Le SG du PJD, Abdelilah Benkirane, chargé depuis le 10 octobre 2016 par le Roi Mohammed VI de former le gouvernement, est aujourd’hui dans l’impasse.
Plus de 3 mois après le début des négociations pour la formation de sa majorité, Benkirane ne parvenant pas à trouver un terrain d’entente, vient de stopper ces négociations.
Comment en est-on arrivé là? Chronologie des principales étapes ayant mené à la déchirure entre Abdelilah Benkirane et ses principaux interlocuteurs politiques.
Une proposition qui mérite réflexion
Le président du Rassemblement National des Indépendants (RNI), Aziz Akhannouch, s’est entretenu, mercredi 4 janvier 2017 à Rabat, avec son homologue Abdelilah Benkirane, chef de gouvernement et SG du PJD. Au menu de cette rencontre, l’accélération des négociations pour la formation du prochain gouvernement. A l’issue de l’entrevue entre les deux leaders politiques, Akhannouch a déclaré qu’il avait eu des propositions de la part de Benkirane auxquelles il répondrait dans 48 heures, après concertation avec les responsables de l’UC et du MP. Cette déclaration a fait rapidement sortir Abdelilah Benkirane de ses gonds. Le chef de gouvernement a expliqué quelques heures après que Aziz Akhannouch représentait le RNI et non pas d’autres formations politiques et, de ce fait, il ne pouvait parler qu’au nom de son parti.
La colère de Benkirane
Samedi 7 janvier 2017. Le délai de 48 heures demandé par le président du RNI, pour répondre aux propositions du chef de gouvernement, est écoulé, ce qui a exaspéré le chef de gouvernement qui laissait transparaître sa colère. Abdelilah Benkirane a même affirmé: «A ce jour, j’attends la réponse de Aziz Akhannouch qui tarde à venir».
La réponse qui a pris tout le monde de court
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le chef de gouvernement soit fixé. Alors qu’il se croyait maître de la situation, Benkirane reçut, dimanche 8 janvier 2017, une gifle à laquelle il ne s’attendait pas et qui prenait de court les politologues les plus avertis. En effet, quatre partis, à savoir le RNI de Aziz Akhannouch, l’UC de Mohamed Sajid, le MP de Mohand Laenser et l’USFP de Driss Lachgar ont publié un communiqué commun, d’un ton sec, contre le chef de gouvernement. Dans ce document, les quatre formations politiques rappelaient à Abdelilah Benkirane que le Maroc a besoin d’une majorité forte. Les quatre formations politiques ont appelé Benkirane, d’une seule voix et pour la première fois, à élargir sa majorité.
Rupture consommée
Ne parvenant pas à avaler cette énième couleuvre -une gifle, comme disent les détracteurs du PJD-, le SG du parti islamiste a sorti ses griffes et pris une décision inattendue. En réponse au communiqué commun du RNI, de l’UC, du MP et de l’USFP, il a rédigé à son tour une réponse officielle qu’il publia illico presto sur le portail électronique du PJD. Il y annonçait la fin de toute discussion ou négociation avec le RNI. «Intaha al kalam», a dit Benkirane dans son communiqué. Il a argumenté sa décision par le fait qu’il avait attendu, en vain, la réponse de Aziz Akhannouch à la proposition qu’il lui avait faite lors de leur rencontre du 4 janvier 2017. Et Abdelilah Benkirane d’ajouter: «Aziz Akhannouch a promis de me répondre il y a deux jours sur la question que je lui avais posée, chose qu’il n’a pas faite, préférant me répondre par un communiqué qu’il a rédigé avec d’autres partis, auxquels je n’ai fait aucune proposition». En référence aux consultations menées par Akhannouch auprès de l’UC et de l’USFP. Benkirane ne s’est pas arrêté là, puisqu’il a discrédité le MP de Mohand Laenser qui est dorénavant, lui aussi, exclu des négociations.
En attendant l’arbitrage royal
Le chef de gouvernement est-il allé trop loin en mettant fin aux négociations avec le RNI et le MP? Selon de nombreux analystes politiques, Abdelilah Benkirane est en effet allé vite en besogne. Ils ajoutent qu’exclure certains partis des négociations va retarder davantage la formation du gouvernement. D’aucuns estiment que le moment est venu pour que le Souverain intervienne en personne pour remettre les pendules à l’heure. L’article 42 de la Constitution est clair à ce sujet: «Le Roi, Chef de l’Etat, son Représentant suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles (…)».
Plus de 3 mois se sont écoulées depuis l’annonce des résultats des élections législatives du 7 octobre et la nomination du chef de gouvernement par le Souverain. En échouant dans sa mission de former sa majorité, Abdelilah Benkirane empêche le bon fonctionnement des institutions, dont le Parlement.
Il est temps de prendre le taureau par les cornes. En l’absence d’hommes politiques sérieux et conscients de leur rôle vis-à-vis du pays et des citoyens, seul le Souverain est apte à remettre chacun à sa place.
Mohcine Lourhzal
Le SG du PJD soutient Benkirane Réuni en session extraordinaire, lundi 9 janvier 2017, au siège du parti à Rabat, pour discuter de l’évolution des négociations pour la composition du gouvernement, le Secrétariat général du PJD a approuvé les propos du communiqué diffusé par Abdelillah Benkirane dans lequel celui-ci a annoncé sa décision d’arrêter toute négociation avec le RNI de Aziz Akhannouch et le MP de Mohand Laenser.