiples, dans une région où les trafics ont toujours été florissants, soulignent les experts.
Le Qatar, souvent accusé, a promis de durcir son contrôle, notamment vis-à-vis de vraies fausses organisations humanitaires ou culturelles
Dans un entretien au Figaro, à l’occasion de la conférence internationale contre le financement du terrorisme qui se tient à Paris, le ministre des Finances, Ali Shareef al Emadi, annonce que les ONG caritatives devront désormais travailler en étroite collaboration avec l’Etat du Qatar.
«Nous allons désormais travailler avec les gouvernements des pays concernés par l’aide de ces ONG. Nous allons travailler en lien direct, de gouvernement à gouvernement, pour être sûrs du contenu des projets d’aide. Si une organisation charitable qatarienne finance un projet en Afrique, par exemple, nous demanderons aux autorités du pays concerné dans quelle zone veulent-elles qu’on intervienne et à travers quels canaux pourrons-nous agir? Et cela pour minimiser les risques. Désormais, chaque organisation charitable au Qatar devra passer par le Croissant rouge qui appartient à l’Etat qatarien et via le ministère des Affaires étrangères. Nous voulons combler les failles qui pouvaient exister dans ce type de transactions», a-t-il déclaré.
Sur le principe, tout le monde est donc d’accord. Restent la réalité des actions et la limite de la lutte contre le financement du terrorisme qui n’a pas besoin d’argent…
Patrice Zehr