Il n’y a jamais eu autant de monde devant la télévision en France que ce lundi 13 avril 2020 au soir, pour écouter le président Macron.
Une date a été avancée pour un début de déconfinement le 11 mai. Tout le monde attendait une date, c’est fait. Mais c’est un objectif… Ce sera à partir du 11 mai, si les choses évoluent favorablement. Il y a eu une surprise : la réouverture des crèches, des écoles et lycées, progressivement. Mais cela parait encore très flou et très contesté par les professeurs et les parents. Tout est encore très flou d’ailleurs. Il y aura eu en France une victime du virus : l’esprit cartésien. La deuxième victime moins grave est, pour un certain temps en tout cas, celle de l’insupportable arrogance française. Pays, peut être des droits de l’homme, mais sûrement de donneurs de leçons. La France ne cesse de recevoir des leçons de l’Asie, certes, mais aussi de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark et, au-delà, du Maroc. Si l’on est Cartésien, si on admet que pour que le virus ne circule plus, il faut que plus de 50 % de la population ait été contaminée gravement ou non, la conclusion est que le confinement sauve des vies, mais n’arrête pas le virus. L’esprit Cartésien sait que pour s’en sortir il faudrait accepter 100.000 ou 200.000 morts, voire plus. Et dans nos sociétés de communication médiatique; c’est impossible. Nous sommes à des années lumière de 1968. A la fin des années 1960, la « grippe de Hong Kong » a en effet provoqué la mort d’un million de personnes à travers le monde, selon les estimations de l’OMS. Apparue d’abord en Chine, en juillet 1968, la maladie s’est diffusée à Hong Kong massivement. Ce sont ensuite les soldats américains stationnés au Vietnam qui l’ont importée aux Etats-Unis, où elle y fait 50 000 morts en trois mois. Puis la vague épidémique déferle en Europe en 1969. La France n’est pas épargnée et 31 226 personnes trouvent la mort en l’espace de deux mois. Il faut le dire sans porter de jugement ce qui était acceptable ne l’est plus. Plus personne n’a le droit de mourir en France, sauf peut être les vieux- les boomers- si détestés des jeunes écologistes, qui redécouvrent cependant que ces anciens dénoncés sont leurs grands parents adorés.
Tout ceci pour tenter de comprendre les raisons non dites du flou du déconfinement à la française. Comment déconfiner sans retourner au début de l’épidémie et saturer le système de santé à bout de force. On ne le sait pas. On espère un vaccin, bien sûr, mais aussi un traitement. Mais en attendant, le pouvoir français a mangé son chapeau. Il l’a fait sur les tests- il le fait surtout sur les masques et se dirige vers le traçage téléphonique. Tout cela pour permettre un déconfinement diversifié par zones géographiques, par professions, ou par classes d’âge. Donc, à part une date souhaitée et annoncée, mais pas encore certaine, on reste dans le flou sur ce qui sera fait vraiment.
Il y a tout de même des annonces.
En annonçant une prolongation du confinement jusqu’au 11 mai, le chef de l’Etat français a assuré «mesurer l’effort que l’on demande». A cette date, «le début d’une nouvelle étape», les crèches, les écoles, les collèges et les lycées, pourront rouvrir progressivement. Par contre, les restaurants, les hôtels ou les salles de spectacles resteront fermés, a annoncé Emmanuel Macron.
Le 11 mai marquera aussi le moment où «nous serons en capacité de tester toute personne ayant des symptômes» et où «l’Etat devra permettre à chaque Français de se procurer un masque grand public».
On verra bien. Restent cependant bien des questions. Certains doutent de l’ouverture des écoles. On s’interroge beaucoup sur l’été qui vient. Y aura-t-il des vacances en fonction des régions ? Ce qui semble exclu, c’est le départ des Français à l’étranger hors Europe et même en Europe… Mais quid des gens voulant retourner au pays de leurs origines où ils ont de la famille, c’est un casse tête qui vient. Personne n’en a encore parlé en France, mais tout le monde y pense.
Patrice Zehr
Réactions politiques
Jean-Luc Mélenchon, chef de file des députés LFI (sur TF1): «Il vient d’annoncer un déconfinement à la date du 11 mai, mais un déconfinement sans planifier les conditions du déconfinement, c’est extrêmement dangereux ! Ma première réaction c’est de dire aux gens: surtout restez confinés».
Olivier Faure, premier secrétaire du PS (sur TF1): «Sur le 11 mai, il faut des garanties de faisabilité, nous verrons, c’est un objectif ambitieux, qu’il faut partager. Il faut mettre tous nos efforts conjoints pour y parvenir, mais c’est un objectif ambitieux et il faut effectivement avoir la logistique qui va avec».
Christian Jacob, président des Républicains (à l’AFP): «Emmanuel Macron s’est livré à un exercice pédagogique indispensable, il a esquissé un calendrier sur le déconfinement sur la base de données scientifiques, il va falloir maintenant que l’intendance et la logistique suivent. Tout cela va dépendre de sa capacité à réellement sonner la mobilisation générale. Les mots ne suffiront plus. On voit le retard que l’on a pris sur les masques, les équipements, les tests… Il faut maintenant anticiper le rédémarrage de l’économie, secteur d’activité par secteur d’activité».
Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France (sur Twitter): «Sans frontières nationales, sans masques ni tests suffisants, le déconfinement d’E. Macron avec les écoles ouvertes dès le 11 mai, met en danger les Français ! A l’inverse, je propose un déconfinement progressif pour ceux qui seront testés et protégés de masques».
Sébastien Chenu, porte-parole du RN (sur Twitter): «L’autojustification d’Emmanuel Macron nous plonge dans le flou sanitaire et économique, ne remet rien en cause de l’UE et ne répond pas aux vraies questions (retards commandes de test et masques, annulations de charges pour PME, tests en Ehpad)… Brouillon et pas à la hauteur».