Invité par la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc, le 29 mai dernier, à Casablanca, Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, y a développé le thème «Pour un management dynamique des finances publiques».
«Je voudrais partager avec vous une citation de David Cameron (Premier ministre de GrandeBretagne, Ndlr) qui nous interpelle tous: »Nous sommes dans les affaires pour planter des arbres pour nos enfants et nos petits-enfants. Sinon, nous n’avons absolument rien à faire dans la politique »», lança d’emblée Nourreddine Bensouda, trésorier général du Maroc, tout en rappelant que les finances publiques doivent répondre aux besoins présents, sans toutefois compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs pour assurer un développement durable.
Le trésorier général du royaume a mis le doigt sur la question de la dette publique avec ses conséquences sur les finances publiques. Certains s’accordent sur le fait que le poids de la dette reste maîtrisé aussi bien en termes de stock que de service et qu’il reste supportable à condition de soutenir la croissance économique et de mettre en place les principales réformes, en l’occurrence la réforme de la retraite et la réforme fiscale. La dette publique reste soutenable lorsque le pays reste solvable, sans ajustements majeurs de la politique budgétaire menée dans le futur. Néanmoins, d’autres ne partagent pas cette analyse. Ils considèrent qu’une surveillance de l’endettement est indispensable et insistent sur l’affectation des ressources empruntées à l’investissement rentable économiquement et financièrement.
Pour rappel, la Cour des comptes avait relevé que l’encours de la dette du Trésor a significativement augmenté entre 2009 et 2013, pour se situer à plus de 62% du produit intérieur brut (PIB). Elle est caractérisée par une prédominance de la dette intérieure et une nette augmentation de la part des maturités à court terme. Toutefois, la Cour a constaté une nette amélioration de la durée de vie moyenne au terme du mois d’avril 2014.
«Il apparaît donc, malgré les divergences de points de vue, que tout le monde s’accorde sur la nécessité des réformes structurelles en vue de maîtriser le déficit public et le niveau d’endettement», a poursuivi le trésorier général du royaume. Afin d’y arriver, il faut adopter un management dynamique et coordonné des finances publiques. «Il se fonde sur une nouvelle gestion publique, concept néolibéral qui a influencé la plupart des réformes dans l’administration publique au cours des trois dernières décennies», a expliqué Nourredinne Bensouda. Le management dynamique nécessite la coordination des politiques publiques et la mobilisation des acteurs et de leurs coopérations, car les réformes en finances sont interdépendantes et globales.
Réforme comptable
«La réforme de la comptabilité de l’Etat est actuellement au cœur des réformes engagées en matière de finances publiques», a déclaré Bensouda. Cette réforme devrait offrir au gouvernement, au Parlement et au citoyen les éclairages nécessaires sur l’exécution de la loi de Finances. En effet, elle leur permet le suivi des comptes de l’Etat et des principaux agrégats financiers. D’ailleurs, elle renseigne, entre autres, sur la gestion des stocks. Ladite réforme indique également les marges de manœuvre et d’arbitrage financier. «Elle favorise une gestion dynamique du patrimoine de l’Etat, de son portefeuille, de sa trésorerie, de son volume d’endettement et des risques susceptibles de mettre en cause l’équilibre des finances de l’Etat et la soutenabilité budgétaire à long terme, notamment ses engagements hors bilan», a décliné Bensouda. A ce sujet, la Cour des comptes considère que les défaillances des finances publiques pourraient provenir des engagements hors bilan, tels que les passifs implicites et explicites qui risquent d’agir négativement sur le niveau de l’endettement.
Réforme fiscale
Le système fiscal marocain connaît, depuis plusieurs années, une ambivalence entre une fiscalité universelle et une fiscalité dérogatoire. Autrement dit, cette ambivalence concerne le fait de taxer et d’exonérer. Conséquence, le taux de progression des recettes, à fin 2013, a connu une chute de 1,6%, en comparaison avec 2012. Cette situation provient d’un schéma où cohabitent deux volontés paradoxales, à savoir l’élargissement de l’assiette fiscale et l’attribution des incitions fiscales. Résultat, les dépenses ordinaires ne sont pas totalement couvertes par les recettes ordinaires, ce qui se traduit par le fait que l’Etat se retrouve dans une situation de désépargne budgétaire et recourt à l’emprunt pour financer l’investissement et les dépenses de fonctionnement non couverte par les recettes ordinaires. D’ailleurs, le ministre de l’Economie et des Finances a précisé que la recherche des équilibres permettra d’éviter aux générations futures d’assumer un endettement insoutenable.
Ainsi, la réforme fiscale constitue l’une des réformes majeures en finances publiques et doit être mise en œuvre en recourant aux principes de l’approche de la nouvelle valeur publique. «Cette approche considère qu’il est indispensable d’avoir une définition claire des cibles, des objectifs et des indicateurs de succès avec l’implication réelle de tous les acteurs», a clarifié Bensouda. Elle insiste sur une gestion collaborative ou partenariale caractérisée par la coproduction et la co-construction. L’objectif final est d’assurer une meilleure sécurité fiscale qui favorise une certaine permanence permettant au secteur privé d’avoir la lisibilité nécessaire pour opérer des choix économiques rationnels et une plus grande visibilité pour programmer ses investissements. Le ministre de l’Economie et des Finances, Mohammed Boussaid, a annoncé, lundi 2 juin, que les mesures prises par le gouvernement pour réformer le secteur fiscal ont coûté 2,5 milliards de dirhams.
Réforme budgétaire
La survenance de la crise économique et financière s’est traduite par le creusement des déficits budgétaires, des niveaux élevés d’endettement et des difficultés de refinancement de la dette qui arrive à échéance. Ainsi, les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité de changer de logique de gestion des finances publiques. Il s’agit de réformer le budget en adoptant une gestion moderne qui exige de la pro-action, de l’anticipation et de rompre avec la gestion fondée sur la réaction face aux événements de l’environnement national et international. Il faut dire que la réforme budgétaire s’attache à l’articulation entre la Constitution de l’Etat et la loi organique des Finances. Elle est également fondée sur une responsabilisation des gestionnaires avec une obligation d’imputabilité du pays et du bien-être des citoyens. «Elle préconise qu’il faut fixer des objectifs clairs sur la base d’une programmation pluriannuelle, mobiliser les moyens financiers appropriés et juger les résultats de l’action», selon Bensouda.
Par ailleurs, la réforme budgétaire introduit des règles de rigueur et de transparence, notamment la mise en place de la budgétisation des restitutions fiscales, la limitation des reports de crédits d’investissement et la mise en place de crédits limitatifs pour les dépenses de personnel.
Anas Hassy