Les Français s’attendent à une grosse pagaille lundi et mardi dans les transports, paralysés depuis quatre jours par une grève contre une réforme des retraites défendue par le gouvernement et qui menace de s’installer dans la durée.
Nombre d’acteurs économiques en France redoutent une prolongation de cette grève et un manque à gagner pour les commerçants, mais aussi des blocages routiers ou une pénurie de carburants qui affecteraient leur activité plus sévèrement durant la période cruciale des fêtes de fin d’année.
A l’origine de la colère: le « système universel » de retraite censé remplacer à partir de 2025 les 42 régimes de retraites existants (général, des fonctionnaires, privés, spéciaux, autonomes, complémentaires,…). L’exécutif français promet un dispositif « plus juste », quand les opposants redoutent une « précarisation » des retraités, avec un départ plus tardif et des pensions plus basses.
La retraite est un sujet éminemment sensible en France. Les opposants les plus virulents espèrent faire durer le mouvement et mettre le pays à l’arrêt comme en décembre 1995. La mobilisation d’alors, notamment contre une réforme des retraites, avait paralysé les transports en commun durant trois semaines et forcé le gouvernement de l’époque à reculer.
Or le contexte social est déjà tendu, avec la mobilisation depuis plus d’un an du mouvement inédit des « gilets jaunes », qui contestent la politique fiscale et sociale du gouvernement, mais aussi des mécontentements exacerbés dans les hôpitaux, parmi les étudiants, les cheminots, les policiers, les sapeurs-pompiers, les enseignants, les agriculteurs…
Pour le président Emmanuel Macron, qui a fait de la « transformation » de la France la raison d’être de son quinquennat, les jours à venir s’annoncent déterminants.
Pour sauver cette réforme emblématique, promesse de campagne d’Emmanuel Macron avant son élection en 2017, des consultations gouvernementales ont lieu tout le weekend, avant une semaine cruciale et une nouvelle journée de manifestations mardi.
Dimanche soir, Emmanuel Macron et le Premier ministre Edouard Philippe devaient réunir à l’Elysée les ministres concernés. Lundi, en compagnie de la ministre française des Solidarités Agnès Buzyn, le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye présentera aux partenaires sociaux les conclusions de sa longue concertation. Mercredi, Edouard Philippe détaillera son plan.
La circulation des trains restait très fortement réduite dimanche. A Paris, 14 lignes de métro sur 16 étaient fermées.
La compagnie ferroviaire SNCF prévoit une journée de lundi « extrêmement compliquée », avec seulement un train à grande vitesse et un train régional autour de Paris sur cinq. Sur le réseau des autres trains régionaux, la compagnie annonce trois liaisons sur dix, « essentiellement assurées par bus », tandis que le trafic international sera « très perturbé ».
La compagnie invite « tous ceux qui le peuvent à limiter leurs déplacements en train ». Elle n’attend « pas d’amélioration mardi », compte tenu de la deuxième journée nationale de mobilisation contre la réforme des retraites, a précisé sa porte-parole, Agnès Ogier.
A Paris, le trafic du métro sera « extrêmement perturbé » lundi et mardi, avec dix lignes sur seize fermées lundi, a annoncé la direction de la compagnie des transports parisiens RATP, qui avertit d’une « fort risque de saturation du réseau » et « invite tous les voyageurs qui en ont la possibilité à différer leurs déplacements ».
Dimanche, Edouard Philippe et son principal opposant sur ce dossier, le secrétaire général du syndicat CGT Philippe Martinez – regonflé par la mobilisation massive du 5 décembre qui a fait descendre plus de 800.000 manifestants dans la rue – se sont affrontés dans la presse.
« Si on ne fait pas une réforme profonde, sérieuse, progressive aujourd’hui, quelqu’un d’autre en fera une demain brutale, vraiment brutale », prévient dans des propos au Journal du Dimanche (JDD) M. Philippe, « déterminé » à mener « jusqu’à son terme » le projet de système universel de retraite par points.
« Nous tiendrons jusqu’au retrait » de la réforme, dans laquelle « il n’y a rien de bon », réplique dans une interview au JDD Philippe Martinez.
Cette réforme, « nous avons besoin de la réexpliquer » et sa présentation par le Premier ministre mercredi « permettra à chacun de se positionner », a estimé sur le média franceinfo la secrétaire d’Etat à la Transition écologique, Emmanuelle Wargon.
De leur côté, les professionnels du commerce et du tourisme s’inquiètent des conséquences d’un mouvement social potentiellement durable.
En fin d’année 2018, ils avaient déjà pâti de la crise des « gilets jaunes », mobilisés notamment lors de manifestations tous les samedis qui ont parfois dégénéré, inquiété à l’étranger et entraîné un manque à gagner pour les commerçants et les hôteliers.
Avec AFP