Pour Driss Jettou, la gouvernance des finances publiques souffre, entre autres, d’un décalage entre les prévisions et les réalisations des lois de Finances. Détails.
Le président de la Cour des comptes, Driss Jettou, a présenté un diagnostic des Finances publiques. En effet, il vient de divulguer le rapport d’activité de son institution qui porte sur les dettes et les recettes publiques.
Globalement, l’homme politique a dévoilé les défaillances dans la gestion des deniers publics. Il s’agit du déphasage entre les prévisions et les réalisations des lois de Finances. A titre d’exemple, le niveau du déficit budgétaire qui s’est établi à 6% en 2011, alors que la loi de Finances prévoyait seulement 4%, démontre l’ampleur de l’imprécision des hypothèses de base. Il y a aussi la hausse des budgets reportés d’une année à l’autre, causée par la faiblesse de l’exécution du budget d’investissement qui se traduit par la lenteur de réalisation des projets programmés.
D’autre part, la loi de Finances exagère le transfert des crédits et le recours aux charges communes dans le but d’alimenter les établissements publics et les comptes spéciaux de crédits non programmés. Résultat, le rôle de la loi de Finances est minimisé et devient un outil de prévision et d’autorisation seulement. Même l’implication du Parlement dans le suivi des réalisations des budgets est réduite!
Lors de la présentation de ce diagnostic, le président de la Cour des comptes a également mis le doigt sur les grandes réformes en attente, en l’occurrence la réforme sur les retraites et celle sur la compensation. Elles représentent un danger pour les finances publiques, selon Driss Jettou. A titre de rappel, lesdites réformes avaient fait l’objet de rapports thématiques de la Cour des comptes.
Par ailleurs, l’ancien Premier ministre a insisté sur le volet de l’endettement. Driss Jettou a relevé la faiblesse des mécanismes pour fixer le niveau opportun de l’endettement. En effet, la dette du Trésor s’est située à 554 milliards de dirhams (MMDH) à fin 2013, ce qui correspond à 62,5% du produit intérieur brut (PIB). Cependant, la dette publique dans son ensemble s’est chiffrée à 678 MMDH, soit plus de 76% du PIB. Pour ce qui est des services de la dette pour la même année, principal et intérêts compris, ils se sont établis à 151 MMDH, soit 17% du PIB. Il ne faut pas négliger le fait qu’il n’y a que la ligne d’autorisation d’endettement à court terme dans la loi de Finances, ce qui se traduit par l’absence de dispositions légales pour encadrer l’endettement à moyen et long termes.
En outre, Jettou s’est également attaqué à la problématique du recouvrement des recettes de l’Etat qui demeure très faible. D’ailleurs, plus de 95% des amendes sont abandonnées, car elles ne sont pas prises en charge par les tribunaux. S’agissant des amendes prises en charge, le recouvrement a concerné à peine le tiers de ces montants à ce jour. Ainsi, le montant des amendes non recouvrées par le ministère de la Justice s’est élevé à près de 4,5 MMDH au terme de l’année 2013.
Il est à noter que le chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, n’a pas assisté à cette présentation. Il faut dire qu’il n’était pas tenu d’être présent, vu que le travail était destiné au Parlement dans le but de constituer une matière première à son travail de contrôle du gouvernement. Néanmoins, cette action s’inscrit dans la mise en œuvre de la Constitution et, de ce fait, Benkirane aurait pu encourager cette initiative. Au total, il y avait seulement 5 ministres lors de l’exposé de Driss Jettou.
Anas Hassy